ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Octave CARPENTIER du Crotoy

Né le 16 février 1891, Octave CARPENTIER est le fils de Jean CARPENTIER et de Marie MANSART.

Jean est originaire de Quend et Marie est née au Crotoy. Les deux villages du Nord de la Baie de Somme sont distants de moins de dix kilomètres l’un de l’autre.

Jean et Marie se marient au Crotoy en 1887 et ils s’installent dans une petite maison de l’Impasse de la Galette pour y construire leur vie et leur famille. L’Impasse de la Galette est une petite voie qui compte une douzaine de maisons. Elle débouche sur la Rue des Bains, à quelques dizaines de mètres de l’embouchure de la Baie de Somme.

Au Crotoy, l’activité économique est essentiellement liée à la mer et à la présence de touristes en villégiature, déjà nombreux en cette fin du XIXe siècle dans la petite cité portuaire.

Adrienne naît en 1887, Octave en 1891 et Georges en 1894. Un quatrième enfant prénommé Marcel viendra compléter la fratrie des CARPENTIER en 1906.

Les enfants de l’âge d’Adrienne, d’Octave et de Georges CARPENTIER sont nombreux dans l’impasse, issus essentiellement de deux familles, les COULON et les RECHARD.  Louis et Adolphine COULON ont sept enfants, dont trois garçons et quatre filles. Louis est marin pêcheur. Charles RECHARD est « syndic des gens de la mer ». Grand voyageur et rouennais d’origine, il est venu s’installer au Crotoy avec toute sa famille. Lui aussi a six enfants, dont deux garçons et quatre filles, nés l’une à Cayenne et les plus jeunes, à Nouméa. Jean et Marie CARPENTIER n’ont pas de métier bien précis. Ils sont manouvriers ou journaliers, trouvant facilement des emplois payés à la tâche aussi bien sur le port que dans les commerces ou chez les artisans. Chez les MANSART, la famille de Marie, on trouve des menuisiers. La construction et l’entretien des bateaux de pêche est une activité importante aussi au Crotoy.

C’est chez Octave MANSART que le jeune Octave CARPENTIER trouve son premier emploi. Lui aussi veut devenir menuisier. Son frère Georges suivra le même chemin quelques temps plus tard.

A vingt ans, Octave CARPENTIER est convoqué pour être examiné par le Conseil de Révision de Rue, commune du chef-lieu de canton. Il est jugé apte au service armé et doit rejoindre le 120e régiment d’infanterie à Péronne. Il quitte sa commune le 9 octobre 1912. En gare du Crotoy, ils sont huit à attendre le départ du train. Affectés dans les régiments de la Somme, au 128e d’Abbeville comme Robert FONTAINE, au 72e RI d’Amiens comme Etienne DROUILLON, ou un peu plus loin comme Marcel SERRY qui rejoint le 51e RI de Beauvais, Lucien DEZERABLE le 3e Régiment de Hussards de Senlis ou Joseph ASSELIN et Ismaël BLED qui partent à Laon, au 29e Régiment d’Artillerie. Seul Honoré BULOT, qui exerce le métier de mécanicien-bateaux, est affecté comme Octave au 120e RI de Péronne.

Après avoir rejoint la gare de Noyelles-sur-Mer, tout ce petit monde embarque dans le train qui part en direction de Paris, via Abbeville et Amiens. L’aventure du service militaire commence. Une aventure assez joyeuse même si elle s’accompagne d’une certaine appréhension. Ces jeunes Crotellois ont rarement dépassé les limites de l’Ouest du département de la Somme. A l’Est d’Abbeville, c’est presque l’inconnu pour eux.

Octave CARPENTIER, accompagné d’Honoré BULOT, découvre la caserne Foy de Péronne où est caserné son régiment. Le 120e RI est parfaitement intégré dans la population. La caserne est située dans le centre de la commune, et les habitants sont habitués à voir les jeunes appelés dans les rues de Péronne, pour y effectuer des manœuvres ou participer aux cérémonies. La présence de cette caserne, pour les appelés mais également pour les réservistes qui y effectuent régulièrement des périodes d’instruction de trois semaines, est un bienfait pour le commerce local.

Une année après l’arrivée d’Octave CARPENTIER, le 120e RI quitte Péronne pour s’installer dans l’Est de la France, à Stenay dans la Meuse. La réorganisation de l’Armée française est justifiée par le risque grandissant d’une guerre prochaine avec l’Allemagne. Certains régiments comme le 120e RI sont choisis pour renforcer la défense des frontières avec l’ennemi potentiel.

Quand la guerre est déclarée le 3 août 1914 et que les troupes allemandes entrent en Belgique et au Grand-Duché du Luxembourg, Octave et ses copains du service militaire savent qu’ils seront parmi les premiers à être envoyés au combat pour empêcher l’ennemi d’entrer en France. Ils ne pourront pas embrasser leurs parents. Le Crotoy est bien loin.

