ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Charles GAUIN de Vermandovillers

Né le 9 octobre 1892, Charles GAUIN se prénomme Florent Arsène Anatole Charles, mais des quatre prénoms seul le dernier, celui de Charles, a été utilisé.

Charles est né dans la ferme de ses parents, Arsène et Marie-Marthe, dans la rue Cagueloire à Vermandovillers.

La commune, située dans le canton de Chaulnes, sur le plateau du Santerre est un petit village agricole qui compte à peine plus de 200 habitants à la fin du XIXe siècle quand naît Charles GAUIN.

Loin d’être isolé, Vermandovillers est traversé par deux routes importantes : celle qui relie Lihons à Péronne et celle de Chaulnes à Bray-sur-Somme. A l’exception de quelques couturières à domicile, l’activité des habitants est avant tout consacrée à l’agriculture.

Blé, avoine, seigle, orge, betteraves à sucre, constituent, avec les plantes fourragères destinées au bétail, l’essentiel des cultures. On trouve également une dizaine d’hectares de culture en oeillettes.

A Vermandovillers, la principale boisson, après l’eau bien sûr, est le cidre. Les pommiers sont nombreux sur le territoire.

Charles a un frère cadet. Né le 8 octobre 1893, c’est-à-dire un an moins un jour après Charles, est né Edouard.

Arsène a la chance d’avoir deux fils pour l’aider aux travaux agricoles mais la taille de l’exploitation l’oblige à employer des ouvriers agricoles supplémentaires. Ils sont originaires tous les deux du Pas-de-Calais : Zéphir COQUEL est domestique de ferme et Clément FRAMERY est berger.

Charles et Edouard GAUIN partent effectuer leur service militaire à l’automne 1913. Sans la loi Barthoux, adoptée à l’été de cette même année, Edouard n’aurait dû partir qu’en 1914 mais l’Armée française veut disposer rapidement des effectifs d’une classe d’âge supplémentaire pour se préparer au pire. Les classes 1912 et 1913 prennent donc, à quelques semaines d’intervalle, leur place dans l’Armée d’active.

Charles et Edouard sont affectés, l’un et l’autre, au 128e Régiment d’Infanterie, dont deux des trois bataillons sont casernés à la Citadelle d’Amiens. Retrouver son frère dans la même caserne rend le départ de la ferme familiale moins difficile. Charles rejoint le régiment le 11 octobre et Edouard, le 28 novembre 1913.

Le 5 août 1914, le 128e RI quitte Amiens. La guerre est déclarée. Tous les régiments de la Région militaire d’Amiens doivent se regrouper dans la Meuse, à proximité de la frontière avec la Belgique et de la région wallonne nommée Luxembourg belge.

Edouard GAUIN est le premier des deux frères à être blessé. Le 2 octobre 1914, à La Harazée en Argonne, des balles ennemies le touchent au thorax, au pied gauche et à la main gauche. L’amputation d’un doigt est nécessaire.

Alors qu’Edouard est soigné à l’arrière, c’est au tour de son frère, Charles GAUIN, de connaître la blessure physique.  Le 13 novembre 1914, Charles est blessé par balle au poignet. Evacué vers un hôpital et après un séjour de convalescence, il ne revient au front qu’en mai 1915.

Au printemps 1915, quand les deux frères reviennent poursuivre le combat, ils ne réintègrent pas le 128e. Charles est incorporé au 51e RI et Edouard au 89e RI.

Un mois à peine après son retour, Charles est à nouveau blessé. Une vilaine blessure dans la région lombaire par éclat d’obus l’éloigne, jusqu’en février 1917, des champs de bataille. Et ce n’est pas fini ! Alors que le 51e RI combat en Argonne en juillet 1917, Charles reçoit une balle dans un mollet. Cette troisième blessure invalidante le protège alors définitivement d’un éventuel retour au front. Charles est cité à l’ordre du régiment comme « Bon soldat ayant toujours accompli son devoir. A été blessé 3 fois ».

