Victimes de la Première Guerre mondiale – une Somme de vies brisées par 14 18.
Né le 20 mai 1893, Charles COTRET a vu le jour dans le petit village de Gratibus, près de Montdidier.
Dans cette commune de 130 habitants à la fin du XIXe siècle, une naissance est un événement. Charles COTRET est le seul enfant né à Gratibus dans l’année 1893.

Seul enfant de l’année dans le village, il restera le seul enfant de la famille COTRET. Alfred et Stella, ses parents, mariés le 1er avril 1892, n’en auront pas d’autre.
C’est sur les épaules de Charles que va reposer la responsabilité de transmettre le patronyme COTRET à Gratibus. En effet, son oncle Eustache, le seul frère d’Alfred, est resté célibataire.
Alfred et Stella sont issus de deux familles, les COTRET et les LIEBERT, présentes dans la commune depuis plusieurs générations. Le grand-père de Charles, qui porte aussi le prénom d’Eustache, est un des derniers vanniers dans la commune. Les marais sont nombreux à proximité du village et l’activité de vannerie était jadis assez répandue. C’est dans la Grande Rue que le jeune couple s’est installé pour y tenir sa propre ferme. Au décès de son mari, Philosine la mère de Stella est venue vivre avec eux. Entouré par l’amour de ses parents et de sa grand-mère, la petite enfance de Charles est plutôt heureuse.

Dans le village, il y a peu d’enfants du même âge. Si aucun n’est né en 1893, Charles a quand même quelques copains.
Né en 1892, il y a Alphonse FOUBERT le petit-fils du cordonnier, qui vit chez ses grands-parents Rue du Chêne. Dans la Rue de l’Eglise, il y a Lucien BULOT né en 1891 et fils de fermier et Auguste WATTIN et Fortuné FONTAINE, tous deux de l’année 1894. Il y a bien quelques filles, mais pour les garçons, la bande se résume en tout et pour tout à cinq individus.

Il n’y a pas de curé à Gratibus. C’est celui de Bouillancourt qui vient dire la messe dans la paroisse. Par contre, malgré une population d’enfants bien réduite, le village dispose de sa propre école mixte. Monsieur QUENOT assure la mission d’instituteur.
Ici l’activité repose essentiellement sur l’agriculture, l’élevage, la vannerie et la fabrication du cidre. Il est facile d’écouler la production locale sur les marchés du samedi dans la grande ville voisine de Montdidier. L’avenir semble simple à envisager. Les garçons seront fermiers ou ouvriers agricoles, comme leur pères.
Le territoire de Gratibus est assez accidenté. Le plateau qui forme la partie la plus élevée redescend en pentes plus ou moins brusques vers la vallée des « Trois Doms ». Les terrains de jeux ne manquent pas pour Charles COTRET et ses copains.

Lucien BILOT est le premier des copains à partir au service militaire. Le 10 octobre 1912, il part au 120e Régiment d’Infanterie à Péronne. Quelques mois plus tard, Alphonse FOUBERT s’engage dans l’armée. En octobre 1913, Charles COTRET suit l’exemple de son copain. Lui aussi signe un engagement pour trois ans. Veut-il quitter l’agriculture pour devenir militaire de carrière ? Ce n’est pas certain, mais à 20 ans, toute nouvelle expérience est bonne à prendre. Le 30 octobre 1913, Charles COTRET est affecté au 5e Régiment de Dragons de Compiègne, dans l’Oise.
Quand la guerre est déclarée le 3 août 1914, Charles ne vient pas embrasser ses parents. Le régiment quitte Compiègne pour rejoindre directement l’Est de la France. Les Dragons vont être nécessaires rapidement pour localiser la présence des troupes ennemies sur le territoire des pays envahis que sont la Belgique et le Grand-Duché du Luxembourg.
Les deux plus jeunes copains de Gratibus, Auguste WATTIN et Fortuné FONTAINE sont mobilisés le 1er septembre 1914. Toute la génération des jeunes adultes de Gratibus est maintenant sous les drapeaux. Les travaux des champs se feront sans eux.
La guerre fait de Charles COTRET un « excellent soldat ». Pendant presque quatre années, tout en participant aux combats sur les champs de bataille de Belgique, de la Marne, des Vosges, de l’Artois, de la Somme, de l’Oise. Il évite miraculeusement les blessures. Le 2 juin 1918 à La Ferté Milon, dans l’Aisne, la chance le quitte. Il est grièvement blessé. Il est cité à l’ordre du régiment pour avoir été « au front depuis le début de la campagne, ayant fait preuve en toutes circonstances d’un dévouement et d’une bravoure exemplaires ». Mais c’est fini ! Evacué vers un hôpital de Lyon pour être soigné, il est réformé quelques mois plus tard par une commission militaire à Roanne, obtenant une pension temporaire de 1 440 francs.
Après une longue période de convalescence, Charles COTRET est de retour dans la Somme. La vie lui a été épargnée. Il a « juste » perdu l’usage du bras droit…
Parmi les survivants, il y a ceux comme Charles ou comme Lucien BULOT qui sont revenus diminués. Lucien a été brûlé gravement au pied gauche par une marmite d’eau bouillante alors qu’il servait aux cuisines du Fort-de-la-Brèche, près de Paris. Maintenu au service auxiliaire au début de la guerre, il est finalement envoyé au combat. Il est blessé à la face en mars 1917.
Parmi les survivants, il en est comme Fortuné FONTAINE qui ont passé toute la guerre en Allemagne. Capturé en septembre 1914, il n’est revenu en France que le 28 décembre 1918. D’autres encore comme Auguste WATTIN ont passé une partie de leur guerre comme artilleurs sur des navires.
Et puis, il y a ceux qui ne sont jamais revenus, comme Alphonse FOUBERT le petit-fils du cordonnier. Alphonse a été tué en mai 1917 dans l’Aisne. Il avait 24 ans.

Quand Charles COTRET, dégagé de ses obligations militaires, est rentré à Gratibus, le village était totalement détruit. Les combats du printemps 1918 autour de Grivesnes et de Montdidier furent particulièrement violents et meurtriers. Pour les militaires qui y ont combattu mais aussi pour quelques civils qui n’avaient pas voulu évacuer fin mars. Parmi ceux-là figuraient Eustache COTRET, le grand-père de Charles, l’ancien vannier de Gratibus, ainsi que Cornélie GUERARD et Mathilde MARTIN, deux dames âgées du village. Tous trois sont morts pendant les bombardements du printemps 1918.
Charles COTRET est resté à Gratibus après la guerre. Il a travaillé dans la ferme de ses parents puis il a eu sa propre exploitation dans le village. Il a épousé Isabelle PAILLARD, une fille de Grivesnes, et eurent plusieurs enfants dont Charlotte, Simonne et Louis. Avec la naissance de ce petit garçon en 1929, le patronyme de la famille allait pouvoir survivre à Gratibus. Après la guerre, de nombreux noms de famille ont disparu faute de pouvoir être transmis. Celui de COTRET a été sauvé.

Ce nom de COTRET figure sur le monument aux morts de Gratibus parmi les victimes civiles. Si le vieil Eustache n’a pas été considéré « Mort pour la France », il est assurément mort à cause de la guerre.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET

« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme. Danièle REMY a réalisé la collecte de données pour la commune de Gratibus.
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