ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Pierre MOULONGUET d’Amiens

Né le 9 décembre 1890, Pierre MOULONGUET est le fils d’Albert MOULONGUET, Béarnais d’origine et d’Adèle HERBET, dont la famille est amiénoise depuis plusieurs générations.

Né à Moncaup dans les Pyrénées-Atlantiques, Albert MOULONGUET est élève au Lycée de Tarbes. Il part ensuite vers Paris pour y suivre des études médicales et devenir interne des hôpitaux. Diplôme de médecin en poche, Albert MOULONGUET arrive à Amiens où un poste de chirurgien à l’hôpital vient de se libérer. Bien loin de son Béarn natal, il découvre la Picardie et y trouve l’amour. Le 23 septembre 1889, il épouse Adèle, la fille de Charles HERBET, directeur de filature et ancien notaire.

La fratrie MOULONGUET (moulonguet.jimdofree.com)

Pierre naît 14 mois plus tard. La fratrie s’agrandit rapidement avec l’arrivée de Jacques en 1891, Elisabeth en 1893 et Albert surnommé « Petit Albert », en 1897.

La famille MOULONGUET réside Rue de la République à Amiens.   

Pierre est le plus grand des fils MOULONGUET. A la fin de sa croissance, il mesure 1,87 m. Il est blond et très mince.

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Pierre MOULONGUET commence ses études à l’Ecole de médecine d’Amiens dirigée par son père. Après avoir été chirurgien à l’Hôtel-Dieu et professeur de pathologie externe, Albert MOULONGUET est devenu directeur de l’Ecole de médecine. Pierre poursuit ensuite ses études médicales à Paris. Il y est nommé interne des hôpitaux en 1913.

Albert MOULONGUET, président de l’Amiens AC, 2e en partant de la gauche (amiensfootbraun.wordpress.com)

C’est cette même année qu’Albert MOULONGUET devient président du club de football, l’Amiens AC. Fervent amateur de sport et membre honoraire du club depuis 1901, Albert MOULONGUET accepte d’en prendre la présidence. Le football est un sport essentiellement pratiqué par les fils des familles bourgeoises. Les trois fils MOULONGUET sont inscrits à l’Amiens AC, tout comme Maurice HUYEZ, le fils des distillateurs de la Rue des Chaudronniers, Jean COSSERAT, le fils des industriels du textile, Jacques VELLIET, le fils des constructeurs de machines à vapeur.

Archives départementales de la Somme

Ayant bénéficié d’un sursis pour terminer ses études, Pierre MOULONGUET ne débute son service militaire qu’en février 1913. Il est affecté au 72e Régiment d’Infanterie d’Amiens. Une année plus tard, il est promu médecin auxiliaire au 19e Bataillon de Chasseurs à cheval puis au 17e Régiment d’Artillerie le 3 avril. Le 1er août 1914, deux jours avant la déclaration de guerre, Pierre est muté au 18e Bataillon de Chasseurs à Pied caserné à Longuyon dans la Meuse.

Les hommes du 18e BCP participent aux combats du 22 août 1914 sur le territoire de la petite commune belge de Bellefontaine. L’ambulance régimentaire où est employé Pierre approche au plus près du champ de bataille. Les morts et les blessés sont nombreux.

Début septembre, le 18e BCP participe à la Bataille de la Marne. Les régiments de la région militaire d’Amiens sont positionnés au nord de Vitry-le-François. Dans le secteur de Sermaize-les-Bains, de Pargny-sur-Saulx et de Maurupt-le-Montois, les pertes françaises sont considérables.

Dès le début de l’automne, la guerre s’enterre. Les copains du 18e BCP sont dans les tranchées du Bois de la Gruerie, en Argonne. Le 28 septembre, Pierre MOULONGUET est gravement blessé à la jambe droite par balle avec fracture du péroné. Evacué vers l’arrière pour y être soigné, il revient au front quelques semaines plus tard.

