Né le 18 mai 1892, Roger FROISSART est un vrai Voyennois.
Situé entre Ham et Nesle, à l’Est du département de la Somme, Voyennes est avant tout un village agricole. En dehors de commerces de biens nécessaires, l’autre activité est essentiellement liée aux transports. La commune se trouve au bord du canal de la Somme. Et surtout, la commune est un nœud ferroviaire important pour la Société générale des chemins de fer économiques.
Roger habite rue de Haut avec ses parents, Dominique et Marie. Roger FROISSART, travaille très tôt et, comme son père, il est employé dans les fermes de la commune en tant que journalier.
FROISSART est un patronyme très courant dans la commune. Il y a 244 ménages identifiés avant 1914 à Voyennes et dans 31 d’entre eux, au moins un des membres de la famille porte ce nom. Enfant, on ne se préoccupe pas toujours des liens de parenté, plus ou moins éloignés, avec d’autres habitants de la commune. Les parents disent « Ils sont de la famille » et on n’en sait généralement pas beaucoup plus. Cousins. Cousins éloignés. Ou pas cousins du tout ! Qu’importe. Dans un village de la taille de Voyennes, avec ses 800 habitants, tous les garçons du même âge sont surtout des copains. Copains de jeux, copains d’école, copains d’église et quelques années plus tard, copains de service militaire. Quand ils ont la chance d’être affectés dans le même régiment…
Parmi ces cousins, avérés ou non, ils sont cinq de Voyennes à être, comme Roger, sous les drapeaux pour effectuer leur service militaire, quand la guerre est éclate le 2 août 1914.
Trois dont le père est un FROISSART et deux dont les mères portent FROISSART comme nom de naissance.
Jules FROISSART est au 5e Régiment de Dragons, Raymond FROISSART au 51e Régiment d’Infanterie, André DENIZARD au 87e RI, Georges FLAMANT au 3e Régiment de Génie. Seuls Roger FROISSART et Cléophas FROISSART sont incorporés dans le même régiment. Le 120e Régiment d’Infanterie de Péronne.
Le 9 octobre 1913, Roger et Cléophas prennent le train pour rejoindre leur caserne. Alors qu’il ne faut qu’une petite heure pour rejoindre la caserne Foy à Péronne, leur incorporation leur impose plusieurs heures de transport. Les hommes du 120e régiment d’infanterie ont quitté Péronne pour rejoindre Stenay dans la Meuse. La guerre se prépare déjà pour l’Etat-Major de l’Armée française. De nombreux régiments doivent se rapprocher des frontières belges et alsaciennes.
Quelques jours plus tard, fin novembre 1913, les deux copains voient arriver, à Stenay, des centaines de jeunes hommes de la Somme. La loi sur la conscription a été modifiée et l’incorporation ne se fait plus aux 20 ans « révolus », mais dès que l’âge de 20 ans est atteint. De nouveaux bâtiments ont été construits à la caserne Chanzy, où le 120e a pris ses quartiers, pour les accueillir.
Dès le 31 juillet 1914, le régiment est sur le pied de guerre. Il n’est pas besoin d’attendre la déclaration officielle pour savoir que la guerre va être déclarée. Depuis le 28 juillet, l’Autriche a déclenché les hostilités. L’Allemagne entre en guerre quelques jours plus tard. Les officiers expliquent la situation aux jeunes du 120e RI. Roger FROISSART sait alors qu’il ne pourra pas revenir embrasser son père et sa mère avant le début des combats.
Les Allemands débutent l’invasion du territoire belge dès le 4 août. Le 20 août, le 120e RI se met en marche vers la frontière qu’il passe le 21 au soir. Après une courte nuit passée à Meix-devant-Virton, les hommes débutent, dès 5 heures du matin, une ascension vers le plateau de Bellefontaine. Le brouillard est très épais et l’orage de la veille au soir a laissé une désagréable moiteur dans l’atmosphère. Les trois kilomètres de marche sont particulièrement pénibles. Chaque homme porte sur le dos, en plus de ses habits et ses armes, un sac de 30kg. A l’arrivée sur le plateau, l’ordre est donné aux commandants des trois bataillons de poursuivre leur marche en traversant, pour deux d’entre eux, la plaine du Radan. Ils obéissent aux ordres et se mettent en marche, sabre au clair, à l’avant de leurs hommes. Personne n’imagine les Allemands aussi proches, et les premiers tirs de mitrailleuses, cachées en lisière des bois, stoppent les fantassins au pantalon rouge dans leur progression. Les morts se comptent rapidement par dizaines puis, la journée avançant, par centaines. Côté allemand, les pertes sont également nombreuses.
A la fin de la journée, près de mille hommes du 120e RI sont hors de combat. Roger FROISSART n’ira jamais plus loin. Il a été tué. Il avait 22 ans.
Cléophas FROISSART survivra à Bellefontaine et à la Bataille de la Marne. C’est dans le Bois de la Gruerie en forêt d’Argonne, dans la Marne, qu’il disparaîtra, « entre le 7 et le 26 novembre 1914 » ( !) comme l’armée l’officialisera plus tard.
André DENIZART est tué le 1er septembre 1914. Raymond FROISSART meurt le 22 juillet 1915. Sur les 6 jeunes « cousins » de Voyennes, 4 ont déjà disparu alors que la guerre n’a pas débuté depuis une année.
Georges FLAMANT, ayant été fait prisonnier dès le 7 septembre 1914, passe toute la guerre en Allemagne, à Friedrichsfeld. Cette captivité lui sauvera peut-être la vie ?
Jules FROISSART, blessé, est évacué au printemps 1918. Comme Georges FLAMANT, il est démobilisé en 1919. Georges FLAMANT et Jules FROISSART sont les deux seuls rescapés parmi les copains/cousins de Voyennes qui avaient à peine 22 ans à la déclaration de guerre.
Roger FROISSART comme André DENIZART, Raymond FROISSART et Cléophas FROISSART ne reviendront jamais à Voyennes. Etaient-ils cousins ou non ? Peu importe. La souffrance des familles et des survivants est partout. Au total, vingt jeunes hommes de Voyennes ne rentreront pas et beaucoup d’autres reviendront estropiés ou malades. Dans un village de 800 habitants, c’est bien tout le village qui est en deuil.
Entre 1914 et 1918, la commune, déjà fortement éprouvée par l’occupation allemande et les importants dommages de guerre, a perdu définitivement une partie de sa jeunesse.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
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