ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Gilbert MAILLE de Vecquemont

Né le 14 avril 1892, Gilbert MAILLE est le fils de Nicolas MAILLE et de Marie TONNEL.

Ni Nicolas, ni Marie ne sont originaires de Vecquemont. Loin de là ! Ils sont tous deux nés plus de trente kilomètres au Nord. Marie est née à Beaumont-Hamel, à la frontière du Pas-de-Calais et Nicolas est né à Puisieux, de l’autre côté de cette frontière administrative.

Adolescent, Nicolas est venu travailler comme domestique dans la ferme d’Honoré FERET, rue de l’église à Beaumont-Hamel. Marie habitait chez ses parents, Rue du Haut. Nicolas et Marie avaient le même âge. Ils se sont aimés et se sont mariés.

Nicolas est devenu faiseur de bas comme l’était le père de Marie. Nicolas et Marie ont eu deux enfants, Léon et Hortense. Tout se présentait pour le mieux pour cette famille qui se construisait dans la Rue du Haut de Beaumont-Hamel.

Mais l’avenir semblait se situer ailleurs pour le jeune couple. Le tissage et le tricotage à domicile était une activité en voie de disparition. Nombreux étaient les habitants quittant le village pour s’installer près des centres industriels.

Nicolas et Marie avaient pris la décision de quitter la commune. Quel devait être leur lieu de destination ? Plusieurs membres de la famille LEBRUN, une famille de faiseurs de bas, étaient voisins des TONNEL. Ils ont certainement parlé des tantes qui étaient parties s’installer avec leurs maris à Vecquemont, près de Corbie. Chez les CHOQUET, une autre famille de Beaumont-Hamel et de Mesnil-Martinsart, le village voisin, on évoquait aussi ce village de la Vallée de la Somme où plusieurs d’entre eux, à défaut d’avoir fait fortune, semblaient s’y sentir bien. Vecquemont ! Telle fut donc la destination du jeune couple accompagné de leurs deux enfants.

Vecquemont était un petit village qui compte environ 250 habitants à la fin du XIXe siècle. Sa proximité avec la commune de Daours permet à de plusieurs habitants d’y travailler dans les fabriques de textile, mais l’activité principale est l’agriculture. Les fermes sont très nombreuses sur le territoire des deux communes sœurs de Vecquemont et de Daours.

Clochers des églises de Vecquemont (à gauche) et de Daours (à droite)

Nicolas se fait embaucher comme ouvrier agricole dans la ferme Lengellé à Daours. La famille  s’installe Rue d’En Bas à Vecquemont. Les naissances se succèdent avec celle de Louis, d’Albert, de Philibert, de Gilbert et de David en 1894. Quand Germaine naît six ans plus tard, Marie a déjà connu dix grossesses. Huit enfants ont survécu. Marie a 45 ans. Elle est épuisée. Elle ne survivra pas longtemps après la naissance de son dernier enfant.

Hortense, la fille aînée a épousé Aurèle ALEXANDRE, un cantonnier du Chemin de Fer. Ils ont une fille prénommée Yvette. Même si le couple a son propre logement, il est situé dans la maison où Nicolas habite avec les quatre enfants encore à charge, Philibert, Gilbert, David et Germaine. Les garçons les plus âgés, Ernest, Louis et Albert ont déjà quitté le foyer. Le travail du beau-frère a peut-être suscité des vocations ? Ils ont tous été embauchés par la Compagnie de Chemin de fer du Nord. La ligne entre Paris et Lille traverse le territoire de Vecquemont et de Daours. L’entretien des voies nécessite une main d’œuvre abondante.

Le 8 octobre 1913, Gilbert MAILLE prend le train en gare de Daours pour rejoindre le 51e Régiment d’Infanterie à Beauvais. Quelques mois plus tôt, le Conseil de Révision de Corbie l’a jugé apte au service armé. Il va effectuer son service militaire pendant trois ans au 51e RI. Il quitte les rives du fleuve Somme bordant son village pour celles de la rivière du Thérain, à Beauvais.

Gilbert MAILLE (collection privée Eliane BOUTHORS)

Le 1er août 1914, alors que la Mobilisation générale des hommes est annoncée dans toutes les communes de France, elle ne concerne que ceux qui ont plus de 23 ans. Tous les jeunes hommes qui ont entre 20 et 23 ans, comme Gilbert MAILLE, sont déjà dans les casernes pour y effectuer leur service militaire. Tous ces jeunes savent qu’ils seront les premiers à partir au combat sans même avoir pu embrasser leurs parents.