Le 24 mars 1915, il reçoit une médaille militaire avec comme distinction : « s’est toujours distingué par sa bravoure et son dévouement au cours de la campagne où il a été blessé grièvement. A peine guéri, est revenu au front. A, pendant une attaque, continué à panser les blessés avec le plus grand calme sous un violent bombardement ».

Le 30 octobre 1915, Pierre est à nouveau blessé. Il est touché au front et sur la face par éclats d’obus. La mort n’a pas voulu de lui, cette mort qu’il passe son temps à combattre, dans les ambulances près du front.

La présence de médecins-chirurgiens aussi braves et talentueux que lui est précieuse pour le service de Santé de l’Armée. Pierre MOULONGUET est affecté à l’Ambulance de la Xe Armée, puis à l’ambulance « autochir N°4 » où il est promu Aide Médecin-major de 1ère classe.

Le 1er janvier 1917, à l’occasion d’une permission, Pierre épouse Annette DOLERIS, fille d’un célèbre médecin parisien originaire comme Albert MOULONGUET du Sud-Ouest de la France.

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Après l’Armistice, Pierre MOULONGUET exerce encore son métier de chirurgien pour l’Armée. Les combats ont pris fin mais de nombreux blessés de guerre emplissent encore les hôpitaux. Il remplit sa mission à l’hôpital Buffon puis à l’hôpital Michelet. Pierre MOULONGUET n’est démobilisé que le 31 juillet 1919.

Même s’il a passé près de sept années loin des siens, Pierre sait la chance qui est la sienne. Marié et père d’un petit Claude, né en 1918, l’avenir professionnel et personnel de Pierre se présente bien.

Pourtant, si le corps humain n’est pas trop atteint, les cicatrices de l’âme et du cœur sont profondes. Si son frère Jacques, malgré une blessure au ventre par éclat d’obus, est revenu vivant, « Petit Albert », le plus jeune enfant de la fratrie MOULONGUET, n’est jamais rentré. Blessé dans les terribles combats de la butte de Vauquois le 9 septembre 1917, il est décédé quelques jours plus tard à l’ambulance de Clermont-en-Argonne. Il avait 20 ans.

Albert MOULONGUET fils, dit « Petit Albert » (moulonguet.jimdofree.com)

Deux ans plus tard, le 9 septembre 1919, Jacques écrit à ses parents : « Mes chers parents, en ouvrant vos fenêtres ce matin avez-vous comme moi devant le brouillard opaque cruellement ressenti l’anniversaire de ce jour où Albert a été frappé. Pauvre gosse qui n’est déjà plus avec nous depuis si longtemps. Enfant simple, infiniment plus simple que nous tous et qui nous aimait tant. Je suis avec vous en ces tristes instants. Voyez, c’est son premier anniversaire après la victoire, il serait content. La guerre a servi à quelque chose. Je vous embrasse, Jacques. »

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La guerre a frappé toutes les familles. Cultivateurs, ouvriers ou bourgeois, tous ont perdu un proche.

Les deux frères d’Annette DOLERIS, l’épouse de Pierre MOULONGUET, sont morts à la guerre à deux jours d’intervalle. Avant la guerre, Pierre DOLERIS exploitait en Argentine une terre dont son père était propriétaire et Jacques DOLERIS était étudiant en médecine. Leur avenir s’annonçait heureux. Ils ont été tués en mai 1915 dans le Pas-de-Calais. En signe d’hommage, Pierre MOULONGUET ajouta à son nom celui de DOLERIS, utilisant la loi d’après-guerre qui permettait de transmettre aux gendres les noms de familles où les garçons avaient été tués.

Le fiancé d’Elisabeth MOULONGUET, Jean DECAUDAVEINE blessé à plusieurs reprises pendant le conflit, a perdu son frère cadet, Pierre, jeune médecin âgé de 23 ans seulement, décédé à l’hôpital de Pau, des suites de tuberculose pulmonaire contractée au front.

