ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Edmond BECQUIN, d’une guerre à l’autre

Né le 28 octobre 1893, Edmond BECQUIN a passé sa jeunesse à Picquigny.

Le père, âgé de 27 ans, se prénomme lui aussi Edmond. Edmond est couvreur. Juliette la mère, est ouvrière de fabrique. Elle a 19 ans.

Edmond est leur premier enfant. Il naît dans leur maison de la Rue des Chanoines à Picquigny. Viennent ensuite trois filles : Marthe en 1895, Berthe en 1898 et Thérèse en 1902.

Malgré une population de seulement 1 200 habitants, au début du XXe siècle, Picquigny est une commune chef-lieu de canton de la Somme. D’autres communes du canton, récemment industrialisées, sont devenues bien plus importantes. L’arrivée des Usines de textile des Frères SAINT dans la Vallée de la Nièvre et de celle de CARMICHAEL à Ailly-sur-Somme, a profondément modifié la physionomie du paysage du canton de Picquigny. 

A Picquigny, une usine de tissage dirigée par les frères BERNHEIM est installée au lieu-dit « La Catiche », Rue du Marais. Le bourg de Picquigny n’a pas de longue cité ouvrière comme à Flixecourt ou à L’Etoile. Depuis deux siècles, la population n’a pas augmenté. Picquigny s’accroche à son histoire. Et son histoire rejoint celle de la France puisque c’est ici qu’en 1475 a été signé le traité entre Louis XI et Edouard IV, mettant fin à la Guerre de Cent ans. Tout bouge autour, mais Picquigny, comme son château, tente de résister au temps qui passe.

Si la commune n’est pas la plus grande du canton, elle est assurément la plus commerçante. Il faut dire que les voyageurs qui s’y arrêtent sont nombreux. La grande route de communication entre Abbeville et Amiens y passe, et une gare, sur la ligne de chemin de fer reliant Boulogne-sur-Mer à Paris, est au cœur du village. Toute la route d’Amiens, notamment sur sa partie nommée Rue Saint-Pierre, n’est qu’une succession de commerces, débits de boissons, épiceries, tavernes, hôtels, magasins de nouveautés…

En 1900, Charles PINEZES crée une cidrerie, à proximité de l’usine BERNHEIM, à La Catiche. Il a besoin d’un contremaître. Edmond BECQUIN, le père, est recruté. Il quitte son métier de couvreur et peu de temps après, est élu au conseil municipal. Il participe activement à l’administration de la commune et est réélu à plusieurs reprises. Son épouse Juliette, tient un débit de boissons, Rue des Chanoines, dans leur maison où, comme chez tous les commerçants du quartier, une pièce est réservée à la boutique.

Edmond BECQUIN, le fils, tout en suivant avec assiduité les cours de l’école publique, apporte son aide dans le commerce. Entre sa mère et ses trois sœurs cadettes, il est le seul homme de la maison quand son père part travailler à la cidrerie. La boutique fonctionne si bien qu’Edmond, le père, décide d’y vendre également du charbon. Il quitte son emploi chez PINEZES et reprend la direction du commerce avec son épouse.

Le couple embauche un employé, Léon TAVERNIER. La présence des enfants n’est donc plus indispensable et, à tour de rôle, chacun cherche à trouver un emploi ailleurs. Edmond le fils, se fait embaucher aux Ponts-et-Chaussées, alors que Marthe, l’aînée des trois filles, devient modiste.

C’est à l’hôtel de ville de Picquigny que se réunit le Conseil de révision. Edmond sait qu’il va devoir donner trois années de sa vie pour la défense du pays. Bien qu’apte au service armé, la commission préfère l’envoyer à la 2e Section de Secrétaires d’Etat-major. Ses qualités intellectuelles pourront y être précieuses. Avant de partir au service militaire, il épouse Lucienne.

Le 27 novembre 1913, il prend le train en gare de Picquigny, et descend Gare Saint-Roch à Amiens, pour rejoindre son lieu d’affectation.

