Né le 14 mai 1893, Jean-Pierre PAJOT est le fils de Louis PAJOT et d’Hélène FERRY.
C’est dans une maison bourgeoise du centre-ville d’Abbeville que Jean-Pierre voit le jour. Louis, son père, est un enseignant catholique. La vie est confortable pour l’unique fils des PAJOT. Elève particulièrement brillant, Jean-Pierre entre à la Faculté de médecine d’Amiens.

Pendant ses études dans les locaux du quartier Saint-Leu d’Amiens, près de l’Hôtel-Dieu, Jean-Pierre croise plusieurs Abbevillois de connaissance dont Raymond de BUTLER, de quatre ans son aîné. Les PAJOT et les BUTLER se connaissent très bien. Les PAJOT résident Rue de l’Isle et les BUTLER Rue du Lillier, dans le très proche quartier de la Collégiale Saint-Vulfran. Fervents catholiques, ils s’y retrouvent à l’occasion des offices, et partagent de nombreux points communs. Fernand, le père de Raymond de BUTLER se déclare écrivain catholique. Fernand porte le titre de Comte. Leur patronyme est d’ailleurs celui de BUTLER d’ORMOND, référence à de lointains aïeux aristocrates irlandais.

Après avoir bénéficié à plusieurs reprises de sursis afin de poursuivre ses études de médecine, Raymond de BUTLER est convoqué pour effectuer son service militaire au début de l’année 1914. Le 25 février, il rejoint le 128e Régiment d’Infanterie à Amiens. Ses compétences lui permettent de rejoindre tout naturellement le service médical du régiment.

Il y retrouve Georges MONVOISIN et Charles CAILLET avec qui il a partagé plusieurs années à la Faculté de médecine de Saint-Leu. Tous deux ont été nommés médecins auxiliaires du 128e Régiment d’Infanterie.

Georges MONVOISIN est originaire de Ponches-Estruval, près de Crécy-en-Ponthieu. Charles CAILLET est né à Bourseville, dans le Vimeu, mais il habite depuis plusieurs années à Amiens, rue Boucher-de-Perthes.

Sursitaire pour pouvoir terminer ses études, Charles WATEL arrive à la caserne de la Citadelle d’Amiens en même temps que Raymond de BUTLER. Charles est également étudiant en médecine. Originaire de Guines dans le Pas-de-Calais, c’est à Lille qu’il a étudié pour devenir docteur.
Au sein d’un régiment, les médecins et étudiants en médecine ont tendance, tout naturellement, à se rapprocher. Même s’ils doivent, comme les autres appelés, participer aux manœuvres sur le terrain, leurs compétences leur attribuent un statut tout particulier avant même qu’ils ne soient officiellement promus officiers.
Quand Jean-Pierre PAJOT est affecté, suite à la mobilisation du 1er août 1914, au 128e Régiment d’Infanterie, il sait qu’il va y retrouver d’autres étudiants en médecine. L’intégration sera plus facile.

Le 5 août 1914, le 128e RI quitte ses locaux d’Amiens et d’Abbeville pour rejoindre, après quatorze heures de trajet en train, Dun-sur-Meuse, au Nord de Verdun. Le 8 août, les 3 bataillons du régiment cantonnent à Baalon, puis se dirigent vers Brandeville et Bréhéville. Le 21 août, le régiment franchit la frontière belge au niveau du village de Thonne-la-Long. C’est dans le Sud du Luxembourg belge, près de Virton, que le 128e RI doit livrer les premiers combats. Premiers morts, premiers blessés. La guerre a vraiment commencé pour l’équipe médicale du 128e RI.
Quand l’ordre de retraite est donné par le général Joffre le 25 août, les 3 bataillons du 128e RI se replient, traversant la Meuse et les Ardennes en direction de la Marne où doit avoir lieu la prochaine grande bataille de l’Armée française.
Le 31 août, à 3 heures du matin, les commandants des 2e et 3e bataillons, cantonnés pour la nuit à Autruche village du Sud des Ardennes, reçoivent l’ordre d’envoyer leurs hommes vers le hameau voisin de Fontenois.
Raymond de BUTLER, Georges MONVOISIN, Charles CAILLET et Charles WATEL font partie des hommes qui effectuent de nuit les 3 km séparant les deux villages.
Les hommes s’installent, peu à peu, à la sortie du hameau en direction de Saint-Pierremont, le chef-lieu de commune. Ils avancent en direction des Allemands, grimpant peu à peu le vallon pour s’approcher du plateau où l’artillerie allemande est positionnée. Aux premières lueurs du jour, les obus commencent à éclater à proximité des Français, touchant également de nombreuses habitations de civils. Les éclats de shrapnels font des dégâts. En quelques heures, les morts et les blessés se comptent par dizaines. Aucune offensive n’est plus envisageable. Les Français doivent maintenant tenter de se protéger.

