ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Clotaire LECLERCQ de Flixecourt

Né le 8 octobre 1891, Clotaire LECLERCQ a vu le jour à Belloy-sur-Somme.

Les parents de Clotaire se prénomment Elie et Amélie. Elie est originaire de La Chaussée-Tirancourt, où ses parents étaient tisseurs. Amélie est originaire de Pont-de-Metz, près d’Amiens. Le père d’Amélie est venu travailler comme jardinier au château de Belloy-sur-Somme. La famille s’y est posée. C’est dans ce village qu’Elie a rencontré Amélie et l’a épousée.

Elie s’est installé à Belloy avec Amélie tout en gardant son activité de garçon-boulanger dans le village voisin de La Chaussée-Tirancourt. Deux garçons sont nés chez les LECLERCQ : Octave, en 1888, et Clotaire, en 1891.

La famille déménage ensuite à Vignacourt, à 7km de Belloy, où Olga, la seule fille de la fratrie naît. Puis, les LECLERCQ trouvent enfin leur point de chute. Ils s’installent à Flixecourt, dans la vallée de la Nièvre. Habitant tout d’abord Rue Malakoff, au creux de la vallée, au pied de la grande route qui va d’Amiens à Abbeville, la famille s’installe ensuite Rue de Strasbourg, à quelques centaines de mètres, sur l’autre  rive de la Nièvre. Elie exerce toujours son métier de boulanger. Il est employé chez Montpetit, Rue de la République, puis Rue Thiers.

Quand le jeune Clotaire arrive dans la commune, Flixecourt est une ville de première importance dans la Somme. Le bourg qui comptait un peu plus de 1 000 habitants au début du XIXe siècle, en compte 3 500 un siècle plus tard. Flixecourt est un des pays les plus industriels de la Picardie. Les frères Saint sont venus y installer, en 1857, leur fabrique de toiles à voiles et toiles à sacs. Plus de 1 500 ouvriers y sont employés.

Tout naturellement, Clotaire, comme son frère Octave avant lui, rentre à l’usine Saint, peu de temps après avoir quitté l’école, en sachant à peine lire et écrire. Les deux frères deviennent tisseurs, comme l’étaient les grands-parents, à la Chaussée-Tirancourt, mais cette fois-ci il ne s’agit plus de travailler à domicile, avec un métier à tisser manuel. C’est dans une des usines les plus modernes de la Somme qu’Octave et Clotaire LECLERCQ sont employés.

Même si la commune est devenue la plus importante du canton, c’est bien Picquigny qui en reste le chef-lieu. C’est donc à la mairie de Picquigny, dans l’autre vallée, celle de la Somme, que Clotaire est convoqué pour passer devant le Conseil de Révision. Il est incorporé au 128e Régiment d’Infanterie d’Abbeville. C’est dans ce même régiment qu’Octave, son frère, a effectué également son service militaire de 1909 à 1911.

Clotaire LECLERCQ prend le train le 9 octobre 1912, en gare de Flixecourt, en direction de Longpré-les-Corps-Saints, puis vers Abbeville, pour se rendre à la caserne Courbet. L’instruction militaire peut alors commencer. L’ambiance de camaraderie est agréable dans ce régiment composé presque essentiellement de jeunes hommes de la Somme. En travaillant, depuis plusieurs années déjà, à l’usine, Clotaire est habitué à la vie en collectivité. Au 128e, on parle le picard, avec des différences d’accent ou de vocabulaire, qu’on soit du Vimeu, du Ponthieu ou de la Vallée de la Nièvre, mais on finit toujours par se comprendre.

Le 3 août 1914, la guerre est déclarée par l’Allemagne. Le 128e Ri quitte ses casernes d’Abbeville et d’Amiens pour se rendre, le 5 août, dans la Meuse. C’est dans l’Est de la France que doit avoir lieu l’affrontement entre l’Armée du général Joffre et celle du Kaiser Guillaume II.

Tous les hommes qui ont effectué récemment leur service militaire sont mobilisés et rejoignent les régiments de l’Armée active. C’est le cas d’Octave LECLERCQ, le frère de Clotaire.

Clotaire rejoint le 128e RI et lui aussi fait partie du voyage vers la Meuse. Les deux frères sont réunis. Ils vont pouvoir affronter ensemble les difficultés qui se présenteront.

L’épreuve du feu des hommes du 128e RI a lieu le 22 août 1914, près de Virton, dans le Sud du Luxembourg belge. Le régiment, légèrement en retrait dans l’offensive déclenchée pour repousser les troupes allemandes, subit quand même des pertes. Les frères LECLERCQ voient tomber plusieurs copains de régiment, à côté d’eux. Certains ne se relèvent pas. La mort va rapidement faire partie du quotidien.

