ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Fernand DELANNOY de Frohen-le-Grand et Georges BRAILLY d’Occoches

Fernand DELANNOY et Georges BRAILLY sont fils de fermiers. Fernand DELANNOY est né le 4 août 1888. Georges BRAILLY est né le 17 mars 1892.

Tous les deux résident dans le Nord du département de la Somme, dans le canton de Bernaville. La famille de Fernand DELANNOY est originaire de Frohen-le-Grand et celle de Georges BRAILLY d’Occoches. Les deux villages sont séparés par moins de quatre kilomètres.

La ferme de Gustave DELANNOY et de Marie VIMEUX, les parents de Fernand, est située Route de Doullens à Frohen-le-Grand. L’activité du petit village de 300 habitants, situé en limite du Pas-du-Calais, est presque uniquement agricole. A Frohen-le-Grand, les hommes sont cultivateurs ou ouvriers agricoles. Il y a un cordonnier, un tonnelier, un tourneur, un meunier, un boulanger et des charcutiers.

La ferme de Désiré BRAILLY est dans la Rue de l’Église à Occoches. On ne sait pas comment Désiré BRAILLY et Jenny GORET, les parents de Georges, se sont rencontrés. Si Désiré est originaire du village, la famille de Jenny réside dans la commune du Hamel, près de Corbie, depuis plusieurs générations. A peine mariés, Désiré et Jenny s’installent à Amiens. Les sirènes de l’industrialisation, avec un besoin toujours croissant de main d’oeuvre, les ont attirés. Ils vivent Rue de la Montagne, dans le quartier du Petit-Saint-Jean. Désiré est employé dans l’usine textile. C’est dans ce quartier de l’Ouest d’Amiens que naissent leurs deux premiers et seuls enfants. Georges et Georgette sont jumeaux.

L’expérience amiénoise ne dure que peu de temps. Désiré, Jenny et leurs enfants s’installent à Occoches. Les jumeaux Georges et Georgette sont très liés pendant toute leur jeunesse. Désiré exploite une petite ferme, aidé par son épouse et ses deux enfants. Occoches est un village agricole qui compte un peu plus de 200 habitants dont une trentaine d’enfants scolarisés. L’avenir des enfants de fermiers est souvent tracé. Les filles doivent se trouver un mari, si possible dans le milieu agricole et les garçons doivent se préparer à prendre la succession de leur père.

C’est Georgette, la première à quitter le foyer familial. Elle rencontre Fernand DELANNOY de Frohen-le-Grand et en tombe amoureuse. Au retour de son service militaire effectué au 51e Régiment d’Infanterie de Beauvais, Fernand demande la main de Georgette. Ils se marient à Occoches en 1912 et un petit Marius naît l’année suivante.

Georges BRAILLY et Fernand DELANNOY deviennent beaux-frères. Se connaissaient-ils avant ? Vraisemblablement. Mais dans tous les cas, seuls garçons de leurs fratries, leur relation devient rapidement très fraternelle. Ils deviennent un peu plus que deux beaux-frères.

Le 8 octobre 1913, Georges BRAILLY part effectuer son service militaire. Affecté au 120e Régiment d’Infanterie de Péronne, il est immédiatement dirigé vers Stenay dans la Meuse où l’unité péronnaise est transférée.

Le 1er août 1914, suite à la Mobilisation Générale, Georgette voit partir son mari. Fernand DELANNOY doit rejoindre le 51e RI. Elle revient dans la ferme familiale d’Occoches avec son fils, Marius. Les deux hommes auxquels elle tient le plus sont à la guerre. Son mari et son frère jumeau.

Avec le 120e RI, Georges BRAILLY est déjà près de la frontière belge. Le 21 août, le 120e RI est un des premiers régiments à traverser la frontière à la poursuite des troupes allemandes qu’il faut renvoyer « à Berlin »… Le lendemain, les pertes du 120e s’élèvent à plus de 1 000 hommes. Parmi eux, de nombreux copains du service militaire. De nombreux copains de la Somme.

Le 51e RI de Fernand DELANNOY quitte Beauvais le 5 août. Il rejoint également le secteur du Nord de la Meuse, entre Stenay et Montmédy et participe le 22 août aux combats près de Meix-devant-Virton. En même temps que son beau-frère et à moins de dix kilomètres l’un de l’autre, Fernand connaît l’épreuve du feu. Lui aussi voit la mort de près.