Dans l’impossibilité d’obtenir un renfort d’Artillerie, l’ordre est donné aux fantassins de se retirer. Si les tirs ennemis deviennent de plus en plus espacés dans le temps, et que les combattants encore valides commencent à fuir vers le Sud du hameau, un autre combat commence : celui de sauver les vies qui peuvent encore l’être.
Raymond de BUTLER, Georges MONVOISIN, Georges CAILLET, Charles WATEL, aidés par des infirmiers et brancardiers, tous placés sous la responsabilité du Docteur FROMONT, débutent leur travail de soignants. Un poste d’infirmerie est installé dans une des habitations situées au cœur du village. Un drapeau de la Croix Rouge a été hissé à la porte. Un des premiers blessés à soigner est le colonel LORILLARD. Un éclat de shrapnel lui a brisé le bras gauche. C’est le Commandant ROUX qui a pris le commandement.
Des dizaines de blessés arrivent au poste de secours par leurs propres moyens, comme cet homme qui soutient son bras gauche qui est broyé. L’amputation est pratiquée à la hâte avec une paire de ciseaux qui coupent à peine. En début d’après-midi, les granges du hameau sont emplies de blessés. Tous n’ont pu entrer dans le poste de secours. WATEL, BUTLER, MONVOISIN et CAILLET, jeunes médecins auxiliaires, se transforment en brancardiers et s’affairent à aller chercher les hommes immobilisés sur le champ de bataille. Les opérations chirurgicales de fortune et les soins se multiplient toute la soirée et toute la nuit. Les soignants sont épuisés. Pourtant à l’aube, on en voit encore sur le champ de bataille, à la recherche d’un survivant. BUTLER et CAILLET ramènent, à l’aide d’une bicyclette un homme à la jambe blessée qu’ils ont assis dessus.

Aucune évacuation n’est envisagée. Le Docteur FROMONT reste persuadé que les Français vont revenir pour les sauver. Mais il n’en est rien. Le 1er septembre, en milieu de matinée, les Allemands arrivent. Les blessés qui peuvent marcher sont rassemblés, et un officier allemand demande aux soignants de les accompagner. Georges MONVOISIN, de Ponches-Estruval et Maurice DALLE, un médecin auxiliaire parisien, sont tirés au sort pour rester avec les blessés les plus graves qui seront transportés plus tard par les Allemands.
Au total, plus de 250 blessés seront emmenés par les Allemands et soignés Outre-Rhin. Raymond de BUTLER, Georges CAILLET, Charles WATTEL, Georges MONVOISIN et tout le personnel soignant resté à Fontenois le 1er septembre au matin sont également emmenés en captivité.

Jean-Pierre PAJOT n’était pas à Fontenois, comme tous les hommes du 1er bataillon du 128e RI. Il a échappé au pire mais la guerre continue pour lui. Le 21 juin 1915, il est blessé près de Verdun par éclats d’obus avec plaies multiples des deux cuisses. A son retour de convalescence, il est nommé médecin auxiliaire, puis aide major médecin en 1917. Les citations à l’ordre du régiment sont nombreuses qui vantent ses actes de dévouement, son « courage tranquille » et « son mépris du danger » quand il s’agit de soigner les blessés.
Jean-Pierre PAJOT est démobilisé le 31 août 1919. Il rentre à Abbeville.
Contrairement aux blessés survivants emmenés le 1er septembre 1914, les soignants de Fontenois n’ont pas passé toute la guerre en captivité en Allemagne. Les accords internationaux ont favorisé leur rapatriement anticipé.
Raymond de BUTLER a été rapatrié le 12 septembre 1916, tandis que Georges MONVOISIN et Charles WATEL sont revenus quelques jours plus tard. Tous les trois ont été nommés médecins aide major. Ils ont alors repris leur mission de soignant au plus près des combats, toujours prêts à aller porter des soins à des blessés même pendant « de violents bombardements ». Ils ont tous les trois étaient cités à l’ordre de leur régiment.
Charles CAILLET n’est jamais revenu. Interné au camp de Wittenberg, il y est décédé le 4 mars 1915 pendant l’épidémie de typhus. Il a été inhumé sur place.

Après avoir été démobilisés, les jeunes médecins aide major du 128e RI, de retour dans le civil, ont pu débuter leur carrière de médecin ou chirurgien.

Jean-Pierre PAJOT, emporté par la maladie, n’a pas eu cette chance. Il est mort le 24 août 1920 à Abbeville, à l’âge de 27 ans. Moins d’un an après la fin de sa guerre.
Le docteur Georges MONVOISIN, resté dans sa région d’origine, est mort le 20 mars 1933 à Vron, dans l’Ouest du département de la Somme.
Le docteur Charles WATEL a exercé en région parisienne où il est décédé, le 28 juillet 1963.

Le parcours civil du docteur Raymond de BUTLER d’ORMOND est assurément le plus prestigieux de tous. Brillant médecin militaire, il est devenu, après la guerre, professeur et chirurgien de réputation internationale. En 1921, il a épousé Elisabeth PAUCHET, la fille de Victor PAUCHET, le célèbre chirurgien considéré comme le « prince » de la chirurgie digestive. Victor PAUCHET, professeur à la faculté de médecine d’Amiens connaît bien Raymond qu’il a eu comme élève. Raymond de BUTLER d’ORMOND devient, pendant 40 ans, le directeur de la clinique qu’a fondé son beau-père, Rue Albéric de Calonne à Amiens, première clinique chirurgicale créée en France. Spécialiste de la chirurgie urinaire, Raymond a écrit de nombreux ouvrages, dont certains en collaboration avec son beau-père, qui ont fait référence dans le milieu médical.

Raymond de BUTLER d’ORMOND est décédé à Amiens, le 19 juillet 1993 à l’âge de 103 ans.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET

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