Après l’échec de l’offensive du 22 août, l’armée française bat en retraite et doit aller se positionner dans la Marne pour y attendre les Allemands. Dans cette retraite, qui ressemble par endroit à une débandade, le 128e RI se trouve placé en arrière-garde. C’est à lui que revient la mission, le 31 août au matin, d’aller combattre l’ennemi pour ralentir sa progression, dans un hameau de Saint-Pierremont, dans les Ardennes, nommé Fontenois. En quelques heures, plus de 130 jeunes Français du 128e y sont tués, et plus de 150 y sont blessés.

Quand le mois de septembre 1914 débute, le 128e RI de la Somme est déjà décimé. Les deux frères ont échappé au pire. Ils sont encore en vie et ne sont ni blessés, ni prisonniers…

La Bataille de la Marne constitue encore une épreuve pour les régiments d’infanterie. Octave et Clotaire voient disparaître plusieurs dizaines de leurs copains entre le 6 et le 14, dans le secteur de Maurupt-le-Montois. Les troupes allemandes, mises en difficulté dans la Marne, se replient alors vers la forêt d’Argonne. Quand les hommes du 128e s’y présentent, le 16 septembre, dans le secteur de Servon, pour les y déloger, les combats sont terribles. Octave LECLERCQ est tué.

Clotaire vient de perdre son frère. Son seul et unique frère, tombé à quelques dizaines de mètres de lui, dans cette forêt d’Argonne que la mort va hanter pendant plus de quatre années.

Clotaire LECLERCQ doit poursuivre cette guerre. Il doit survivre, coûte que coûte. Elie et Amélie doivent au moins avoir encore un fils à serrer dans leurs bras quand tout ça sera fini !

Les combats se poursuivent dans les tranchées d’Argonne, de la Meuse, de la Somme, de l’Oise et de l’Aisne, puis à nouveau dans la Marne.

En décembre 1916, à l’occasion d’une permission, Clotaire épouse Marie Acloque, à Flixecourt.

Clotaire réalise une « belle guerre ». Cité à l’ordre du régiment, sa hiérarchie le reconnaît comme un « musicien faisant toujours preuve de la plus grande énergie physique et morale ». Il sera remarqué également pour « s’être particulièrement distingué dans l’attaque du 4 mai 1917 en assurant d’une façon régulière l’évacuation des blessés sur une voie toujours battue par l’ennemi. »

Début mars 1919, il est mis à disposition du Chemin de fer du Nord, et va s’installer, avec Marie, à Amiens. Il quitte définitivement la Vallée de la Nièvre et le textile. Micheline, leur fille, naît à Amiens en 1926, puis la famille déménage dans l’Oise, pour s’installer dans le hameau de Villepoix, à Saint-Omer-en Chaussée. Clotaire devient surveillant principal aux services électriques de la Compagnie du Nord du Chemin de fer.

Quand Clotaire revenait, en famille, voir ses parents, il ne manquait jamais de passer devant le monument aux morts de Flixecourt, au bord de la route Amiens-Abbeville, et de s’y arrêter. En une fraction de seconde, ses yeux savaient exactement où ils devaient se poser, malgré la longue liste des « Morts pour la France » de la commune. Clotaire trouvait toujours immédiatement le nom de son frère, Octave LECLERCQ. Et alors, sa tête s’emplissait d’images heureuses de Belloy, de Vignacourt, de la Rue Malakoff, de la boulangerie de la Rue Thiers, de l’usine Saint. Une époque où la guerre ne lui avait pas encore pris son frère.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme.  Didier BOURRY a réalisé la collecte de données pour la commune de Belloy-sur-Somme et Francis et Brigitte DANEZ celle pour la commune de Flixecourt.

Sur la droite, la boulangerie Rue Thiers

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8 commentaires sur « ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Clotaire LECLERCQ de Flixecourt »

  1. Magnifiques photos de Flixecourt! moi qui y suis née en 1936!
    Justement je viens de commencer à mettre sur papier tous mes souvenirs de l’exode et de l’occupation allemande.
    Quelqu’un saurait-t’il ce qu’il est advenu de l’abri sous l’église de Flixecourt? Nous les élèves y avons passé des jours entiers dans la pénombre mais nous ‘apprenons quand-même! L’accès était dans la cour de l’école.
    Au plaisir de recevoir quelques indices.
    Maud Marsh née Wable.

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