Le 25 août, le général Joffre donne l’ordre de se replier. Le 120e et le 51e, ainsi que toutes les unités du 2e Corps d’Armée d’Amiens, franchissent la Meuse puis s’engagent dans une traversée des départements des Ardennes puis de la Marne pour se positionner entre Bar-le-Duc et Vitry-le-François.

Plusieurs régiments d’arrière-garde sont désignés pour livrer combat avec les troupes allemandes lancées à la poursuite de l’Armée française. C’est le cas du 128e RI d’Abbeville qui doit attendre l’ennemi pour le combattre entre Fontenois et Saint-Pierremont. Pourquoi quelques hommes du 51e RI se trouvent-ils embarqués dans ce combat ? Sont-ils en retard ? Se sont-ils perdus pendant la retraite ? Toujours est-il que le 30 août au soir, présents aux côtés des hommes du 128e, l’ordre leur est donné d’intégrer la 12e Compagnie du régiment. Le 31 août au matin, quand les combats font rage à Fontenois et que les Français tombent par dizaines, la 12e Compagnie est assurément la plus touchée. La plupart des copains du 51e RI sont tués ou blessés gravement. Fernand DELANNOY est gravement blessé par shrapnell dans la région temporale. Evacué par les infirmiers français, il est transporté par les troupes qui fuient le hameau de Fontenois en fin de matinée.

Fernand DELANNOY est transféré vers l’hôpital temporaire de Bordeaux où il est soigné jusqu’au printemps 1915 puis il est envoyé ensuite à Talence puis à l’hôpital militaire Faucher. Il revient au front le 27 juillet 1915.

Après la Bataille des Frontières d’août 1914 et la Bataille de la Marne de septembre 1914, Georges BRAILLY a connu la terrible guerre de position, la guerre de tranchées, en Argonne. Les hommes du 120e ont combattu pendant plus de quatre mois dans le Bois de la Gruerie. Un bois dont les arbres avaient disparu. Georges BRAILLY est un bon soldat. Il est promu caporal puis sergent.

Fin janvier 1915, le 120e quitte la forêt d’Argonne pour le secteur de Mesnil-les-Hurlus, plus à l’Ouest dans la Marne. Les combats y sont terribles.

Georges BRAILLY est considéré avoir perdu la vie entre le 28 février et le 10 mars 1915… Son corps n’a jamais été retrouvé.

Après son retour au front, Fernand DELANNOY est évacué à plusieurs reprises, pour maladie et pour blessure. Au Chemin des Dames, il reçoit une citation du régiment pour sa bravoure.

Fernand DELANNOY n’est démobilisé qu’en juillet 1919. Il rejoint son épouse Georgette dans la ferme des parents BRAILLY à Occoches. Georges BRAILLY, le fils unique, ne reviendra jamais.

Georgette a perdu son frère jumeau. Désiré et Jenny ont perdu le seul fils.

Tout naturellement, les parents décident que c’est leur beau-fils, Fernand, fils d’agriculteur, qui reprendra la ferme. Fernand et Georgette vivent alors de nombreuses années avec les parents dans la petite ferme de la Rue de l’Église et leurs enfants : Marius, né en 1913, suivi par Marceau en 1919 et Mireille en 1924.

Suite à la blessure subie le 31 août 1914, Fernand DELANNOY a toujours eu des difficultés à ouvrir en grand les machoires. Fernand a survécu. Il a pu vivre une vie familiale épanouie et une agréable vie professionnelle auprès des siens. Il a pu aussi former son fils aîné Marius, lequel a repris ensuite l’exploitation de la petite ferme à Occoches. Mais Fernand n’a jamais pu poursuivre la vraie amitié qui s’était créée auprès de son beau-frère mort près de Mesnil-les-Hurlus.

Marius, Marceau et Mireille ne connaîtront jamais leur oncle Georges. Celui dont l’évocation fait rougir les yeux de leur mère…

Même si sa vie de mère et de femme a été heureuse, Georgette n’a jamais pu combler le vide de son jumeau disparu. De sa moitié perdue. Désiré, Jenny, Fernand, Georgette, Marius, Marceau, Mireille sont eux-aussi des victimes de la Grande Guerre.

Le nom de Georges BRAILLY figure sur le monument aux morts d’Occoches. Il a 22 ans pour toujours.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

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