Né le 4 octobre 1893, François BECQUET, comme sa sœur et ses frères, n’a pas vu le jour à Mers. C’est de l’autre côté de la « frontière », sur l’autre rive du fleuve côtier La Bresle, en Seine-Inférieure, que le père, Hospice, était arrivé quelques années plus tôt, avec toute sa famille. Bien qu’originaire du Vimeu, dans la Somme, le jeune Hospice avait quitté Allenay, près de Béthencourt-sur-Mer, avec ses parents et ses frères, abandonnant son métier de serrurier, pour aller cultiver les terres calcaires du plateau normand situé au Sud de la Ville d’Eu.
Hospice a alors rencontré Julia LABOULAIS, une fille de cultivateur, et ensemble ils sont allés s’installer dans une ferme à Saint-Rémy-Boscrocourt. C’est dans cette ferme que sont nés Henriette, Jules, François et Marcel.
La commune de Mers était un village d’à peine 400 habitants au milieu du XIXe, mais avec la nouvelle vogue des Bains de mer et l’arrivée du Chemin de fer jusqu’à la gare située entre Mers et Le Tréport, la population a explosé. Tout un quartier, appelé Le Dépôt, a été construit pour accueillir les cheminots, et le front de mer s’est habillé de magnifiques villas habitées, l’été, par des familles bourgeoises de Paris, ou des grandes villes du Nord de la France.

Quand Hospice décide de s’installer à Mers, avec toute sa famille, au début des années 1900, la population est alors de plus de 1 600 personnes, alors que, 30 ans plus tôt, il y en avait 1 000 de moins. Avec tous ces bourgeois en villégiature, le travail ne va pas manquer. Hospice, Julia et les enfants logent dans une petite maison de la Rue d’Ault. Ils ont préféré venir dans ce quartier au cœur de l’ancien village de Mers, bien loin de la plage et des baigneurs, mais si près des champs et des pâtures.
La vie de ces nouveaux Mersois est alors résolument tournée vers les hauteurs de la commune et vers le quartier de la falaise.

Dans leur petite ferme de Saint-Rémy-Boscrocourt, tous les bras étaient les bienvenus, même ceux des enfants. Les garçons n’ont pratiquement jamais fréquenté l’école. Ni Jules, ni François, ni Marcel ne savent lire ou écrire.
Quelques années après leur arrivée à Mers, maman Julia est emportée par la maladie. Hospice reste alors seul avec ses quatre enfants. Maintenant plus qu’avant encore, chacun doit pouvoir subvenir à ses besoins. Manutentionnaire sur le port du Tréport, journalier dans les fermes et pour les moissons, manouvrier chez les différents artisans de la commune, François, comme ses frères, n’a que l’embarras du choix pour mettre ses bras à disposition des employeurs. L’activité quotidienne ne s’arrête pas avec ces emplois à l’extérieur de la maison. Il y a l’élevage des poules et des lapins, pour lesquels il faut régulièrement aller couper de l’herbe, l’entretien du potager et tous les petits services qu’on peut rendre aux vieux voisins. Quand arrive l’été, les garçons BECQUET complètent les maigres revenus avec la cueillette et la vente de moules, ou la pêche, au pied de la falaise, des petites soles qui plaisent tant aux Parisiens !

Jules est le premier des frères à être appelé pour effectuer le service militaire. Il est incorporé au 161e Régiment d’Infanterie, à Reims, en octobre 1912.
Un an plus tard, c’est au tour de François. Il prend le train le 28 novembre 1913 en gare de Mers-Le Tréport. Ils sont 7 à faire comme lui. Huit jeunes Mersois qui viennent juste d’avoir 20 ans. L’ambiance est plutôt enjouée. Ils partent au service militaire, pas à la guerre !
Il y en a qui ont la chance de ne pas se retrouver seuls dans leur régiment. Louis BOQUET et Fernand DUMONT partent au 8e Bataillon de Chasseurs à Pied et Henri HENOCQUE et Lucien DUFOSSE au 17e Régiment d’Artillerie.
François n’a pas cette chance. Il est le seul à être affecté au 120e Régiment d’Infanterie. Et pour son malheur, le régiment n’est plus caserné à Péronne, mais beaucoup plus loin. Il a été transféré à Stenay dans la Meuse le 9 octobre dernier.
Les jeunes Mersois ne savent pas en montant dans le train, le 28 novembre 1913, que la guerre va arriver si vite.

Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France, puis à la Belgique. Le territoire belge n’est plus neutre. En refusant aux troupes allemandes de traverser la Belgique sans leur opposer la moindre résistance, le Roi Albert Ier a choisi son camp. Son pays devient un allié de la France, et, par conséquent, un ennemi de l’Empereur Guillaume II.
C’est en Belgique, le 22 août 1914, que François BECQUET perd la vie, dans la plaine du Radan, près du village de Bellefontaine. L’état-major français pensait repousser les Allemands de Belgique et les renvoyer « à Berlin » en déclenchant le combat sur toutes les frontières belge, luxembourgeoise et alsacienne. Au soir de ce samedi sanglant, les victimes se comptent par milliers. L’armée française a connu une des plus terribles défaites de son histoire.
François avait 20 ans.

Son frère aîné, Jules BECQUET, parti au service militaire en octobre 1912, n’est démobilisé définitivement et peut rentrer chez lui à Mers qu’en juillet 1919. Affecté à partir de 1916 dans l’Artillerie, il sera cité à l’ordre du régiment pour son « entrain remarquable ». C’est seulement 3 jours avant l’Armistice qu’il subit sa première blessure. Trois fois rien. Une plaie à l’arcade sourcilière par éclat d’obus. Après sept longues années, ayant côtoyé la mort, la douleur, le froid, l’ennui, l’angoisse, Jules peut reprendre une vie normale.
Mais Jules ne reprendra jamais une vie « normale ». La dépression s’accompagne d’une violence du désespoir. Qui pourrait donc comprendre, parmi ceux qui n’étaient pas sur les champs de bataille, toute la souffrance qui est en lui ?
Marcel BECQUET, le frère cadet de François, a été mobilisé en décembre 1914, à l’âge de 19 ans. Après quelques semaines d’instruction, il part au front dans le secteur de Verdun, près des Eparges, le 6 avril 1915 avec le 110e Régiment d’Infanterie. Moins d’un mois plus tard, un éclat d’obus l’atteint sur le dessus du crâne. Il est trépané. Cette grave blessure ne l’exempte pas de continuer la guerre. Après une longue convalescence, il est simplement jugé « inapte à l’infanterie » et affecté dans l’artillerie lourde. Chaque tir d’artillerie déclenche dans sa tête une sensation de fin du monde. Malgré d’autres blessures, subies en 1916 pendant la Bataille de la Somme, Marcel BECQUET survivra. Un morceau de crane en moins, mais vivant. Il pourra alors construire avec Lucienne, une belle et grande famille.
Un fils blessé gravement, un fils détruit moralement et un fils tué, pour le pauvre Hospice la vie n’a plus jamais été « normale » non plus, après la guerre.

Quand les fosses communes de Bellefontaine ont été ouvertes, certains corps étaient encore identifiables. Celui de François BECQUET a pu l’être et il a été inhumé au Cimetière du Radan, un cimetière franco-allemand symbole de réconciliation entre les peuples. Un siècle après sa mort, un hommage lui a été rendu sur place, en présence du Gouverneur de la Province de Luxembourg et du maire de Mers-les-Bains. Nul doute que de son vivant, François n’avait jamais reçu un tel hommage ! Un bel hommage rendu à ce jeune homme de 20 ans qui est mort, loin de chez lui, dans une guerre qui n’était pas la sienne. Un jeune homme simple et courageux qui n’avait d’autre ambition que celle de vivre paisiblement à Mers.
Tout simplement….

Lionel JOLY et Xavier BECQUET
« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme. Xavier BECQUET a réalisé la collecte de données pour la commune de Mers-les-Bains.
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