Né le 25 octobre 1893, Henri LEDOUX est le fils d’Alphonse LEDOUX et de Louise BELLETTE.
La famille LEDOUX est originaire de Lignières-les-Roye, entre Montdidier et Roye. Louise vient du Mesnil-Saint-Firmin dans la l’Oise, village situé entre Montdidier et Breteuil-sur-Noye. Après leur mariage, Alphonse et Louise ont vécu quelques années à Etelfay et à Faverolles, villages voisins de Lignières et de Montdidier, puis ils se sont installés dans le Faubourg Saint-Martin à Montdidier.

Alphonse est manouvrier, travaillant aussi bien dans les fermes que dans les ateliers de tannerie, dans les imprimeries ou pour les artisans de la cité. Louise élève ses enfants, ou plus précisément, elle élève ses garçons. En effet, quand Henri naît en octobre 1893, il y a déjà cinq garçons à la maison. La petite Alphonsine, seule fille de la fratrie, née quatre ans plus tôt a été victime de la mortalité infantile. Les garçons se prénomment Albéric, Hyacinthe, Joseph, Maurice, Léon et Henri.
Dès qu’ils ont atteint l’âge de douze ans, les garçons cherchent du travail. Hyacinthe est terrassier à la Compagnie du Nord de chemin de fer. Joseph est domestique de ferme. Maurice est aide-maçon. Tant qu’ils n’ont pas trouvé une épouse, tout en gagnant leur vie, ils restent dans la petite maison familiale du Faubourg Saint-Martin.
Pour un homme à tout faire, un travailleur manuel comme l’est Alphonse, il est difficile d’espérer vivre très vieux. A peine âgé de 50 ans, il meurt, laissant Louise à la maison avec les deux plus jeunes enfants, Léon et Henri. Ils sont adolescents quand leur père disparaît. Ils doivent alors eux aussi, comme les aînés, subvenir à leurs besoins.
Henri LEDOUX part à Fignières. Il devient domestique de ferme chez André BRUYELLE, cultivateur au Petit Chemin de Montdidier. Les BRUYELLE sont originaires du département du Nord, d’Haspres et de Maing, communes situées entre Valenciennes et Cambrai. Ils viennent de reprendre une ferme. L’exode rural vide les campagnes du secteur de Montdidier. Anciens journaliers agricoles, beaucoup de jeunes hommes préfèrent partir vers des centres industriels comme Moreuil ou Amiens, ou vers les usines textiles du Santerre. L’immigration du Nord de la France et de la Belgique est assez importante dans l’Est du département de la Somme au début du XXe siècle.

Henri LEDOUX est logé chez les BRUYELLE. Fignières est un petit village du canton de Montdidier comptant moins de 200 habitants qui travaillent presque tous dans l’agriculture, dans l’élevage ou dans la fabrication du fromage. Un atelier de réparations pour les machines agricoles occupe quelques ouvriers mécaniciens. Deux ou trois hommes sont employés pour entretenir la ligne de chemin de fer économique d’Albert à Montdidier qui traverse la commune. On trouve aussi un bourrelier, un garde-champêtre et un instituteur public. Dans le village, il n’y a plus qu’un débit de boissons qui sert également d’épicerie, celui d’Angélique DELAHAYE. Les achats essentiels se font à Montdidier la grande ville voisine et la vente des produits de la ferme et de la basse-cour se font sur les marchés montdidériens ou royens.

A vingt ans, Henri est convoqué devant le Conseil de Révision à l’hôtel de ville de Montdidier. Il est affecté au 120e Régiment d’Infanterie qu’il rejoint le 27 novembre 1913. Le 120e a quitté sa caserne de Péronne pour s’installer, depuis quelques semaines, dans celle située sur les hauteurs de Stenay dans la Meuse. Depuis qu’il connaît son affectation Henri est heureux. Même s’il faut partir dans l’Est de la France, bien loin de Montdidier et de Fignières pour effectuer le service militaire, Henri sait qu’il va retrouver son frère Léon. Seulement 18 mois séparent les deux frères, complices dans l’univers de la caserne comme ils l’étaient dans la petite maison du Faubourg Saint-Martin. Léon est arrivé à Stenay, quelques semaines plus tôt au début du mois d’octobre. Les deux frères vont donc pouvoir se retrouver régulièrement pendant près de trois années.

Le 3 août 1914, c’est au sein du 120e RI que les deux frères débutent la guerre. Le deuxième garçon de la fratrie, Hyacinthe, les rejoint quelques jours plus tard. Hyacinthe LEDOUX, né douze ans avant Henri, rappelé à la mobilisation générale, arrive au 120e le 11 août. Hyacinthe s’est marié deux mois plus tôt avec Angèle VARLET de Montdidier.
Albéric, le frère aîné, est également affecté au 120e RI. Il arrive le 12 août avant d’être muté, quelques jours plus tard, dans le 12e Régiment d’infanterie territoriale. Son statut de « père de quatre enfants vivants » lui évitera de connaître les champs de bataille les plus meurtriers. Albéric LEDOUX survivra à la guerre.

