Né le 22 septembre 1892, Léon DORIGNY a vu le jour dans le Santerre, comme sa sœur aînée, Marie, et son frère cadet, Georges.
Après la naissance de Georges, en 1894, la famille quitte Rosières pour Acheux-en-Amiénois. C’est dans cette commune, entre Doullens et Albert, que naît Gaston en 1896, venant compléter la fratrie. Le chef de famille, Léonce, a trouvé un emploi de chauffeur sur la ligne de chemin de fer économique Doullens-Albert.

Hélas ! Dans l’impossibilité physique de poursuivre cette activité, Léonce décide de revenir à Rosières. Comme son épouse, Amélie, il en est originaire, et il sait que, si lui ne pourra plus travailler, sa femme et ses enfants y trouveront facilement un emploi. Amélie reprend son activité de couseuse, et, en 1899, naît Eugène, leur dernier enfant, dans la petite maison des DORIGNY, Rue de Caix. La fratrie compte finalement quatre garçons et une fille.

Rosières est une ville qui compte dans la Somme. Au-delà d’être un des cinq chefs-lieux de cantons dans l’arrondissement de Montdidier et de compter plus de 2 600 habitants, la commune est un grand centre économique. La gare est une des plus importantes de la grande ligne d’Amiens à Tergnier. Elle sert également d’embranchement pour la ligne du chemin de fer économique de Montdidier à Albert. Les productions locales sont envoyées vers toutes les régions françaises, y compris en Algérie, mais aussi vers l’Asie, vers l’Amérique et presque toutes les contrées d’Europe.

La bonneterie est l’activité principale de Rosières. Elle occupe plus de 350 hommes et 400 femmes. La concurrence internationale commence à se faire sentir, et les patrons espèrent que l’Exposition universelle de 1900 sera une vitrine pour de nouveaux clients comme la Russie ou la Chine. En attendant, les Rosiérois profitent de la situation. Amélie, la mère de Léon DORIGNY, est couseuse, tout comme le devient, très jeune, sa fille, Marie.
L’autre activité, dans cette riche terre du Santerre, est bien sûr, l’agriculture. Plus de la moitié des terres est cultivée en céréales, et un quart, en betteraves sucrières. Le rendement dépasse largement la moyenne de celui du département.
A Rosières, on trouve aussi une scierie mécanique, une usine à gaz, une cidrerie, une entreprise de battage, un atelier de construction d’articles d’apiculture, des fabricants de sabots et de jouets en bois, et des briqueteries. Léon DORIGNY, son frère Georges, puis plus tard, Gaston, après avoir fini leur scolarité primaire, deviennent briquetiers chez Billiard.

Léon est incorporé au 120e Régiment d’Infanterie, en octobre 1913, pour y effectuer ses trois années de service militaire. Le régiment de Péronne est parti à Stenay, dans la Meuse, pour participer à la protection des frontières. La guerre avec l’Allemagne menace.
Le 1er août, quand le tocsin sonne sur le plateau du Santerre pour appeler à la Mobilisation générale, Georges, Gaston et Léonce DORIGNY, encore trop jeunes pour partir, ne savent pas si la guerre va les concerner aussi. Si, comme on le lit dans les journaux, le conflit ne dure pas plus de 3 semaines, ils pourront y échapper. Mais pas leur frère aîné, Léon. Le 120e RI se prépare à participer, s’il le faut, aux premiers combats.
Le 22 août 1914, le 120e perd près de 1 000 hommes, à Bellefontaine, dans le Sud du Luxembourg belge. Début septembre, la Bataille de la Marne entraîne d’autres terribles pertes pour le régiment de la Somme. Quand la guerre s’immobilise, à partir de la mi-septembre 1914, Léon et ses copains du 120e se retrouvent dans les tranchées, en Argonne, dans le Bois de la Gruerie.
Léon DORIGNY est déclaré disparu, dans le secteur de Mesnil-les-Hurlus, entre le 28 février et le 9 mars 1915. Après la guerre, sa date officielle de mort sera établie au 2 mars 1915.

Georges DORIGNY, son frère, d’abord exempté pour faiblesse, a été déclaré apte en novembre 1914 et incorporé au 45e RI, puis au 21e RI. Blessé à la jambe droite par éclats d’obus, en décembre 1916, il a été, à nouveau blessé à la même jambe, peu de temps après son retour au front, au Chemin des Dames, en juin 1917. Ecarté des champs de bataille pendant une année pour se faire soigner, il a terminé la guerre dans l’Artillerie.
Gaston DORIGNY, mobilisé à 19 ans, est parti à la guerre en avril 1915. Une blessure au bras gauche par éclats d’obus, dans l’Aisne, en novembre 1917, lui a laissé des séquelles.
Eugène DORIGNY, le plus jeune de la fratrie a été mobilisé en avril 1918. Après une instruction militaire de quelques semaines, il a combattu en automne 1918 avec le 128e Régiment d’Infanterie. Il a été démobilisé en janvier 1921.

La fratrie s’est disloquée. Léon DORIGNY est mort. Georges DORIGNY, estropié de guerre, est parti vivre dans le département du Nord. Eugène DORIGNY, le plus jeune de la fratrie, a aussi quitté la région et ses ruines. Il s’est installé à Vitry-sur-Seine. Seul Gaston DORIGNY est revenu vivre à Rosières-en-Santerre. La riche ville de l’avant-guerre était à reconstruire. Aucune maison n’avait été épargnée par les tirs d’artillerie. Gaston reprit son activité de briquetier. Il y avait tellement de maisons à reconstruire à Rosières et aux alentours.

Amélie, la maman des frères DORIGNY, devenue veuve, revint vivre, dans la Rue de Caix. Gaston, lui, s’installa Rue de la Gare pour y fonder un foyer avec Marie, une jeune fille de Rosières. Il reprit son activité de briquetier.

Une souscription publique a été lancée pour le financement du monument aux morts. C’est l’artiste amiénois Auguste Carvin qui a réalisé les sculptures. Le jour de l’inauguration, le 1er novembre 1922, Gaston a pu y découvrir le nom de son frère, Léon DORIGNY, jeune homme âgé de 22 ans pour toujours. Les larmes n’ont pu être retenues.

Gaston DORIGNY, le blessé du Chemin des Dames, est mort à Rosières, en 1927, à l’âge de 30 ans. Personne ne sait si ce n’est pas la guerre qui l’a, lui aussi, fait disparaître si jeune. Dans tous les cas, son nom n’est inscrit sur aucun monument. Ni le sien, ni celui de ses frères rescapés. Rescapés mais victimes d’avoir perdu leur frère aîné dans l’horreur d’une guerre qui a continué, jusqu’à leur mort, à hanter leurs nuits.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme. Marie-Hélène CABOT a réalisé la collecte de données pour la commune de Rosières-en-Santerre.

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