Le 22 août 1914, à Bellefontaine dans le Sud du Luxembourg belge, le 120e RI est décimé. Sur les 3 000 hommes que compte le régiment, plus de 1 000 sont hors combat après une bataille de quelques heures seulement. Octave est indemne mais il a vu tomber à ses côtés plusieurs copains comme Louis DUQUENNE de Saint-Valéry-sur-Somme, Raoul COLASSE et Joseph FROMENT de Noyelles-sur-Mer ou Louis CARPENTIER de Bernay-en-Ponthieu. Le traumatisme est important. Tous ceux qui ont perdu la vie avaient moins de 25 ans.

Après une retraite d’une dizaine de jours à travers les départements de la Meuse et des Ardennes, le 120e combat pendant la Bataille de la Marne près de Sermaize-les-Bains où les victimes se comptent encore par centaines. Quand les rescapés du 120e atteignent l’Argonne, mi-septembre 1914, les effectifs ont déjà été renouvelés à plus de 50%. Commence alors la terrible guerre d’attente et de position. Pour Octave, la guerre de tranchées a lieu dans le Bois de la Gruerie.

Le 22 novembre 1914, Octave CARPENTIER est considéré comme disparu par l’état-major du régiment. Il faudra attendre plusieurs mois avant d’avoir l’information transmise grâce à la Croix-Rouge. Octave n’est pas mort. Il est prisonnier en Allemagne, au camp de Gardelegen. Si les conditions de détention et les maladies font des victimes dans les camps des prisonniers, il en est fini des combats de tranchées. Quelques semaines après l’Armistice, Octave CARPENTIER est rapatrié.

Après quatre semaines de repos dans sa famille au Crotoy, il rejoint le 128e RI d’Abbeville avant d’être définitivement démobilisé le 20 juillet 1919.

La vie pour Octave, peut enfin reprendre son cours normal.

Si Octave a survécu à la guerre, comme d’ailleurs les sept autres copains qui attendaient le train le 9 octobre 1912 en gare du Crotoy, la mort a frappé autour d’eux. Près d’eux.

Dans l’Impasse de la Galette, il y avait 6 garçons en âge d’être mobilisés. Les frères CARPENTIER, Georges et Maurice RECHARD et Emile et Pierre COULON.

Georges RECHARD, mobilisé le 2 août 1914 au 72e RI, est mort le 23 septembre 1914 dans le Bois de la Gruerie.

Charles RECHARD, son frère cadet, tout d’abord réformé pour une insuffisance d’acuité visuelle est ensuite été jugé apte pour le service auxiliaire. En 1917, il est affecté au 1er régiment de Génie malgré son handicap. Il survit mais reste profondément marqué psychologiquement.

L’aîné des frères COULON, Emile, est mobilisé le 2 août 1914. Comme il avait effectué son service militaire à Cherbourg, au 1er Dépôt des Equipages de la Flotte, c’est à Cherbourg qu’il se rend début août. Fin octobre 1914, après les 200 000 morts français de l’été 1914, les besoins en effectifs se situent plutôt sur le front de l’Est de la France que sur la mer. Emile COULON est mis à disposition de l’Armée de Terre et affecté au 151e Régiment d’Infanterie. Il est tué le 18 mars 1915 aux Eparges, près de Verdun.

Pierre COULON, le cadet, ne part pas faire la guerre. De santé fragile, il est réformé pour « cachexie » et n’a jamais été mobilisé. Pierre COULON est mort le 8 octobre 1924.

Les familles RECHARD et COULON de l’Impasse de la Galette sont fortement éprouvées par la guerre. La famille CARPENTIER également.

Georges CARPENTIER, le frère cadet d’Octave, est incorporé le 26 novembre 1914 au 128e Régiment d’Infanterie. Trop jeune pour avoir effectué son service militaire, il suit, comme tous les jeunes hommes dans la même situation que lui, une instruction de plusieurs semaines qui le rend apte au combat armé. Il est affecté au 91e RI le 28 juillet 1915 et part au front. Neuf jours plus tard, la vie prend fin pour lui. Georges CARPENTIER meurt le 6 août 1915 au Bois Bolante.

L’Impasse de la Galette où résonnaient les cris et les chants des enfants à la fin du XIXe siècle, est emplie de silence et de larmes après la Grande Guerre.

Octave CARPENTIER poursuit son activité de menuisier. Il épouse Germaine DELICOURT. Ils quittent la région et reviennent, bien plus tard, y finir leur vie.

Octave et Germaine reposent au cimetière communal du Crotoy.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme.  Danièle REMY a réalisé la collecte de données pour la commune du Crotoy.

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Edouard BRUSQUE de SAINT-VALERY-SUR-SOMME

Félix DUCLAIRE de PONTHOILE

Henri LEMAIRE de SAINT-QUENTIN-EN-TOURMONT

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