Victimes de la Première Guerre mondiale – une Somme de vies brisées par 14 18.
Né le 22 mai 1892, Michel GARDEZ est le fils d’Aster et de Léontine.
Le père de Michel se prénomme Raymond, mais tout le monde dans la commune l’appelle Aster. Il est peintre en bâtiment. Léontine est originaire de Cavillon, petit village agricole proche de Picquigny et situé à une quinzaine de kilomètres de Fontaine. S’ils se sont mariés comme le veut la coutume dans le village de la mariée, c’est à Fontaine-sur-Somme, d’où est originaire Aster, qu’ils se sont installés. Michel est leur premier enfant.

La famille GARDEZ habite Rue de Vieulaines à Fontaine-sur-Somme, route de grande circulation qui longe le fleuve Somme sur sa rive gauche entre Abbeville et Amiens.
Il n’y a pas de grandes fabriques dans la commune. Toutefois, beaucoup d’habitants sont ouvriers. Les sites de production et de fabrication de textile des Frères Saint sont nombreux dans le secteur. Dans les quatre communes voisines de la Vallée de la Somme où est située la commune de Fontaine, on trouve une bâcherie à Longpré-les-Corps-Saints, du treillage de lin à Pont-Rémy, une filature à Condé-Folie et une grande fabrique spécialisée dans le tissage qu’on appelle Les Moulins bleus, à L’Etoile.

A Fontaine-sur-Somme les principaux employeurs sont la scierie, l’entreprise d’extraction de phosphates et bien sûr la Compagnie du Nord de chemin de fer. Les trains reliant Paris à Abbeville et Boulogne-sur-Mer passent sur le territoire de la commune et certains, s’y arrêtent plusieurs fois dans la journée. Comme dans tous les villages de la Somme, l’agriculture nécessite une main d’œuvre abondante. La mécanisation n’en est qu’à ses débuts et presque toutes les tâches nécessitent encore la présence des hommes.

A Fontaine-sur-Somme, les métiers du bâtiment sont très représentés. La construction des cités ouvrières pour les unités de fabrication du textile dans les communes voisines n’y est pas étrangère.
Dès la fin de sa scolarité, Michel GARDEZ devient peintre en bâtiment chez son père. En 1902, naît une petite sœur prénommée Micheline. Malgré la différence d’âge, Michel est très proche de sa sœur qui, dès qu’elle sait marcher, le suit partout. Il n’y aura pas d’autre enfant chez les GARDEZ.

Michel a de nombreux copains dans la commune. Tous ne sont pas nés ici. L’industrialisation de la Vallée de la Somme a attiré beaucoup de familles du Pas-de-Calais, de l’Oise ou de la Région parisienne. Les parents s’y sont installés et leurs enfants sont devenus rapidement des enfants du village.
A 20 ans, Michel GARDEZ est convoqué à la mairie d’Hallencourt où est réuni le Conseil de révision du canton. Jugé apte, il est affecté au 120e Régiment d’Infanterie, comme son copain Pierre COCQUEREL. Ce dernier, d’abord ouvrier phosphatier est devenu garçon de magasin. Il habite avec ses parents et son frère Eugène dans la Rue Clabaut. Alphonse COCQUEREL, le père, a été charpentier à l’usine Saint. Il est maintenant cantonnier au chemin de fer.
Si Michel est content d’être accompagné par un copain du village, le 9 octobre 1913, pour se rendre à Stenay dans la Meuse où est caserné depuis peu le 120e RI, il est surtout ravi car il sait qu’il va retrouver son ami Henri CASSERON, au service militaire depuis une année déjà. Henri est né dans le Pas-de-Calais, avant que sa famille ne décide de s’installer à Fontaine-sur-Somme. Léon, le père d’Henri, est maçon. Entre la peinture et la maçonnerie, les GARDEZ et les CASSERON ont souvent l’occasion de se retrouver sur des chantiers. Quelques jours après l’arrivée de Michel et de Pierre à la caserne Chanzy de Stenay, arrive un autre Fontenois en la personne de Kléber BILHAUT. Il habite le hameau de Vieulaines, au bout de la rue où se trouve la maison de Michel GARDEZ. Comme ses parents, Kléber est ouvrier agricole.