Edouard, son frère, n’est pas épargné par les blessures. Après avoir été touché à la main gauche, une balle lui traverse la main droite en juillet 1915. Classé en service auxiliaire, il est alors muté dans le 3e Groupe d’aviation. Edouard GAUIN ne retrouvera jamais l’usage de cette main droite. En 1954, bien longtemps après la fin de la guerre, la commission médicale militaire d’Amiens, examinant son état de santé, déclare qu’il persiste une « impotence fonctionnelle de la main droite et des séquelles au pied gauche ».

Avant la guerre, dans la ferme familiale à Vermandovillers, Zéphir COQUEL et Clément FRAMERY, les domestiques agricoles, étaient presque considérés comme des membres de la famille. Zéphir et Clément ne savaient ni lire, ni écrire, mais qu’importe ! Leur travail était toujours réalisé correctement et leur aide était précieuse pour la famille GAUIN. Zéphir COQUEL et Clément FRAMERY, en âge d’être mobilisés, ont été rappelés par l’Armée le 1er août 1914.

Zéphir COQUEL a été blessé gravement à plusieurs reprises : la jambe gauche, le bras gauche, la jambe droite. Shrapnel et éclats d’obus ont abimé l’homme et ont diminué ses capacités physiques. Après la guerre, Zéphir s’est marié et a fondé une famille. Mais, il en était fini des travaux agricoles. Zéphir a trouvé un emploi d’ouvrier d’usine aux Etablissements DOLLÉ, à Amiens-Montières. Un de ces emplois réservés aux nombreux estropiés de la Grande guerre.

Pour Clément FRAMERY, l’histoire s’est terminée encore plus brutalement. Considéré d’abord comme disparu, son décès n’a été officiellement reconnu qu’en janvier 1922. Il est mort à Mesnil-les-Hurlus le 10 mars 1915. Presque sept ans plus tôt…

Charles et Edouard GAUIN sont revenus à Vermandovillers après la guerre. Leur village était détruit.

Ensemble, ils ont contribué à la reconstruction du village et ont pu reprendre peu à peu la culture de la terre souillée par tant d’obus et munitions. Ils ont repris l’activité de fermier, comme avant… ou presque. Comme avant. Même si les blessures physiques les faisaient régulièrement souffrir, les deux frères étaient ensemble et pouvaient se soutenir.

Charles a épousé Julienne. Deux filles sont nées de leur union, Marthe et Jacqueline.

Même diminués physiquement, les trois rescapés de la ferme GAUIN d’avant-guerre ont pu connaître le bonheur de la vie de famille.

Charles GAUIN est mort au début de l’année 1936. A une période où la paix semblait ne devoir jamais prendre fin…

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

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7 commentaires sur « ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Charles GAUIN de Vermandovillers »

  1. Bonjour ,
    J’ ai avec moi un extrait des registres de la Mairie de Vermandovillers , désignant la naissance de ma grand mère paternelle née le 28 décembre 1911 .
    Il est rempli par le maire de l’ époque Monsieur Gauin Florent Édouard Arsène.
    Le père de ma grand mère s’ appelait Cordier Aimé et sa mère Baudelot Marie ils étaient agriculteur et couturière à Vermandovillers .
    J’ai trouvé depuis peu , cet acte de naissance chez mes parents , maintenant décédés et en voulant chercher où se trouvait Vermandovillers , je suis tombée sur votre article !

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    1. Merci pour votre message. Arsène GAUIN, le maire de Vermandovillers était bien le père de Charles et d’Edouard GAUIN dont nous parlons dans l’article. Ces jeunes hommes ont vécu dans le village à l’époque où est née votre grand-mère. Ils ont connu vos arrière grands parents. Il y avait moins de 200 habitants à Vermandovillers donc tous les habitants se connaissaient. Cette histoire est donc aussi un peu la votre maintenant.

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