Né le 10 décembre 1892, Charles est le fils d’Anatole et d’Octavie. Ses parents lui avaient donné les prénoms d’Alfred Charles François. C’est celui de Charles qui a été utilisé le plus souvent.
Second garçon de la fratrie, après Alexandre né en 1888, Charles voit le jour dans une petite maison de la Rue d’Heilly à Bonnay. Anatole, originaire de Lahoussoye, village voisin, est venu épouser Octavie à Bonnay et il s’y est installé. Anatole travaille comme manouvrier pour les entreprises ou les fermes du secteur. Il deviendra plus tard marchand de charbon.

Deux filles naissent ensuite, Lucienne et Lisberte, au foyer des CLIN.
Bonnay est un petit village au Nord-Est d’Amiens, dont le territoire est bordé par ceux des communes de Franvillers, de Lahoussoye, d’Heilly et du chef-lieu de canton, Corbie.
Comptant un peu plus de 300 habitants à l’époque où Charles vient au monde, Bonnay est avant tout un village agricole. Les terres cultivables, situées dans la Vallée de l’Ancre, offrent un rendement satisfaisant en blé, en avoine, en seigle et en orge. On y cultive aussi la betterave à sucre et toutes les plantes fourragères nécessaires à l’élevage du bétail. Les zones marécageuses sont nombreuses sur le territoire de la commune, offrant des prairies qui favorisent la présence de chevaux, de jeunes poulains et des troupeaux communaux de vaches et de moutons. Les marais, alimentés en eau par l’Ancre et la petite rivière qui se nomme « La Boulangerie », sont aussi une source de revenus pour la commune avec l’extraction de la tourbe et l’abattage des nombreux peupliers.

A Bonnay, il reste une quinzaine de métiers à tricoter. Les ouvriers travaillent à domicile, souvent en famille, pour des usines de Corbie ou d’Amiens.
Les jeunes de l’âge de Charles CLIN ne sont pas nombreux dans le village et, rares sont ceux qui y passent toute leur jeunesse. L’attractivité économique de villes comme Corbie et surtout Amiens entraînent un exode rural indéniable. Parmi ceux qui ont partagé les bancs de l’école du village, il n’y a plus guère que Robert BONARD, dont le père exploite une ferme dans la Grande Rue et Louis TRICOT, le fils du couvreur.

Charles est aussi très proche de son frère, Alexandre. Il n’est pas rare de les voir se promener ensemble dans le village ou dans les marais avec d’autres jeunes du village. Gaston LEROY est de ceux-ci. Mais l’heure n’est pas toujours aux promenades ou aux jeux pour les garçons de la campagne. A partir de 12 ans, il faut commencer à apporter un peu d’argent à la maison. Charles et son frère travaillent comme ouvriers de culture dans les fermes de Bonnay, comme la plupart des membres de la petite bande.
Approchant l’âge adulte, Charles CLIN et son copain Robert BONARD continuent à être employés dans l’agriculture. Les autres sont partis en ville, Alexandre comme ouvrier de fabrique, Gaston LEROY comme ouvrier en bois et Louis TRICOT, comme ouvrier bonnetier. Le village continue à se vider de ses habitants.
En 1913, Charles est convoqué devant le Conseil de Révision de Corbie. Il est affecté au 18e Bataillon de Chasseurs à Pied pour y effectuer son service militaire. Son copain, Robert BONARD rejoint quant à lui le 151e Régiment d’Infanterie. C’est le 9 octobre 1913 que les deux copains partent pour accomplir leur devoir, pour deux années, loin de chez eux. Ils ont de la chance car leurs copains de la classe 1913 devront partir pour 3 ans suite à la loi votée en août 1913. La voie ferrée passe près du territoire de Bonnay mais le train ne s’y arrête pas. Charles CLIN et Robert BONARD vont jusqu’à Corbie à pied, puis prennent le train en direction d’Amiens.