Avant même que la guerre ne soit officiellement déclarée, le 3 août 1914, les jeunes hommes du 120e RI sont déjà en alerte. Tous ceux qui étaient en permission agricole ont été rappelés. Depuis le 26 juillet, toutes les permissions sont supprimées.
Le 31 juillet au soir, Michel, cantonnant à Jametz à moins de dix kilomètres de la frontière belge, écrit à sa famille. Il leur relate l’événement du jour : « ce matin, vendredi, nous étions partis à l’exercice comme d’habitude sans penser plus loin, quand vers 10 heures du matin l’on a envoyé des cyclistes à travers champs pour faire rentrer toutes les compagnies à la caserne de suite, et une heure après, tout le régiment était mobilisé et les hommes en tenue de campagne complète avec nos plus beaux effets…».

Trois jours plus tard, Michel envoie une nouvelle lettre se voulant rassurant : « Les nouvelles que nous recevons de temps en temps sont plus rassurantes car d’après les journaux, les dépêches et les paroles de nos chefs, il paraît que l’Allemagne ne veut plus parler de guerre, car ils voient que les puissances étrangères viennent en trop grand nombre à notre secours, et à présent, ils commencent à voir la catastrophe qui serait inévitable si toutes ces puissances se mêlaient à cette déclaration d’arrangement »…

Le lendemain, l’Allemagne déclare la guerre à la France.
Le 10 août, alors que plusieurs compagnies du 120e RI mènent leur premier combat à balles réelles contre les Allemands, sur le territoire de la commune de Mangiennes, Michel donne des nouvelles à ses parents et à sa sœur : « En ce moment tout va bien. Je suis bien portant. Je bois et mange bien sans me priver de rien, en espérant qu’il en sera toujours de même et que tout ira bien. En ce moment, il fait une période très chaude et l’on prend de bonnes suettes sur les routes poussiéreuses ce qui vous accable encore plus, mais enfin, l’on ne se plaint pas jusqu’à présent(…). J’ai vu les copains du village. Ils sont en bonne santé aussi. On a fait une causerie du pays natal tout en pensant à vous également (…). Ne mettez rien dans vos lettres crainte qu’elles s’égarent. Je vous envoie à travers l’espace nombreux et chaleureux baisers…».

Le général Joffre souhaitait lancer une grande offensive en Belgique dès le 16 août, mais la situation n’est pas encore assez favorable. Les Britanniques ne sont pas totalement prêts et tous les régiments français venant d’Afrique ne sont pas encore en position. Les missions de reconnaissance françaises sur le sol belge, ne permettent pas encore de localiser précisément où est l’infanterie allemande. Tout en se préparant à l’offensive, il faut donc attendre encore quelques jours, sans franchir les frontières belge et luxembourgeoise.
Le 16 août, Michel GARDEZ écrit : « Mes chers parents et ma chère Liline. J’ai reçu encore hier soir une lettre de la maison qui était datée du 7 dernier, ce qui m’a éprouvé un sensible plaisir car je m’ennuyais de ne rien recevoir. Mais enfin, ce n’est pas de votre faute car les lettres sont retardées de huit à dix jours, d’autant plus qu’elles passent par notre dépôt de Péronne pour y poser l’adresse des pays où nous sommes. J’espère maintenant en recevoir plus souvent car vous me dites que vous m’écrirez tous les deux jours. De mon côté, je vois que vous ne recevez pas souvent les miennes. Je vous ai déjà envoyé cinq ou six lettres. Enfin cela ne fait rien puisque nous ne mettons plus de timbres et qu’il n’y a rien à l’intérieur. Que voulez-vous, on se contente de cela. Il le faut. De votre côté, ne mettez rien non plus à l’intérieur crainte qu’elles s’égarent d’autant plus que je n’ai besoin de rien. J’ai tout ce qu’il faut sur moi. Il n’y a pas moyen de rien acheter car tous les patelins sont épuisés de vivre. Mais enfin, je trouve de temps en temps du lait et notre compagnie nous nourrit bien donc l’on ne se plaint pas trop. Je suis toujours en parfaite santé, pas trop fatigué. Ne vous chagrinez pas trop en ce moment puisque tout va bien. Je termine mon petit bout de papier en vous souhaitant comme à moi-même une bonne santé. On ne demande que ça. Recevez, mes bien aimés parents et ma sœur Liline, mes plus tendres baisers de tendresse et d’amitié que je possède pour vous trois, de même qu’un bonjour lointain. Bonjour aux amis du pays qui s’intéressent à moi. Adieu. Bonne santé. Bon espoir. Amitiés d’un fils. Michel Gardez (bien portant). Bons baisers à ma petite Liline que j’aime bien. »

