ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Georges MACHUEL de Proyart

Né le 24 mai 1893, Georges MACHUEL est le fils unique de Lucien et de Berthe. Il voit le jour dans leur petite ferme de la Rue de la Terrière à Proyart. Lucien est ménager.

Proyart est un village assez important du canton de Chaulnes, dans l’Est du département de la Somme. A la fin du XIXe siècle, il compte plus de 800 habitants. L’activité principale est l’agriculture. Deux tiers des terres sont utilisées pour la culture du blé, de l’avoine et des betteraves à sucre. Le territoire communal comprend également une centaine d’hectares de prés et de marais. L’élevage est donc assez répandu, notamment celui des vaches et des moutons. Les marais permettent aussi d’apporter un revenu supplémentaire à la commune avec l’extraction de la tourbe, exportée ensuite vers les grandes villes.

L’implantation d’une gare a favorisé la création d’une grande fabrique de sucre dans la commune. Le train est aussi utilisé par les passagers puisque la ligne économique d’Albert à Montdidier permet aux habitants de se rendre sur les principaux marchés et foires du secteur, à Harbonnières et à Rosières.

A Proyart, il y a également de nombreux artisans et commerçants et, comme dans tous les villages du Santerre, l’activité de bonneterie reste encore bien vivace.

Enfant, tout en fréquentant assidument l’école du village, Georges MACHUEL aide son père dans leur petite ferme. L’objectif est surtout de pouvoir se nourrir et de subvenir aux quelques dépenses obligatoires pour un ménage qui vit simplement. Quelques dizaines d’ares de terres cultivables, un cheval, une vache, un cochon, deux ou trois moutons, quelques lapins et quelques poules, c’est à peu près tout ce qu’il faut pour s’en sortir. Georges aime cette communion avec la nature. Mais à la mort de son père, Georges ne prend pas la suite. Quand l’occasion se présente d’obtenir un poste de jardinier au château de Proyart, il n’hésite pas. Lyonel FRANÇOIS, propriétaire du château, même s’il réside plus souvent dans la belle maison qu’il a fait construire au N°35 de la Rue Saint-Fuscien à Amiens, souhaite que sa propriété de Proyart soit bien entretenue.

A 20 ans, Georges MACHUEL est convoqué devant le Conseil de Révision. Jugé apte au service armé, il est affecté au 120e Régiment d’Infanterie de Péronne pour y effectuer son service militaire obligatoire. A l’automne 1913, il rejoint son régiment. Le 120e a quitté la caserne Foy de Péronne pour celle de Stenay dans le département de la Meuse. L’imminence probable d’un conflit avec l’Allemagne a incité l’état-major français à augmenter les effectifs à proximité des frontières de l’Est.

A Stenay, il retrouve un copain du village, Omer FRANÇOIS. Ce n’est pas le fils du châtelain mais celui du cultivateur de la Rue de l’Eglise. Il retrouve également Paul HAGNIET. Paul est un copain d’enfance. Il réside et travaille maintenant à Albert, à une quinzaine de kilomètres de son village natal.

La guerre est déclarée le 3 août 1914 et les hommes du 120e savent qu’en cas de combat, ils seront en première ligne. Omer FRANÇOIS n’ira pas combattre. Les médecins confirment son incapacité à le faire en raison d’une atrophie d’un mollet et de pieds creux. Il n’est toutefois pas réformé. Même s’il a des difficultés à courir, il pourra toujours être utile dans les services auxiliaires du régiment. Les tâches ne manquent pas et la logistique reste un élément déterminant pour réussir une guerre.

Après la meurtrière Bataille des Frontières, le 22 août, en Belgique, pendant laquelle le 120e RI perd plus de 1 000 hommes, c’est la Marne qui attend les fantassins. Pendant plusieurs jours, entre le 6 et le 10 septembre, l’armée française résiste à l’offensive de l’adversaire, l’empêchant de progresser vers Paris. Le 120e RI se bat dans le secteur de Sermaize-les-Bains. A nouveau, les pertes sont très importantes. Paul HAGNIET, considéré comme disparu depuis le 7 septembre, est mort. Son corps ne sera jamais retrouvé.

