Victimes de la Première Guerre mondiale – une Somme de vies brisées par 14 18.
Né le 18 novembre 1893, Etienne DUFRANCATEL est le fils de Benoît et de Zoé.
Les parents se marient à Bouquemaison en 1888. Leurs deux familles habitent dans le village depuis longtemps. Benoît et Zoé s’installent Rue du Souich, dans une maison située à moins de 500 mètres du Pas-de-Calais. Bouquemaison touche au département voisin par différents points de son territoire. Le Souich est situé de l’autre côté de la « frontière administrative ».

Car de frontière, il n’y en a pas dans la vie de tous les jours. Les garçons de Bouquemaison se retrouvent souvent à partager les heureux moments qu’offre l’enfance avec ceux du Souich.

Le premier enfant chez les DUFRANCATEL se prénomme Maurice. Il naît à l’automne 1890. Puis vient au monde Etienne à l’automne 1893. Il n’y aura pas d’autre enfant.
Benoît DUFRANCATEL est ouvrier agricole, comme beaucoup d’hommes dans le village. Même si le village a perdu plus d’un quart de ses habitants en 30 ans, Bouquemaison reste un village assez peuplé. On y compte plus de 850 habitants à la fin du XIXe siècle.

N’abritant ni fabriques ni ateliers, Bouquemaison qui se situe sur un plateau fertile dominant la Vallée de l’Authie, est tout naturellement un village agricole. On y cultive essentiellement des céréales. De nombreuses prairies ont été mises en culture et l’élevage n’est donc plus développé. Les échanges se font essentiellement avec la grande ville de Doullens située à 5 km au Sud.
Le village dispose d’une gare sur la ligne de chemin de fer économique qui relie Frévent dans le Pas-de-Calais, à Gamaches dans l’Ouest du département de la Somme.

Situé sur la Route Nationale qui va de Paris à Dunkerque, Bouquemaison est aussi sur le passage du Méridien de Paris, ligne fictive reliant le centre de l’Observatoire de Paris au Pôle Nord.
Mais Etienne ne sera certainement pas géographe. Comme son père et son frère aîné, Etienne devient ouvrier agricole dès la fin de la scolarité obligatoire.
Curieusement, les copains des frères DUFRANCATEL sont aussi des frères. Au Souich, le village au bout de leur rue, il y a les frères SARAZIN et les frères PARENT. Ils ont tous à peu près le même âge.

C’est Maurice DUFRANCATEL qui est le premier de la bande à partir au service militaire. Il est affecté au 51e Régiment d’Infanterie à Beauvais dans l’Oise. Il en est libéré le 8 novembre 1913, moins de deux semaines avant le départ de son frère.
Le 20 novembre, Etienne DUFRANCATEL prend le train en gare de Bouquemaison pour rejoindre la caserne où son frère était encore quelques jours plus tôt. Etienne va devoir remplir son devoir patriotique également au 51e RI. Maurice est parti deux années, mais pour Etienne l’exil est encore plus long. La loi a allongé la durée du service national à trois ans.
Malgré la situation internationale tendue, le pays était en paix quand Etienne est arrivé à Beauvais. Quand il quitte Beauvais le 5 août 1914, la guerre est déjà déclarée. Son frère Maurice, mobilisé le 1er août le rejoint. Le 51e RI est envoyé dans l’Est de la France, près de Stenay.
Le 51e RI connaît l’épreuve du feu le 22 août 1914 près de Villers-la-Loue en Belgique. Après la retraite de l’Armée française, il subit alors des pertes importantes pendant la Bataille de la Marne. Les frères DUFRANCATEL sont indemnes. La guerre de mouvement est finie. Place à une guerre où les hommes vont s’enterrer et attendre. Creuser et attendre devient le quotidien d’une majorité de jeunes hommes.