Mais c’est bien loin d’Amiens que ce voyage les emmène. Charles part à Longuyon en Meurthe-et-Moselle et Robert à Verdun dans la Meuse.
Quand la guerre est déclarée quelques mois plus tard, les jeunes hommes sont déjà en position pour protéger les frontières vers l’Alsace-Moselle, le Luxembourg et la Belgique.
Le 22 août, le 18e BCP participe au combat de Bellefontaine, en Belgique, alors que le 151e RI est dans le secteur de Mercy-le-Haut et de Pierrepont, en Meurthe-et-Moselle. Les combats du 22 août 1914 sont particulièrement meurtriers puisque plus de 25 000 Français y laissent la vie. Essentiellement des jeunes hommes qui accomplissaient leur service militaire avant la guerre. Ils ont presque tous entre 20 et 23 ans.
Quand les combats sont arrêtés, en fin de journée, Charles est toujours vivant. Robert est déclaré disparu.
Le 18e BCP participe ensuite à la Bataille de la Marne, début septembre, puis quand la guerre s’enterre dans les tranchées, il connaît l’enfer de l’Argonne, puis en 1915, celui de Verdun. Au printemps 1917, Charles CLIN est dans le Sud de l’Aisne, près du Chemin des Dames. Considéré tout d’abord comme disparu, il est finalement déclaré mort le 4 mai 1917, près de Berry-au-Bac. Il a 24 ans. Il sera inhumé sur le versant Est de la Côte 108.

La famille CLIN perd son deuxième fils. En effet, Alexandre le fils aîné, mobilisé dans l’Artillerie, est mort de ses blessures un an plus tôt à l’hôpital temporaire de Revigny, dans la Meuse. Il n’y a plus de garçons dans la famille CLIN !
Louis TRICOT et Gaston LEROY, démobilisés en 1919, reviennent ensuite à Bonnay. Vivants mais ô combien éprouvés. Louis TRICOT, soldat cité à plusieurs reprises pour son courage, a été blessé à de multiples reprises. Une balle dans la poitrine en septembre 1914, une autre dans le bras droit en mai 1915, des éclats d’obus dans la fesse droite en juin 1918. Mais la pire des armes n’a été ni le canon, ni la mitrailleuse, mais bien le gaz. Evacué gazé en octobre 1918 dans la Marne, il n’a jamais guéri vraiment, souffrant de terribles crises de « dyspnée asthmatiforme ». Gaston LEROY, envoyé sur le front turc avec l’Armée d’Orient en 1917 a contracté le paludisme. Maladie dont il n’a jamais réussi à vraiment se débarrasser. La guerre ne lui avait pas pris que la santé, elle l’avait aussi privé d’un frère aîné, Paul LEROY, mort en août 1918 dans les combats de l’Oise.
Robert BONARD, considéré comme disparu le 22 août 1914, n’est pas mort. Fait prisonnier à Pierrepont, il a été emmené par les Allemands à l’hôpital de Dudelange, au Luxembourg, pour y soigner sa jambe et sa hanche. Il a ensuite passé plus de quatre années dans les geôles des camps de Darmstadt, Heuberg, Konstanz et Merseburg, avant d’être envoyé en Suisse à Leysin puis à Chésières. Rapatrié le 17 décembre 1918, Robert, démobilisé seulement en août 1919, revient ensuite à Bonnay.
Même s’il n’a connu aucun des champs de bataille du front de l’Ouest, Robert BONARD a été, lui aussi, victime de la guerre. En captivité dans des conditions sanitaires particulièrement difficiles pendant plus de quatre ans, sa santé dégradée ne lui a pas permis de survivre longtemps. Il est mort le 31 janvier 1923 à Bonnay, à l’âge de 30 ans.
Gaston LEROY est devenu menuisier et Louis TRICOT couvreur. Ils habitaient tous les deux dans la Grande Rue. Gaston LEROY a épousé Berthe et en 1920, une petite Georgette est arrivée puis, Cécile, Hubert, Marcelle…. Louis TRICOT s’est marié avec Annette, donnant naissance à Marie, Louise, Henri. La vie a repris le dessus…

Dans la maison des CLIN, il n’y a plus d’homme. Octavie, devenue veuve, aidée par sa fille Lisberte, a poursuivi l’activité de marchande de charbons.
Le premier petit-fils qui est né chez les CLIN, après la fin de la guerre, s’est prénommé Charles.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme. Francis et Brigitte DANEZ ont réalisé la collecte de données pour la commune de Bonnay.
Merci à Danièle REMY pour les illustrations.

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Bonjour, je me régale de vos publications sur nos héros ! Et vous en remercie, j’ai hâte de voir le chemin de mon arrière grand oncle, Delarozee. Bravo à vous qui faites un travail merveilleux ! À bientôt, Carole Delarozee, et encore, félicitations !
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