Nombreux sont les copains du Lycée d’Amiens et de l’équipe de football à être tombés. Maurice HUYEZ, Jean COSSERAT, Jacques VELLIET ne reviendront jamais.

Albert MOULONGUET, avant d’être président de l’Amiens AC, avait réussi à convaincre l’administration des Hospices d’Amiens, dont il était membre, de donner l’autorisation d’utiliser les terrains de la Rue Louis Thuillier pour y jouer au football. L’Amiens AC quitte ses terrains de la Rue Daussy et s’y installe dans l’immédiate après-guerre. En 1921, une superbe enceinte dotée d’une grande tribune est inaugurée. Le stade prend le nom d’Albert MOULONGUET, président encore en exercice. Mais nul doute que ce nom rend aussi hommage à son plus jeune fils, Albert, mort pour la France en 1917.

Le docteur Albert MOULONGUET, entre l’aumonier, l’inspecteur d’Académie et un militaire, dans le stade qui porte son nom (Le Courrier Picard, 4/12/2021)

Albert MOULONGUET a cédé son poste de président du club au docteur de BUTLER, autre chirurgien amiénois de renom, médecin combattant de la Grande Guerre. Albert s’est éteint en 1940.

Pierre MOULONGUET, son fils aîné, mena une très belle carrière de chirurgien et de chercheur. Il devint professeur de la première Chaire française de technique chirurgicale puis présida l’Académie de Chirurgie. Pierre MOULONGUET est décédé en 1981 à l’âge de 90 ans.

Pierre MOULONGUET, au centre (moulonguet.jimdofree.com)

Jacques MOULONGUET, le deuxième fils, entra après-guerre à la Compagnie Française des Métaux où il devint Directeur général adjoint. Lui qui était le plus talentueux des frères MOULONGUET, ballon au pied, pratiqua assidument le sport toute sa vie. Jacques MOULONGUET est décédé en décembre 1979 à l’âge de 88 ans et sa sœur Elisabeth, en 1990 à l’âge de 97 ans.

Près du terrain de football de la Rue Louis Thuillier où l’Amiens AC (devenu par la suite Amiens SC) a évolué pendant près de 80 ans, un mémorial a été érigé. Il commémore les membres du club, victimes des deux guerres. On y trouve le nom d’Albert MOULONGUET, ainsi que ceux de Maurice HUYEZ, Jean COSSERAT et Jacques VELLIET.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

Jacques, Elisabeth et Pierre MOULONGUET avant la naissance de « Petit Albert » (moulonguet.jimdofree.com)

L’Amiens AC est devenu l’Amiens SC (Amiens Sporting Club) en 1961. Son équipe première a évolué sur le terrain du stade MOULONGUET jusqu’en 1999. Elle joue maintenant dans le stade de La Licorne, dans le quartier de Renancourt à Amiens.

Pour toute information complémentaire sur la Famille Moulonguet ou sur le football à Amiens au XXe siècle, nous vous recommandons les deux excellents sites dans lesquels nous avons trouvé la plupart des illustrations intégrées dans l’article. Un grand merci à leurs auteurs.

Les Moulonguet d’autrefois (https://moulonguet.jimdofree.com/)

Le football à Amiens, par Didier Braun (https://amiensfootbraun.wordpress.com/)

Caveau des familles HERBET, DEHESDIN, MOULONGUET, DECAUDAVEINE au cimetière de La Madeleine à Amiens. On y trouve les noms d’Albert MOULONGUET , de sa fille Elisabeth et de son fils, mort pour la France, « Petit Albert ».

Retrouvez d’autres parcours de jeunes hommes de la SOMME qui avaient 20 ans au début de la Grande Guerre :

Jacques VELLIET et Jean COSSERAT

Jean-Pierre PAJOT et Raymond de BUTLER

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