Né le 19 avril 1891, Arthur JUMEL est le fils d’Alfred JUMEL et d’Améliza MANOT.
Alfred et Améliza résident dans la Rue de l’Eglise à Franvillers, commune située dans le canton de Corbie, à proximité de la route à grande circulation reliant Amiens à Valenciennes.

Ils se sont mariés en 1873 et ont eu 3 filles dans les premières années de leur union. Elles se prénomment Jeanne, Elisa et Hélène. Le printemps 1891 a une saveur particulière chez les JUMEL. Un garçon est né. Prénommé Arthur, l’enfant se porte bien. Entouré de trois grandes sœurs, dont l’aînée a 17 ans, le petit Arthur vit une enfance agréable. La vie est simple pour la famille JUMEL. Le père est manouvrier ou journalier agricole selon les périodes, travaillant pour les fermiers et pour les artisans du village. Avec l’aide des enfants, Alfred devient ménager. La famille dispose alors d’une petite ferme dans la Rue de Bourgville.
Né le 3 août 1891, Marcel JUMEL est le fils de Léon JUMEL et de Victoria CARPENTIER.
Léon et Victoria habitent également à Franvillers. Léon est charpentier-maçon. Alfred et Léon, les pères de famille, ne sont ni frères ni cousins germains. Ils sont peut-être petits cousins. Ou pas… Dans tous les cas, les deux familles sont implantées dans la commune de Franvillers depuis plusieurs générations.

Chez Alfred, les filles sont majoritaires. C’est l’inverse chez Léon. Léa, l’aînée, est suivie par 3 garçons, Aimé, Marcel et Robert. La famille de Léon habite Rue d’Heilly.
Arthur et Marcel JUMEL, les deux garçons nés en 1891 vivent une grande partie de leur enfance ensemble. Ils sont scolarisés dans la classe d’Emile BOULAN, l’instituteur public du village. Comme tous les autres enfants de leur âge, ils se retrouvent également le dimanche sur les bancs de l’église Saint-Cyr-et-Sainte-Julitte. C’est aussi sur les chemins, dans les pâtures et dans les bois de Franvillers que se vit l’enfance des garçons. Et bien sûr sur le terrain de Jeu de Paume placé au centre du village.

Franvillers est un village qui compte environ 700 habitants. L’activité principale est l’agriculture mais l’artisanat à domicile y est très développé. On trouve encore une vingtaine de métiers à tisser dans la commune et une cinquantaine d’ouvriers et d’ouvrières qui font des chaussures en cuir. Dans la commune il y a deux boulangers et au moins six débits de boissons servant également d’épicerie. Les marchés hebdomadaires les plus proches sont à Corbie et à Amiens.

Ayant terminé leur scolarité, les garçons doivent trouver un emploi. Pour Arthur JUMEL, ce n’est pas difficile. Le travail ne manque pas dans la petite ferme familiale.
Son copain Marcel JUMEL ne suit pas la voie tracée par le père. Ni Aimé, son frère aîné, ni Marcel ne deviennent charpentiers comme leur père. Aimé est cordonnier et Marcel, porteur de journaux.
A 20 ans, Arthur et Marcel JUMEL sont convoqués en même temps devant le Conseil de Révision. Tous les deux jugés aptes au service armé, ils sont affectés ensemble au 3e Bataillon du 128e Régiment d’Infanterie à Abbeville. Ils ne pouvaient pas vraiment espérer mieux !

Rythmées par les périodes de manœuvres et surtout par les permissions, les deux années de service militaire sont plutôt agréables pour les deux garçons de Franvillers qui côtoient dans la caserne Courbet des jeunes venus des quatre coins de la Somme. Pour tous, le service militaire est marqué par le décompte des jours restant avant la libération. Dès le lendemain de leur arrivée, ils savent précisément que 720 jours les séparent de la vie civile.
Le 3 août 1914 au matin, il ne leur reste plus que 53 jours… Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Combien de jours va durer cette guerre ? Tout le monde l’ignore…

