ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914– René LANCELLE d’Amiens

Né le 11 septembre 1892, René LANCELLE est né au-dessus d’une charcuterie.

Louis LANCELLE et Emilie DHENAIN habitent dans le Faubourg de Noyon à Amiens, dans la paroisse Sainte-Anne.

Mariés, Louis et Emilie tiennent un commerce de charcuterie, au numéro 2 de la Rue Caussin de Perceval à Amiens. Ils ont à peine plus de 25 ans quand naît leur premier enfant. Ils lui donnent les prénoms de René Léon. Il n’y aura pas d’autre enfant.

27 ans ! C’est l’âge auquel meurt Louis LANCELLE laissant René, petit enfant de 2 ans, orphelin pour toujours.

La vie est alors compliquée pour Emilie et son fils. Comme ça arrive à tellement de femmes, en cette fin de XIXe siècle, la maladie a tué son jeune mari mais la vie doit continuer.

Les femmes ou les hommes, personne n’est à l’abri d’un tel malheur ! Odile GOSSE est plombier. Il habite également dans le Faubourg de Noyon. Il est veuf et vit seul avec son fils, Robert. Le veuf et la veuve se rapprochent et décident de s’épouser. Le 14 septembre 1901, une nouvelle vie commence pour un homme, une femme et deux garçons.

Josette naît de l’union d’Odile et d’Emilie. Une belle famille « recomposée » vit maintenant au 7 de la Rue de Boves à Amiens.

Contrairement aux faubourgs Saint-Pierre ou Saint-Maurice, le faubourg de Noyon est un quartier relativement jeune. Situé au Sud-Est de la ville, en dehors des anciennes fortifications, il s’est étendu à la fin du XIXe siècle vers les communes de Boves et de Cagny. Il est bordé par la Rue Jules Barni, axe très emprunté entre la gare d’Amiens à Longueau.

Même si René n’a aucun souvenir de son père, l’image du charcutier doit habiller certains de ses rêves. René devient apprenti et garçon boucher, avec certainement l’ambition de pouvoir un jour ouvrir boutique. Bon élève, René sait parfaitement lire et écrire quand il est convoqué pour passer devant le Conseil de Révision.

Robert GOSSE, le demi-frère de René, marche lui aussi dans les pas de son père. Il devient plombier. Il a déjà effectué ses deux ans de service militaire au 128e RI et a terminé, en septembre 1912, avec le grade de caporal. 

Détecté comme ayant le potentiel pour devenir sous-officier, René LANCELLE suit une formation et obtient le Brevet Spécial d’Aptitude Militaire, en juillet 1913. Il est incorporé le 8 octobre 1913 au 128e Régiment d’Infanterie.

 La guerre est déclarée le 3 août 1914 entre l’Allemagne et la France. René LANCELLE n’est pas encore sous-officier, mais il ne tardera pas à le devenir. Le 128e RI quitte ses casernes d’Abbeville et d’Amiens, le 5 août, pour rejoindre le département de la Meuse. Puis, le 22 août, il connaît l’épreuve du feu près de Virton, dans le Sud du Luxembourg belge.

Robert GOSSE a été rappelé à la mobilisation générale du 1er août, et affecté à la 5e Section des Chemins de fer de campagne. Un plombier peut facilement devenir mécanicien, en cas de besoin… Resté dans la région d’Amiens, il est fait prisonnier par les Allemands, dès le début du mois de septembre 1914, au cours de leur seule incursion dans la capitale picarde de toute la Grande Guerre. Il est emmené en captivité en Allemagne.

Pour René, les combats se poursuivent. Le 31 août, pendant la retraite, le 128e RI assurant l’arrière garde des régiments du 2e Corps d’Armée, celui de la région militaire d’Amiens, il se voit confier la mission de ralentir la progression des Allemands, lancés à la poursuite de l’armée française. Dans le hameau de Fontenois, près de Saint-Pierremont, dans les Ardennes françaises, les deux bataillons du régiment qui livrent bataille, le 31 août, sont décimés. Plus de 130 jeunes Français sont tués, et près de 300 sont blessés. Au moins 150 d’entre eux, ne pouvant être transportés, restent sur place et sont faits prisonniers le lendemain par les troupes allemandes.