Quand la guerre est déclarée, début août 1914, sa position de secrétaire, à proximité des officiers supérieurs, lui garantit une certaine protection. Contrairement à beaucoup de ses copains qui travaillent à l’usine de textile, Edmond a de la chance. Edmond DUPRESSOIRE, qui est coupeur chez BERNHEIM, a débuté son service militaire au 120e Régiment d’Infanterie de Péronne et Louis JOUFFROY, ouvrier tisseur, au 128e RI, à Amiens. Le 22 août 1914, les fantassins au pantalon rouge sont les premiers à participer à la grande offensive dans le Sud de la Province de Luxembourg. Edmond DUPRESSOIRE est tué dans la plaine du Radan à Bellefontaine. Il n’a que 23 ans. Louis JOUFFROY meurt moins de cinq mois plus tard. C’est à l’hôpital de Sainte-Menehould, dans la Marne, qu’il succombe à ses blessures, lui aussi, à 23 ans.

Edmond BECQUIN est finalement soulagé d’être enfin appelé pour partir au front. Il a appris la mort de tant de jeunes hommes du canton qu’il ne peut continuer à paraître embusqué. Le 24 janvier 1916, il rejoint le 3e Régiment de Génie. En mai 1917, il est cité comme « caporal d’un dévouement exemplaire et d’un sang-froid à toute épreuve. Vient de se prodigérer (sic) avec insouciance et sans réserve pour l’exécution de travaux de passerelles dans des conditions difficiles ».

En août 1917, près de Verdun, il est victime d’une intoxication par les gaz. Devenu sergent, il est ensuite blessé gravement à l’omoplate droite par éclats de bombe, en août 1918. Evacué à l’hôpital de Grace pour y être soigné, il ne retourne pas au front. Démobilisé en août 1919, il rejoint Picquigny et y retrouve son épouse. Juliette, sa mère, devenue veuve, tient toujours la petite boutique de la Rue des Chanoines avec l’aide de ses deux plus jeunes filles.

Mais Edmond ne sera pas épicier à Picquigny. Il a d’autres ambitions. Il quitte Picquigny avec Lucienne, pour s’installer à Albert. Le couple déménage ensuite pour Amiens, où naît Jacqueline, leur premier enfant puis pour Rosières-en-Santerre, commune de naissance de leur seconde fille, Françoise. Edmond réalise une belle carrière. Devenu ingénieur, il prend la direction de la SICAE (Société d’Intérêt Collectif Agricole d’Electricité) du Santerre. Edmond devient conseiller municipal, à Rosières, comme son père l’avait été à Picquigny et, presque tout naturellement, il prend la présidence des Anciens Combattants de la Grande Guerre. Même si l’épaule droite reste douloureuse, Edmond sait à quel point il est chanceux. Tant de jeunes de son âge ont perdu la vie entre 1914 et 1918. Heureusement, c’était la der des ders…

Le 3 septembre 1939, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne. Tout va recommencer ! Le seul point positif pour Edmond est qu’il n’a pas de fils. S’il faut y aller, lui ira, mais pas ses enfants. Mais la Seconde Guerre mondiale n’a rien à voir avec la première. A partir de l’été 1940, elle se livre sur un tout autre terrain. Celui des civils. Edmond entre en Résistance.

Arrêté en mai 1944, Edmond est transféré vers le camp de détention de Compiègne. Le 2 juillet, vers 9 heures 15, le train qui l’emmène, ainsi que 2 151 autres hommes, majoritairement français, s’ébranle sous une légère bruine de la gare de Compiègne en direction de Dachau en Allemagne. Les prisonniers sont entassés à plus de cent par wagon. Edmond, à 50 ans, est parmi les plus âgés.

Si 622 hommes vont mourir à Dachau et dans d’autres camps, au moins 530 perdent la vie pendant le transport. Edmond est au nombre des victimes. Il meurt dans un wagon à bestiaux. Un des 22 wagons du « Train de la mort ».

Edmond BECQUIN est considéré comme mort entre le 2 et le 5 juillet 1944, sans qu’on sache à quel moment exact il a perdu la vie. Il n’est, de toute façon, jamais arrivé à Dachau.

63 ans plus tard, le 12 juillet 2007, la mention « Mort en déportation » a été inscrite sur l’acte de décès d’Edmond BECQUIN.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

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