Né le 3 juillet 1891, Julien DETAILLE est fils de tricotiers.
Jules et Sidonie sont tricotiers. Ils résident Rue de l’Abbaye, à Marcelcave. Jeunes parents, ils ont déjà deux fils, Albert et Michel, quand le 3 juillet 1891 à 4 heures du matin, naît Julien. Déclaré le jour même, à 6 heures du soir, à la mairie de Marcelcave par son père, le dernier de la famille DETAILLE se prénomme Bertrand Julien Zénobe. Tout le monde l’appellera Julien.

Marcelcave est une commune du plateau du Santerre située à proximité de Villers-Bretonneux, au Nord-Est d’Amiens. En cette fin de XIXe siècle, elle compte plus de 1 600 habitants. L’industrie de la bonneterie de laine occupe la moitié des habitants. Il y a une fabrique de bas et chaussettes, et une fabrique de tricots et gilets de chasse. Les produits industriels sont exportés dans toute la France et transportés par le train. Marcelcave a une gare sur la grande ligne de chemin de fer entre Amiens et Tergnier. Les patrons des deux usines sont les Tonnel et les Vicart. Jules et Sidonie travaillent à l’usine Tonnel.

L’autre activité économique, c’est l’agriculture. Les plaines du Santerre sont particulièrement fertiles. En cette fin du XIXe siècle, les rendements sont excellents. A l’hectare, on obtient 25 hectolitres de blé ou 30 tonnes de betteraves. La sucrerie emploie une centaine d’ouvriers en novembre et décembre.

Dès qu’il a atteint l’âge de travailler, à douze ans, Julien est employé chez Tonnel. Il ne travaille pas avec ses parents, car Jules et Sidonie sont maintenant bonnetiers à domicile. Le petit salaire rapporté de l’usine par Julien met du beurre dans les épinards.
A 15 ans, Julien perd son frère aîné. Alors qu’il effectuait son service militaire, à Amiens, Albert est tombé malade. Réformé pour « bronchite suspecte », il est décédé en mars 1907. Michel aussi est décédé. Julien reste donc le seul enfant DETAILLE. Au foyer de Jules et Sidonie, car des DETAILLE, il y en a beaucoup autour d’eux. Cousins, petits cousins, ou… « peut-être de famille », dans plus d’une dizaine de maisons à Marcelcave, on trouve des DETAILLE.

Julien est convoqué à Corbie pour passer devant le Conseil de Révision. Incorporé le 9 octobre 1912 pour effectuer le service militaire, il part au 128e Régiment d’Infanterie, à Abbeville. Julien connaît la musique. Il joue de la clarinette. Après avoir fait ses classes, il devient soldat musicien, affecté à la Compagnie Hors Rang Administrative du régiment. Hélas, la clique musicale du régiment, c’est bon en temps de paix. Quand la guerre est déclarée et que le 128e RI quitte Abbeville pour rejoindre le département de la Meuse, les instruments sont rapidement remplacés par des fusils.

Julien participe aux premiers combats, fin août 1914, en Belgique, près de Virton, puis à la Bataille de la Marne, début septembre. Le 128e se déplace ensuite entre l’Argonne et Hauts de Meuse. Le 23 février 1915, à Wargemoulin, près de Suippes, dans la Marne, Julien est mortellement blessé.

Le père de Julien aurait dû aussi faire la guerre. Rappelé en novembre 1914, Jules n’a pu répondre présent, sa région étant « sous domination ennemie », il était déjà prisonnier des Allemands.
Aujourd’hui, le monument aux morts de Marcelcave prouve que, chez les familles DETAILLE, la guerre a été particulièrement dramatique. On y trouve inscrit le nom de Julien, mort à l’âge de 23 ans et aussi celui de plusieurs cousins ou petits cousins, portant le même patronyme que lui. Dans un village en ruines, où tout est à reconstruire, de nombreuses familles DETAILLE de Marcelcave portent le deuil !

Dans la Rue de l’Abbaye, une autre famille DETAILLE est en pleurs. Eugène a été tué à la guerre.
Au Faubourg de Marcelcave, chez Valère DETAILLE, les deux fils ont été tués. Fernand, dans la Marne, et Camille, dans la Meuse.

Si Furcy DETAILLE a pu voir avec soulagement rentrer début 1919, dans leur petite maison de la Rue Mayon, le plus jeune de ses fils, Camille, de retour de captivité en Allemagne, il n’a jamais vu revenir, Eugène, tué à Vaux, dans l’Aisne, en août 1918.
Dans la même rue, d’autres enfants DETAILLE manquent aussi à l’appel. Alphonse DETAILLE ne rentre pas, lui aussi mort pour la France. Quelques maisons plus loin, si l’un des fils, Camille, est vivant – gravement malade mais vivant – l’autre a été tué. Urbain est mort en Serbie en novembre 1915.

Avant la guerre, tous ces jeunes hommes « Morts pour la France » travaillaient dans les usines de bonneterie. Sept jeunes tricotiers portant tous le même nom, fauchés dans la fleur de l’âge, loin de leur Santerre natal.

A la cérémonie du 11 novembre, devant le monument aux morts de la commune, quand la litanie de l’appel des morts se termine, il est un patronyme qui reste obligatoirement dans les têtes. Le nom de « DETAILLE » est répété 7 fois.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
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