Le 20 septembre 1914, pendant une offensive en forêt d’Argonne destinée à reprendre quelques mètres de terrain à l’ennemi, Etienne est gravement blessé. Les Allemands le capturent. Alors que sa blessure nécessite une hospitalisation rapide, Etienne DUFRANCATEL est transporté jusqu’en Allemagne pour y être soigné. Tout d’abord interné au camp de Senne, il part ensuite pour Stuttgard, puis il revient à Senne avant d’être finalement soigné à la maison de parade du lazaret de Torkelbau-Konstans.
Dans le cadre des accords internationaux, il est rapatrié quelques mois plus tard en tant que grand blessé. Arrivé à Lyon par le train B2, Etienne est transporté vers l’hôpital maritime de Brest. Une commission médicale décide alors de le réformer définitivement. Avec une jambe gauche qu’il ne peut plus plier, de quelle utilité pourrait-il encore être à l’Armée ? Le 26 janvier 1916, Etienne DUFRANCATEL est mis en congé illimité et il peut se retirer à Bouquemaison. Si le Front est bien présent dans le département de la Somme, Bouquemaison est heureusement du côté non occupé par les Allemands. Les soldats français ont laissé la place aux Britanniques, mais l’occupation par les Alliés du territoire situé à l’Ouest d’une ligne entre Hébuterne et Chaulnes est beaucoup plus pacifique que dans l’Est du département.

Maurice DUFRANCATEL poursuit le combat. Le 2 mai 1917, il est blessé à la clavicule droite par éclats d’obus. Après cinq mois de soins et de convalescence, Maurice revient au front. Maurice est cité deux fois à l’ordre du régiment, décrit comme un « excellent mitrailleur d’un grand courage ».
Démobilisé le 30 juillet 1919, il a maintenant 28 ans. Il est parti de chez lui depuis près de huit années.
Les deux frères DUFRANCATEL sont vivants. Etienne ne pourra plus jamais marcher normalement, sa jambe ayant subi un raccourcissement de 6cm et s’étant atrophiée suite à la fracture du fémur mal soignée. Mais Etienne et Maurice sont vivants !

Les frères PARENT aussi ont survécu à la guerre. René, le cadet, de santé fragile, a été exempté à plusieurs reprises et n’est finalement jamais parti. André, lui, a plutôt fait une belle guerre, progressant rapidement dans la hiérarchie. Il était adjudant quand il a subi sa première blessure. La victoire semblait proche et les Allemands avaient déjà quitté la Somme. Le 5 octobre 1918, André PARENT a été blessé par un éclat de grenade. Il a perdu un œil.
Quant aux frères SARAZIN, les autres copains du Souich, ils ne sont pas revenus. Eugène, affecté au 72e RI d’Amiens, a été tué le 11 octobre 1916 et son frère cadet André, soldat du 120e RI, est mort le 4 juin 1918.

Après la guerre, Etienne a trouvé un emploi de cantonnier temporaire au Chemin de fer du Nord. Il a épousé Palmyre, une fille du Nord. Un premier enfant prénommé Etienne comme son père est né en 1920.
Maurice DUFRANCATEL a quitté Bouquemaison. Conservant son activité d’ouvrier agricole, il habite ensuite Epenancourt, près de Nesle.
Etienne DUFRANCATEL a quitté également son village natal. Comme beaucoup d’estropiés de guerre, il a pu bénéficier d’un emploi réservé dans les industries autour des Bassins miniers du Pas-de-Calais. Il s’y est installé avec sa famille.
Après la mort de son mari, Zoé est restée seule à Bouquemaison. Seule, dans la maison devenue trop grande de la Rue de Souich.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET

« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme. André MELET a réalisé la collecte de données pour la commune de Bouquemaison.
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Cet article parle de mon grand père Étienne Dufrancatel que je n’ai pas connu 😔 c’est très émouvant. Merci beaucoup
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Bel article sur un petit gars du 120e RI qui est passé par Stenay !
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