Le 5 août, le 128e RI quitte la Somme pour rejoindre la gare de Dun-sur-Meuse, dans le Nord du département de la Meuse, à quelques kilomètres de la frontière belge. Les hommes du 128e connaissent leur épreuve du feu le 22 août près de Virton en Belgique.
Pendant la Retraite de l’Armée française, conséquence de la terrible défaite subie par toutes les unités ayant combattu le long des frontières de l’Est de la France, le 128e RI traverse le département des Ardennes du Nord au Sud. Dans le secteur de Saint-Pierremont, les 2e et 3e bataillons du 128e RI sont désignés pour arrêter leur marche et attendre les troupes allemandes pour les combattre. Le 31 août au matin, entre le village de Saint-Pierremont et son hameau de Fontenois, les 2 000 Français tentent de lancer une offensive pour chasser les fantassins allemands du village qu’ils occupent. Les combats sont rapidement déséquilibrés. L’artillerie allemande vient en secours de ses fantassins et décime les rangs des jeunes hommes du 128e RI.
Marcel JUMEL est gravement blessé. Porté disparu, il est en réalité capturé par l’ennemi et transporté, comme près de 200 autres blessés graves, vers l’Allemagne. Il est interné au camp de Zossen puis à Döberitz à l’Ouest de Berlin.

Pour Arthur JUMEL, le traumatisme est violent. Arthur n’est pas blessé mais il a vu tomber son copain de Franvillers sans savoir s’il allait pouvoir être soigné ou s’il allait mourir sur place. Quand Arthur quitte Fontenois vers midi, l’ordre de retraite ayant été donné, il ne sait pas s’il reverra un jour son copain Marcel vivant…
Le 128e RI poursuit sa route vers le Sud de la Marne. Le 5 septembre, il est positionné dans le secteur de Pargny-sur-Saulx près du canal de la Marne. Le 6 au matin, la Bataille de la Marne débute. En 5 jours, plusieurs régiments de la Région militaire d’Amiens sont décimés. Le 128e RI perd plusieurs centaines d’hommes.
Arthur JUMEL est blessé très gravement. Transporté à l’arrière vers l’hôpital de Brienne-le-Château dans l’Aube, il y meurt de ses blessures le 11 septembre 1914.

Aimé JUMEL, le frère aîné de Marcel meurt deux jours plus tard. Il est tué à l’ennemi le 13 septembre à Berry-au-Bac dans le Sud de l’Aisne.
Alors que la guerre n’a débuté que depuis 6 semaines, elle a déjà pris fin pour 3 des 4 garçons des familles d’Alfred et de Léon JUMEL de Franvillers. Robert JUMEL, frère cadet d’Aimé et de Marcel ne sera jamais mobilisé. Né en 1901, il est heureusement trop jeune pour partir à la guerre.
Marcel JUMEL, prisonnier en Allemagne, est rapatrié après la signature de l’Armistice. Mais son état de santé s’est considérablement détérioré. Hospitalisé à son retour à l’hôpital temporaire 125 de la Chaussée du Périgord à Amiens le 24 décembre 1918, il y meurt le lendemain.
Robert JUMEL a perdu ses deux frères à la guerre. N’est-il pas lui aussi une victime directe de la Grande Guerre. Robert vivra longtemps après la fin de la guerre aux côtés de sa mère Victoria, devenue veuve dans la petite maison familiale à Franvillers. Exempté du service militaire comme soutien de famille puis pour « faiblesse irrémédiable », Robert devient cantonnier. Le 29 mai 1937, à l’âge de 36 ans, il épouse Léonie STEICHEN à Daours, commune proche de Corbie et de Franvillers.

Léonie est de nationalité luxembourgeoise. Elle est née à Rumelange, près de la frontière française. Orpheline de mère à l’âge de deux mois seulement, Léonie a été placée chez son oncle et sa tante, Alphonse et Julie MERVILLE. Ils n’avaient pas d’enfant. Léonie fut leur rayon de soleil. Alphonse MERVILLE est entrepreneur de maçonnerie à Daours.
Affecté dans un dépôt d’artillerie en avril 1940, Robert JUMEL est capturé par les Allemands le 21 juin 1940 et interné à Montargis dans le Loiret. Heureusement, l’histoire se termine mieux que pour son frère aîné Marcel. Robert JUMEL est libéré le 27 juillet 1940 et peut rentrer chez lui à Corbie où il réside alors avec Léonie, son épouse.
Robert JUMEL est mort à Corbie en 1966, à l’âge de 65 ans.

Le nom d’Arthur JUMEL et ceux des frères Aimé et Marcel JUMEL sont inscrits sur le monument aux morts de Franvillers.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
Remarque : selon les documents consultés le prénom de la mère d’Arthur JUMEL est Ameliza ou Meliza.
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