Né le 9 juillet 1891, Maurice GRY a vu le jour à Arquèves. Il est le fils de Léon GRY et d’Hélèna CAUET.
Arquèves est un village du canton d’Acheux-en-Amiénois, au Nord du département de la Somme, à proximité de la limite avec le Pas-de-Calais. En cette fin du XIXe siècle, la commune, qui ne compte plus que 300 habitants environ, perd régulièrement des habitants partant chercher du travail dans les grandes villes comme Albert ou Amiens. La culture du lin et sa transformation sur place permettait de nourrir de nombreuses familles. Mais le lin a disparu et aucune activité nouvelle n’est apparue.

Le père de Maurice est ouvrier agricole pour des fermiers du village. Maurice est embauché aussi comme ouvrier agricole dès qu’il atteint les douze ans. Il rejoint son père dans la ferme d’Omer Choquet. Dans les fermes, il faut toujours trouver des bras, notamment quand il s’agit de nettoyer les champs ou faire la moisson. Tout se fait à la main, y compris le battage qui est encore pratiqué au fléau.
Grace à la ligne de chemin de fer économique raccordée à celle de Gamaches à Frévent, les fermiers peuvent aller vendre leurs produits sur les marchés d’Albert, de Doullens ou d’Amiens. Même s’il n’y a pas de gare à Arquèves, il suffit de faire deux ou trois kilomètres, pour prendre le train à Vauchelles ou à Louvencourt.

Les GRY sont nombreux dans la commune, mais Maurice n’a qu’un frère. Beaucoup plus âgé que lui, il se prénomme Alfred. Neuf ans de différence d’âge, c’est beaucoup pour un enfant. Ce frère, est un modèle pour lui. Bon élève, il a suivi des études ecclésiastiques, à Amiens puis au Grand Séminaire de Beauvais. Sa formation l’a ensuite amené à vivre plusieurs années en Belgique, à Liège et à Bruxelles. C’est à Saint-Riquier, lieu où est implantée l’impressionnante abbaye royale, qu’il a ensuite posé ses bagages.
Maurice ne voit pas souvent ce grand frère, mais le rêve de pouvoir quitter le village, et d’aller connaître d’autres régions, d’autres pays, ce rêve est bien présent.

Quand Maurice est convoqué pour passer devant le Conseil de Révision, il se met à croire que l’armée va l’emmener au bout du monde. La décision d’affectation est beaucoup moins exotique puisqu’il est incorporé au 128e Régiment d’Infanterie d’Abbeville. C’est par le train qu’il s’y rend, le 8 octobre 1912, pour rejoindre la caserne Courbet. Maurice est toutefois satisfait puisqu’il va pouvoir marcher sur les traces d’Alfred. C’est au 128e RI qu’il a effectué aussi son service militaire près de 9 ans plus tôt.
Alfred, le grand frère, répond à la mobilisation générale du 1er août 1914. Il est affecté à la 2e Section d’Infirmiers à Amiens.
Maurice quitte Abbeville, deux jours après la déclaration de guerre. Le 128e RI déplace tous ses effectifs vers le département de la Meuse, au Nord de Verdun. Dès le 22 août, Maurice est confronté aux premiers combats. C’est en Belgique, près de Virton, qu’il voit tomber les premiers copains de la Somme. Certains ne sont que blessés, mais d’autres, sans vie, sont abandonnés sur les champs de bataille.
La Marne, l’Argonne, le secteur autour de Verdun, les mois qui suivent sont terribles à vivre pour un jeune homme de 23 ans. Le 2 novembre 1915, il est blessé par shrapnel. Son long parcours de guerre est ponctué de nombreuses évacuations. Il est blessé à plusieurs reprises, dont une fois, par balle, dans le côté gauche, et après chaque séjour à l’hôpital, il revient au front. La peur au ventre.
Il est évacué une dernière fois, pour maladie, le 4 septembre 1918. Va-t’il enfin rentrer chez lui ? Non, le 20 octobre, il est envoyé en renfort au 128e. Maurice n’est démobilisé, comme beaucoup de ses copains rescapés, qu’en juillet 1919. Quelques semaines plus tard, Maurice GRY se marie avec Louis LEBEL, une fille de Chaussoy-Epagny, près d’Ailly-sur-Noye. Le couple vit quelques mois dans ce village. Une petite Mireille y voit le jour.
En 1921, Maurice, son épouse et sa fille viennent s’installer dans la ferme familiale d’Arquèves. La vie reprend alors presque son cours normal. Maurice est entouré par l’amour de ses parents, de Louise et de Mireille. Mais Maurice est malade. Tout l’amour du monde ne peut effacer les terribles traces physiques et morales laissées par les quatre années de guerre.
Le 15 octobre 1923, Maurice meurt, dans son village d’Arquèves, n’ayant connu comme territoires lointains que les champs de bataille meurtriers du Nord Est de la France.

Alfred, son frère aîné, n’est pas allé au front. Comme de nombreux ecclésiastiques, il a été affecté dans les services médicaux pendant la guerre. Pendant presque 5 ans, du 6 août 1914 au 6 mars 1919, il a vu passer des milliers d’hommes blessés et malades, dans les ambulances et les hôpitaux de l’arrière. Il a contribué à en sauver, et même quand rien ne pouvait plus les sauver, le secours de la foi a certainement apaisé les derniers moments. Mais Alfred n’a pas pu empêcher la mort de venir chercher trop tôt son jeune frère Maurice.
Alfred n’est pas entré dans les ordres. Il a épousé Désirée GERARD, originaire de Villers-sur-Bonnières dans l’Oise. Il s’est installé dans ce village, y travaillant comme ouvrier agricole et c’est là qu’il est mort en 1948.

Sur le monument d’Arquèves les noms des copains du village et des cousins morts pendant la guerre sont inscrits. On y trouve plusieurs CAUET et plusieurs GRY. Un hommage est également rendu au cousin germain de Maurice, celui prénommé Démosthène avec qui il a tout partagé pendant sa jeunesse. Démosthène GRY a survécu à la Première Guerre mondiale mais pas à la seconde. Il a été déclaré « Mort pour la France » le 31 mars 1940.
Par contre, sur ce monument, le nom de Maurice GRY, mort en 1923 des suites de la guerre, n’a jamais été ajouté. Oublié comme tant d’autres dans le morbide décompte des victimes de la Grande Guerre.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET

« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme. Jean DELHAYE a réalisé la collecte de données pour la commune d’Arquèves.
Nous avions aussi un Jean DELHAYE dans notre entité. Il était médecin, échevin de la culture et grand érudit. Mais il n’avait pas fait la guerre de 14.
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