Né le 1er juin 1892, Adrien BOTTIN est le fils de Diogène BOTTIN et de Céline PECOURT.
Diogène est originaire de Vauchelles-lès-Authie et Céline, son épouse, du village voisin de Louvencourt. Si Vauchelles porte le nom d’Authie c’est parce qu’il est situé à côté du village qui s’appelle Authie. Le fleuve du même nom, même s’il court à quelques kilomètres, ne passe ni à Vauchelles, ni à Louvencourt.
Contrairement à la tradition, Diogène et Céline célèbrent leur mariage dans la commune du jeune marié. Par contre, c’est à Louvencourt, où habite la famille de la mariée, que le couple vient s’installer. Leur maison est située Rue du Rond.
Louvencourt est un village de 500 habitants environ, en cette fin du XIXe siècle. Si quelques hommes partent chaque matin vers Beauval pour y exercer leur métier de tissage dans les usines Saint-Frères, c’est vraiment l’agriculture qui permet aux familles de la commune de vivre. Nombreux sont les habitants à être ouvriers agricoles ou domestiques de ferme dans les principales grandes fermes du village. Dans la commune on trouve des bergers, des vachers, des laitiers, des coquetiers, ainsi que plusieurs bourreliers, charrons, maréchaux-ferrant et cordonniers. A Louvencourt, il y a plusieurs débits de boissons qui sont également des points de vente d’épicerie. On trouve aussi un chef de gare et un cantonnier du chemin de fer qui entretient la ligne entre Doullens et Albert. Il y a, enfin, quelques artisans comme l’est Diogène BOTTIN. Il est couvreur. Il lui arrive souvent de travailler avec Alphonse PECOURT, le maçon et Maxime JOURDOIS, le charpentier. Le travail ne manque pas pour un couvreur.
Céline donne naissance à treize enfants. La mortalité infantile est dévastatrice et tous ne peuvent survivre mais la fratrie reste bien fournie. Adrien est le 5e enfant de la fratrie. Ses aînés se prénomment Aline, Emile, Eugénie et Léon. Viendront ensuite Norbert, Georgette, Germaine, Marguerite, Suzanne…
Diogène meurt brutalement alors qu’Adrien n’est encore qu’adolescent. Le métier de couvreur est un métier dangereux. Aucun des 4 garçons de la fratrie ne sera couvreur à Louvencourt. Adrien rejoint son frère aîné Léon dans la ferme CAUET. Le travail ne manque pas. Les fermes ont toujours besoin de main d’œuvre. Ils vont chez BOURA puis chez CRAPOULET. Ca permet d’apporter un peu de sous à la maison. Il y a tellement de bouches à nourrir et c’est tellement difficile depuis que le père n’est plus là…
Quand il est convoqué au Conseil de Révision à Acheux, chef-lieu du canton, Adrien BOTTIN est considéré comme soutien de famille. Ce n’est pas un motif d’exemption mais ça peut avoir une influence sur son lieu d’affectation. Il est incorporé le 10 octobre 1913 au 128e Régiment d’Infanterie d’Abbeville. Il prend le train à Louvencourt, direction Doullens, Canaples, Longpré-les-Corps-Saint et c’est l’arrivée à Abbeville…quelques heures plus tard où il rejoint la caserne Courbet. Il y retrouve William PECOUL, un copain de Louvencourt qui a débuté le service militaire un an plus tôt.
Au printemps et au début de l’été, bénéficiant de plusieurs permissions, il revient à Louvencourt à plusieurs reprises pour apporter de l’aide à sa mère. La dernière permission de juillet 1914 est écourtée. La guerre est imminente. Ce sont les gendarmes qui sont chargés de le faire revenir à Abbeville, sans attendre la fin de la permission.
Le 5 août 1914, le régiment est transféré d’Abbeville vers le département de la Meuse. Le 22 août, en Belgique, Adrien connaît l’épreuve du feu. Parmi les victimes, plusieurs ont vécu comme lui les derniers mois dans la caserne d’Abbeville. Ces morts ne sont pas des inconnus. La journée du 22 août 1914 marque une des plus terribles défaites de l’armée française. Plus de 25 000 hommes y laissent la vie. En passant à travers les balles ennemies, Adrien est déjà devenu un survivant.
Le 128e RI bat en retraite dès le 23 août, comme toutes les unités de l’Armée française. Le 29 août, alors qu’ils passent à hauteur du village de Saint-Pierremont, deux bataillons du 128e reçoivent l’ordre d’arrêter leur marche et d’attendre l’ennemi pour enrayer sa course poursuite. Le 31 août 1914, les hommes du 128e RI lancent l’offensive entre le hameau de Fontenois et le village de Saint-Pierremont.
Le 1er septembre 1914, Adrien BOTTIN est déclaré mort des suites de ses blessures.
Les autres garçons de la famille BOTTIN de Louvencourt ont survécu à la guerre. Mais pour les deux plus jeunes, les traumatismes restent profonds.
Léon était très proche de son frère Adrien. Léon, le grand frère, le copain de toujours, à la maison comme dans les fermes, a perdu une partie de lui-même. Son frère cadet est mort et plus rien ne sera jamais comme avant…
Démobilisé en 1919, le plus jeune garçon de la fratrie, Norbert est de retour à Louvencourt, village qui a subi de nombreux dommages pendant la guerre. Norbert est handicapé. Il est cabossé de partout (blessures à la tête, au thorax, à une jambe) et les séquelles des pieds gelés sont particulièrement douloureuses. Mais, ce n’est pas tout. Norbert a été gazé. Les douleurs physiques l’emportent-elles sur les blessures de l’âme ? Rien n’est moins certain. Norbert, le jeune frère d’Adrien, ne restera pas dans le village en reconstruction. Il finira sa vie dans le Sud de la France. Bien loin de Louvencourt.
William PECOUL, le copain de village d’Adrien qui a vécu à ses côtés près d’une année de service militaire à la caserne Courbet d’Abbeville a été tué. Il a survécu au combat de Fontenois le 31 août 1914 puis à la Bataille de la Marne. Il est mort le 16 septembre 1914.
Les noms d’Adrien BOTTIN et de William PECOUL sont inscrits sur le monument aux morts de Louvencourt. Ils avaient 22 et 23 ans.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
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