Né le 16 juin 1892, Constant BRUNEL est le fils d’Octave BRUNEL et de Laura CAILLEUX.
Octave BRUNEL est originaire de Chipilly dans la Vallée de la Somme et Laura CAILLEUX de Morlancourt, village voisin installé dans une vallée sèche entre la Somme et l’Ancre.

Henri, le père de Laura était maçon et Joseph, le père d’Octave était ouvrier agricole.
Octave et Laura se marient le 6 décembre 1890 à Morlancourt. Ils viennent ensuite s’installer à Chipilly, Rue du Sac. Constant naît à la fin du printemps 1892. Les BRUNEL n’auront pas d’autre enfant. Quand Joseph, le grand-père, devient veuf, il rejoint la petite famille de son fils. Famille complétée par Henri BRUNEL, le frère de Joseph. Constant vit entouré de ses parents, de son grand-père et de son grand-oncle.

Constant naît en 1892. Dans un village d’environ 250 habitants comme Chipilly, le nombre annuel de naissance se situe généralement autour de 5 ou 6. En 1892 à Chipilly il y a 6 naissances. Le fils des LALLEMANT décède avant d’avoir atteint l’âge d’un mois. Cinq enfants survivent à la mortalité infantile, 3 garçons et 2 filles. Les garçons se nomment Constant BRUNEL, Omer VERRY et Emilien CANDILLON. Les filles se nomment Victorine DECERISY et Marie JOLLY.

Si la famille de Marie JOLLY quitte rapidement la commune, les quatre autres familles sont solidement implantées dans le village de Chipilly. Constant BRUNEL est dans la Rue du Sac. Les VERRY et les CANDILLON résident Rue de Sailly. Victorine DECERISY habite Rue du Calvaire.
Dans les premières années du XXe siècle, la mixité n’est pas présente dans tous les villages de France. A Chipilly, seuls les garçons fréquentent l’école publique. Une école dirigée par des congréganistes accueille les filles. C’est Monsieur POIRET qui est l’instituteur public. Constant BRUNEL, Omer VERRY et Emilien CANDILLON ne sont pas très assidus. Il faut dire que leurs pères travaillent dans l’agriculture et les besoins en main d’œuvre sont fréquents. Il est fait appel souvent aux plus jeunes au détriment d’une scolarité régulière. Quand ils quittent l’école, les 3 garçons ne savent pas vraiment lire et écrire. Ils se débrouillent.

Constant BRUNEL et Omer VERRY deviennent ouvriers agricoles comme le sont leurs pères. Quant à Emilien CANDILLON, il travaille dans la ferme de son père. Les destins sont écrits…
Quel est le destin de la pauvre Victorine ? Premier bébé de Victor DECERISY et de Léontine DENIS, elle n’avait que 2 mois quand sa maman est partie pour toujours. La petite orpheline vit avec son père chez ses grands-parents paternels. L’avenir sera-t-il plus souriant que celui des garçons de son âge ?

A 20 ans, les trois jeunes hommes sont convoqués ensemble devant le Conseil de Révision de Bray-sur-Somme, le chef-lieu de canton. Jugés aptes au service armé, ils doivent débuter leur service militaire début octobre 1913. Les copains espéraient passer les deux années ensemble. Hélas, Omer VERRY a reçu une convocation pour rejoindre le 72e Régiment d’Infanterie d’Amiens alors que ses deux copains Constant BRUNEL et Emilien CANDILLON partent pour le 120e RI de Péronne. Emilien CANDILLON bénéficie d’un mois de sursis. Le 9 octobre 1913, Constant BRUNEL est donc le seul représentant du village de Chipilly dans le train qui emmènent les jeunes hommes de la Classe 1912 vers la gare de Stenay. Emilien CANDILLON le rejoindra un mois plus tard.

Le 120e RI a été transféré de la Somme vers le Nord du département de la Meuse pour renforcer la défense des frontières de l’Est de la France. Constant et Emilien se retrouvent dans la caserne Chanzy à Stenay, près de la frontière belge, pour y suivre l’instruction militaire obligatoire. Instruction qui se révèle rapidement indispensable. De mois en mois, la situation internationale se dégrade. Par le jeu des alliances, l’Europe se divise en deux. Le 28 juillet 1914, l’Empire Austro-Hongrois déclare la guerre à la Serbie et le 3 août, l’Allemagne déclare la guerre à la France.
Le 120e RI, caserné dans le Nord de la Meuse à quelques kilomètres de la frontière belge, est prêt à combattre dès les premiers jours d’août 1914. Les hommes du 72e RI quittent Amiens le 5 août pour rejoindre le secteur de Stenay. Les troupes allemandes viennent d’entrer sur le territoire de la neutre Belgique. Leur destination : la France et sa capitale, Paris.