C’est le premier traumatisme pour tous les rescapés du 128e. René connaissait la plupart de ceux qui ont été tués ou blessés. Il partageait leur quotidien de soldat depuis 10 mois. Il se souvient bien de René DUCROQUET, employé dans un magasin de la ville, de Georges DEFLESSELLE, peintre, ou de René CACHELEUX. Ils avaient, comme lui, à peine 21 ans. Fontenois sera leur dernière étape. Pour René LIENARD, un copain d’Amiens, la guerre prend fin aussi à Fontenois, mais lui n’est pas mort. Blessé à la jambe, il a été emmené en captivité. Il ne reviendra qu’en janvier 1919.

Pour René LANCELLE, la guerre continue. Les combats de la Bataille de la Marne, du 6 au 10 septembre 1914, vont entraîner beaucoup d’autres traumatismes. Et beaucoup de morts. René est blessé le 8 septembre, à Saint-Rémy. Son bras gauche est recouvert de plaies multiples par baïonnette. Dans les combats qui ne sont pas encore ceux d’une guerre de position, les combats au corps à corps sont nombreux. La guerre prend ensuite ses quartiers en Argonne, au Bois de la Gruerie, pour le 128e RI et son fraichement promu caporal, René LANCELLE.

René est à nouveau blessé, mais beaucoup plus gravement que début septembre. Avec la guerre de tranchées, c’est de l’artillerie ennemie que vient surtout le danger. René est blessé à la cuisse gauche par éclats d’obus. Il est également blessé à l’épaule droite. Son évacuation est nécessaire. C’est le 15 novembre 1914, jour où il venait d’obtenir le grade de sergent. La blessure est grave et l’hospitalisation est longue. Après une période de convalescence, René ne revient au front qu’en juin 1916. Il ne rejoint pas le 128e RI mais le 117e RI. René a pris goût au commandement, et ses compétences sont remarquées par la hiérarchie militaire. Le 1er août 1916, il est cité comme « sous-officier très énergique ayant montré de réelles qualités de sang-froid, en repoussant, avec son groupe, l’ennemi qui attaquait à la grenade ».

René devient rapidement adjudant, puis sous-lieutenant à titre temporaire, en octobre 1917. Il reste au front, avec ses hommes, jusqu’à fin juin 1918, avant d’être affecté dans des services d’état-major. Il est démobilisé le 31 juillet 1919 et se retire à Amiens, dans le Faubourg de Noyon.

Robert GOSSE, en captivité en Allemagne pendant toute la guerre, a été rapatrié en octobre 1918, et remis à la disposition du Réseau du Nord comme manœuvre. Le monde des cheminots deviendra ensuite son univers.

René LANCELLE a épousé Renée, et une petite fille, Jacqueline, est née en 1920, à Amiens. Ils ont habité Rue du Puits, à Saint-Fuscien, près d’Amiens. René y était marchand de bestiaux.

René, le petit garçon-boucher, est aussi devenu un officier de réserve de l’Armée française. Promu Lieutenant, puis Capitaine, il obtient, en 1924, la distinction de Chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’honneur, pour « dix ans de services et campagnes, titres exceptionnels », « jeune officier brave et énergique qui a été blessé et cité ».

René LANCELLE est rappelé à l’activité le 24 août 1939 par l’Armée française. Il participe à la préparation des troupes, après la déclaration de guerre, avant d’être affecté, en mars 1940,  au dépôt des Volontaires Etrangers de Bacarès, dans les Pyrénées-Orientales. René est démobilisé le 9 septembre 1940. La guerre est perdue. Les Allemands occupent le territoire français. Cette fois-ci, personne ne pourra les arrêter.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme.  André MELET a réalisé la collecte de données pour la commune d’ Amiens.

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