Georges MACHUEL poursuit la guerre dans une unité qui n’a plus rien à voir avec celle qu’il a connue pendant le service militaire. Au départ, au moins la moitié des hommes du 120e RI étaient originaires de la Somme dans ce régiment renforçant le sentiment d’identité picarde entre les hommes. Après la Bataille de la Marne, il faut compléter et remplacer les victimes des premiers jours de guerre. Les recrues arrivent d’horizons très différents et l’identité régionale disparaît. Fini le bon vieux temps du service militaire à Péronne ou à Stenay !

Les combats ont lieu ensuite en Argonne pour le 120e. Le Bois de la Gruerie devient le tombeau de nombreux copains de tranchée. Georges MACHUEL est évacué une première fois, en décembre 1914, pour blessure. De retour au début de l’année 1915, il est promu caporal, puis sergent l’année suivante. Maladies et blessures se succèdent. Gale, bronchite, courbatures, blessures par balle, les évacuations se succèdent et, après chaque période de convalescence, il faut revenir au front…

La dernière blessure se produit le 29 septembre 1918. La chance est encore au rendez-vous pour Georges. La balle n’a touché que la lèvre supérieure. A quelques centimètres près, la guerre était définitivement terminée pour lui ! Quand le conflit prend fin avec la capitulation allemande, Georges est épuisé. Après avoir vécu plus de quatre années dans des conditions de vie épouvantables, il tombe malade. Pendant quatre mois, sa vie alterne entre lit d’hôpital et maison de convalescence. Il est finalement démobilisé en juillet 1919, sans être réellement guéri, et peut enfin retrouver les siens.

La guerre a été meurtrière aussi dans la Somme et son village natal, presque totalement détruit, garde les stigmates de la violence des combats. Le 29 août 1914, le territoire de Proyart a été le lieu d’un affrontement particulièrement meurtrier entre les troupes allemandes du général Von Klück et celles de la VIe Armée du général Maunoury. Les pertes se comptèrent par milliers. Après le départ des Allemands, les blessés furent amenés dans le parc du château et transportés, grâce à l’intervention de Lyonel FRANÇOIS, le propriétaire, vers Amiens pour y être soignés dans la clinique de son ami, Victor PAUCHET.

Victorice BOULANGER, âgé de seulement moins de deux ans que Georges MACHUEL, n’avait pas encore 20 ans en août 1914. Il n’avait donc pas encore reçu son ordre de mobilisation et était resté dans le village. Victorice BOULANGER, le copain de la Rue de Framerville, à Proyart, a été fusillé par les Allemands le 29 août 1914.

Dès sa mobilisation, en 1919, Georges MACHUEL n’est pas revenu dans son village dévasté. Il est allé à Goderville, en Seine-Inférieure, pour retrouver sa mère et ses oncles et tantes. La famille s’y était réfugiée. Georges est revenu ensuite avec eux à Proyart, mais il n’est pas resté au village. Il est parti vivre à Paris et a repris son activité de jardinier. Il travaillera plus tard au Service de Conservation des Parcs et Jardins de la capitale.

Georges MACHUEL a toujours connu des troubles respiratoires liés aux maladies contractées pendant la Guerre, et il a toujours conservé, sur la lèvre supérieure, une cicatrice, souvenir d’une mort qui l’a frôlé. 

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme.  Didier BOURRY a réalisé la collecte de données pour la commune de Proyart.

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Damase OPRON de LAMOTTE-WARFUSEE

René RABACHE d’HARBONNIERES

Léon DORIGNY de ROSIERES-EN-SANTERRE

Pierre THUILLIEZ de VILLE-SUR-ANCRE

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