Alors qu’il aurait été possible d’attendre l’entrée des Allemands sur le sol français pour les arrêter, le général Joffre, chef des armées françaises, fait le choix de l’offensive. Le 22 août, toutes les unités de première ligne franchissent la frontière et entrent en Belgique afin de repousser les Allemands pour les renvoyer « à Berlin ».
Si le 72e RI où a été affecté Omer VERRY, placé en réserve, est éloigné des zones de combat, le régiment de Constant BRUNEL et d’Emilien CANDILLON va connaître l’enfer. Les hommes du 120e RI s’engagent le 22 août au matin sur le territoire du petit village belge de Bellefontaine. Alors qu’ils ne savent pas que les Allemands ont pris position dans les bois situés à proximité, ils s’engagent dans la grande Plaine du Radan. La journée est sanglante pour le 120e RI. Près de 600 de ses hommes sont tués. Les blessés se comptent par centaines.
Emilien CANDILLON n’a pas vu tomber Constant. Pourtant, le soir, parmi les rescapés, Emilien ne parvient pas à le retrouver. Constant BRUNEL est considéré comme disparu.
En réalité, Constant BRUNEL est mort. Il avait 22 ans.

Pour Emilien la guerre continue. Le 120e RI et le 72e RI font partie du 2e Corps d’Armée d’Amiens dirigé par le général Gérard. Le 2e C.A. bat en retraite dès le 25 août au soir, traversant le département des Ardennes du Nord au Sud, puis celui de la Marne. Les prochains combats se déroulent dans le secteur de Vitry-le-François. Le 72e RI est positionné près de Pargny-sur-Saulx et de Maurupt-le-Montois. Le 120e RI combat à Sermaize-les-Bains.
Les copains du service militaire tombent comme des mouches. Emilien et Omer s’en sortent indemnes physiquement mais certainement pas moralement. La tranquillité de leur village du bord de Somme semble bien loin maintenant. En moins de 3 semaines, les deux copains rescapés de Chipilly ont connu l’inimaginable, pire que les flammes de l’enfer… Mais c’est loin d’être fini.

A la mi-septembre 1914, la guerre de position remplace la guerre de mouvement des premières semaines. Les hommes s’installent dans des tranchées. Pour le 2e Corps d’Armée d’Amiens, c’est en Argonne que vient la suite. Dans le Bois de la Gruerie, Français et Allemands tentent de gagner quelques mètres au prix de très nombreux morts. Le 22 septembre, Omer VERRY est blessé à la cuisse et au genou par balle. Deux jours plus tard, Emilien CANDILLON est blessé par éclats d’obus au dos et à la jambe gauche. Les deux copains sont évacués vers l’arrière pour y être soignés.
Jugés à nouveau aptes au combat après quelques mois d’hospitalisation, Emilien CANDILLON et Omer VERRY retournent au front au printemps 1915.
Le 15 septembre 1915, Emilien CANDILLON est déclaré disparu dans le secteur des Eparges près de Verdun. Son corps ne sera jamais retrouvé.
Le 13 octobre 1916, Omer VERRY est très gravement blessé près de Bouchavesnes dans la Somme. Transporté vers l’hôpital temporaire Lavalard d’Amiens, Omer meurt de ses blessures le 25 octobre après douze jours de souffrance.

Il faudra attendre les jugements de tribunaux pour officialiser, après la guerre, les décès de Constant BRUNEL et d’Emilien CANDILLON. Il n’y avait que 3 garçons nés à Chipilly, petit village verdoyant du bord de Somme, pendant l’année 1892. Leurs 3 noms sont inscrits à présent sur le monument aux morts du village. Constant et Emilien avaient 22 ans, Omer en a 24 pour toujours.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
A Chipilly, le monument aux morts du village est érigé en face d’un des monuments commémoratifs les plus émouvants du département de la Somme. Elevé en l’honneur des hommes de la 58e Division Britannique qui a combattu dans le secteur pendant la Grande Guerre, on peut y découvrir un artilleur anglais consolant son cheval blessé dans un combat. Ce monument réalisé après la guerre par le Nordiste Henri Désiré Gauquié rend un vibrant hommage à tous les chevaux victimes du conflit. On peut estimer que plus d’un million de chevaux ont perdu la vie pendant la Première Guerre mondiale.

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