Henri et Léon participent aux combats du 22 août 1914, à Bellefontaine en Belgique. Plus de 1 000 hommes du régiment ayant été mis hors combat. Henri et Léon voit tomber de nombreux copains de Montdidier et des villages du canton. Même s’ils ne sont pas atteints physiquement, le traumatisme est déjà violent pour les jeunes frères LEDOUX. Après la Retraite à travers les départements de la Meuse et des Ardennes, les troupes françaises se positionnent début septembre dans la Marne pour y attendre l’ennemi. Le général Joffre est certain de sa victoire. L’état-major fait compléter les régiments décimés pendant la Bataille des Frontières par des hommes plus âgés mais n’ayant pas encore connu l’horreur des combats. Hyacinthe, mobilisé le 11 août, est appelé pour prendre part à la Bataille de la Marne avec ses deux frères. Il rejoint les hommes du 120e RI dans le secteur de Sermaize-les-Bains.

Les trois frères débutent ensemble les combats le 6 septembre. Léon LEDOUX est blessé par balle à la main droite le lendemain. Il est évacué vers l’arrière et transporté jusqu’à l’hôpital de Biarritz.

A partir de la mi-septembre, Henri et Hyacinthe LEDOUX sont en Argonne, près de Vienne-le-Château. La guerre de tranchées a remplacé la guerre de mouvement. Les hommes combattent pour tenter de reprendre quelques mètres de terrain dans où une forêt où les arbres deviennent de moins en moins nombreux… C’est dans le Bois de la Gruerie qu’Hyacinthe LEDOUX est mortellement blessé. Il meurt le 23 octobre 1914. Il avait 33 ans.

L’automne est particulièrement long et pénible pour Henri LEDOUX. Ses deux frères ne sont plus là. Hyacinthe est mort. Léon est hospitalisé. La vie est rythmée par les périodes de tranchées de deux à trois jours, suivies de périodes de repos dans les villages près du front. Les hommes de rang passent leur temps à récupérer le sommeil perdu dans les tranchées, et à manger et boire. Que peuvent-ils faire d’autre ?
Le 15 novembre, Léon LEDOUX revient au front après une période de convalescence. Il retrouve son frère Henri.
Fin janvier, le 120e quitte le Bois de la Gruerie pour le secteur de Mesnil-les-Hurlus, quelques kilomètres à l’Ouest. Début mars, Henri est considéré comme disparu. Personne ne saura jamais quel jour il a fermé définitivement les yeux. Henri LEDOUX est déclaré disparu « entre le 28 février et le 9 mars« … Sa bravoure lui vaudra d’être cité à l’ordre du régiment « au feu depuis le départ de la campagne. Est mort héroïquement en entraînant ses camarades ». Henri avait 21 ans.

Blessé gravement en avril 1916 au Bois de la Caillette, près de Verdun, Léon LEDOUX est évacué vers l’hôpital de Valence. Il effectue ensuite de multiples séjours dans d’autres hôpitaux et centres de convalescence jusqu’en février 1919. Jugé tout d’abord inapte à l’infanterie, il est finalement jugé inapte à tout combat et ne connaît plus jamais l’horreur des champs de bataille. Il peut difficilement marcher, victime de l’explosion d’un obus à quelques mètres de lui. Les fractures du pied et de la jambe gauche sont nombreuses et de « multiples éclats métalliques de petit volume sont disséminés dans le pied ». Léon subira plusieurs amputations des orteils.

Après la fin de la guerre, nombreux sont les anciens habitants qui ne retournent pas vivre à Fignières. En 1921, on n’y compte plus que 120 habitants. Le village a été presque totalement détruit en 1918, tout comme la ville de Montdidier. Les BRUYELLE, évacués pendant la guerre ne sont jamais revenus dans leur ferme.

Le nom d’Henri LEDOUX n’a pas été inscrit sur le monument aux morts de Fignières. La page du jeune domestique de ferme et de ses employeurs nordistes a été tournée. Le nom d’Henri LEDOUX est inscrit sur le monument de Montdidier, commune où il a passé sa jeunesse.

Pour Hyacinthe LEDOUX, le hasard en a décidé autrement. Alors que les deux frères devaient tout naturellement être unis pour toujours sur le monument montdidérien, le destin ne l’a pas voulu. Quand la déclaration du décès de son mari est arrivé, de nombreux mois après la fin de la guerre, Angèle , l’épouse d’Hyacinthe, n’habitait plus à Montdidier. Elle résidait dans la commune d’Albert. C’est donc à Albert, lieu de résidence de la jeune veuve, qu’a été inscrit le nom de Hyacinthe LEDOUX. Bien loin de Montdidier… Loin de son frère…

Léon, le seul survivant des trois frères LEDOUX du 120e Régiment d’Infanterie, est mort à Montdidier le 13 novembre 1936 à l’âge de 44 ans.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
Remarque: le prénom usuel d’Henri LEDOUX pouvait être aussi, selon les documents consultés, celui de Paul.
« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme. Anick BARDET a réalisé la collecte des données pour la commune de Fignières et Francis et Brigitte DANEZ pour la commune de Montdidier.
Retrouvez les parcours :
Georges LAURENT de Montdidier
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