Quand ses parents et sa sœur Micheline ont lu la lettre, apportée par le facteur jusqu’à leur maison de la Rue de Vieulaines, à Fontaine-sur-Somme, leur fils était certainement déjà mort. Le 22 août 1914, comme ses copains Pierre COCQUEREL et Kléber BILHAUT, Michel GARDEZ a été tué dans la plaine du Radan à Bellefontaine, dans le Sud du Luxembourg belge.
L’offensive du général Joffre a entraîné des milliers de morts parmi les jeunes soldats français, sans parvenir à repousser les Allemands. Même si elle ne le sait pas encore, la commune de Fontaine-sur-Somme est déjà endeuillée. Trois jeunes ont été tués à Bellefontaine. Un autre, Camille NOEL, le couvreur, a été tué à Beuveilles, en Meurthe-et-Moselle, quant à Arthur PAPIN, le fils de Théophile, c’est à Sommethone, à la frontière belge, qu’il a perdu la vie. Le mois d’août n’est pas encore terminé que 5 jeunes du petit village de 700 habitants sont déjà morts.
Même si près de 1 000 hommes du 120e RI ont été mis hors combat, la guerre doit continuer. Que sont devenus ses copains du village ? Sont-ils morts, blessés, prisonniers ? Henri CASSERON n’en sait rien. Le 120e RI, comme tous les régiments qui ont combattu en Belgique, arrive début septembre dans le département de la Marne. De nouveaux mobilisés sont venus combler les trous dans les effectifs. Comme si de rien n’était, ou presque…
Quelques heures après le début de la Bataille de la Marne, Fontaine-sur-Somme a perdu son dernier représentant au 120e RI. Il n’y aura plus de « causerie du pays natal », comme l’écrivait Michel GARDEZ à ses parents. Henri CASSERON est mort, le 8 septembre 1914.

Les noms de Michel GARDEZ, Pierre COCQUEREL, Henri CASSERON et Kléber BILHAUT sont inscrits sur le socle du monument aux morts réalisé par le sculpteur amiénois Albert Roze. Placé devant l’église de Fontaine-sur-Somme, ce monument, sous la forme d’une belle statue, représente une mère et un orphelin.

Micheline, la sœur que Michel GARDEZ appelait tendrement Liline et à qui il a adressé ses derniers mots, a donné naissance à un garçon, en 1925. Né à Fontaine-sur-Somme, cet enfant a reçu tout naturellement le prénom de Michel.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
Un grand merci à Francine SAVARY pour avoir mis à notre disposition les dernières lettres de son grand-oncle, Michel GARDEZ.

« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme. Alain CAYEUX a réalisé la collecte de données pour la commune de Fontaine-sur-Somme.
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