Les trois frères aînés de Gilbert ont de la chance. Employés du chemin de fer, Léon, Louis et Albert sont immédiatement maintenus à la disposition de la Compagnie du Réseau du Nord. Assurer dans les meilleures conditions le transport des troupes, des munitions et des vivres devient un objectif stratégique de l’armée, tout aussi important que celui de gagner les combats armés. Il faut donc assurer le bon fonctionnement des machines et entretenir correctement les voies. Ils seront des « soldats-cheminots ».

Philibert, affecté le 3 août 1914 au 29e Régiment d’Artillerie sera lui aussi mis à disposition du Réseau du Nord à compter de février 1917, avant d’être affecté quelques mois plus tard, au 5e Régiment de Génie de Versailles.

Caserne du 29e Régiment d’Artillerie

Tous les fils MAILLE vont-ils échapper aux champs de bataille et à l’horreur des tranchées ? Non. Gilbert connaît tout d’abord la guerre de mouvement des premières semaines de guerre, entre Belgique et Marne, puis c’est dans la forêt d’Argonne que le 51e RI débute la guerre de position. A la fin de l’année 1914 Gilbert a vu disparaître presque tous ses copains du service militaire. Certains ont été blessés, d’autres capturés par les Allemands et beaucoup ont été tués, comme Marius LEGENDRE de Hamelet ou Charles HOLLEVILLE de Vaire-sous-Corbie, tombés à l’automne 1914 en Argonne.

Le 5 janvier 1915, Gilbert MAILLE est déclaré disparu dans le Bois de la Gruerie. Un bois où beaucoup d’hommes « disparaissent » dans une terre sans cesse remuée par les tirs d’artillerie. Gilbert MAILLE est mort. Il avait 22 ans.

David MAILLE, son frère cadet, à peine âgé de 20 ans, est mobilisé le 1er septembre 1914. Après quelques semaines d’instruction militaire, il part au front en novembre avec le 120e Régiment d’Infanterie. Il connaît l’enfer en Argonne puis celui de Verdun. Le 14 avril 1916, David MAILLE est tué à l’ennemi. Il avait 21 ans.

David MAILLE (collection privée Eliane BOUTHORS)

Les deux plus jeunes fils de Nicolas ne reviendront jamais à Vecquemont.

Philibert, devenu le plus jeune fils MAILLE encore en vie, a vécu quelques années avec son père. Et, après son départ, Nicolas connaît un ultime drame, celui de perdre sa fille aînée, Hortense. Aurèle ALEXANDRE, le gendre, a déménagé laissant le pauvre Nicolas seul dans la petite maison de la Rue d’En Bas, à Vecquemont. Une maison où il y avait eu tant de vie naguère !

Dans les années 1930, Léon, le fils aîné des MAILLE, après avoir obtenu sa retraite aux Chemins de fer, est venu s’installer avec son épouse Berthe, dans la Rue de l’Eglise à Vecquemont. Berthe était originaire de Daours, le village « frère », et Léon, bien que né à Beaumont-Hamel, avait passé toute sa jeunesse à Vecquemont. Habitant à proximité, ils ont accompagné Nicolas jusqu’à la fin de sa vie.

Germaine, la plus jeune fille de la fratrie MAILLE, a épousé après la guerre Valentin SAINTPOL de Daours. Une petite fille prénommée Janine est née de leur union. Valentin SAINTPOL né en 1897 a été mobilisé en 1916 et envoyé au front dès le printemps 1917. Evacué à plusieurs reprises pour maladie, Valentin n’a jamais été blessé. Après l’Armistice, il a été envoyé avec le 72e Régiment d’Infanterie en Alsace pour assurer le maintien de l’ordre. Il a été démobilisé le 9 septembre 1919.

Carte postale envoyée de Strasbourg le 27 juin 1919 par Valentin SAINTPOL à sa fiancée, Germaine MAILLE

Sur les huit noms qui sont inscrits sur le monument aux morts du village, on trouve ceux de Gilbert MAILLE et de David MAILLE, les deux fils d’une famille devenue ainsi Vecquemontoise pour toujours.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

En image d’en-tête d’article « Le conseil municipal de Vecquemont en 1912, devant le Café de Marie Mallet »

(merci à Danièle Rémy pour les illustrations, merci à Eliane Bouthors pour les photos de ses grands-oncles Gilbert MAILLE et David MAILLE et merci à Bertrand Vandeburie pour la carte postale de Strasbourg )

« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme.  Danièle REMY a réalisé la collecte de données pour la commune de Vecquemont.

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Lucien CAZIER de DAOURS

Albert DURIER de DAOURS

Gaston POIX de BUSSY-LES-DAOURS

https://somme-bellefontaine.fr/2020/05/26/un-jour-un-parcours-gaston-poix/

Georges RIQUIER de LAMOTTE-BREBIERE

Marceau MALLET de QUERRIEU

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