ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Jean DOUTREMEPUICH d’Amiens

Né le 6 août 1891, Jean DOUTREMEPUICH est le fils d’Augustin DOUTREMEPUICH et de Caroline BOURACHE.

Augustin est originaire d’Arras dans le Pas-de-Calais. Jeune adulte, il est venu s’installer à Amiens. Il occupe un emploi de « receveur-rédacteur à la Direction de l’Enregistrement » et réside Rue du Logis du Roy.

Caroline est la fille d’un négociant en épiceries, Henri BOURACHE. En épousant la fille, Augustin DOUTREMEPUICH épouse également la profession du beau-père. Il devient négociant.

Augustin et Caroline se marient en avril 1881 et s’installent Rue Au Lin, en centre-ville d’Amiens, une rue commerçante située près du Marché Lanselles, à quelques dizaines de mètres de l’Hôtel de ville et de la Cathédrale Notre-Dame. Ils habitent près du Beffroi.

En 1882, naît Henri, leur premier enfant. Il y en aura beaucoup d’autres. Comme dans toutes les familles, qu’elles soient bourgeoises ou ouvrières, la mortalité frappe à plusieurs reprises. Marie, née en 1888, est la seule fille qui survit. La fratrie est essentiellement masculine. Après Henri, naissent Joseph en 1883, Augustin en 1887, Jean en 1891, puis Pierre en 1894, Jacques en 1896 et Emile en 1899. Sept garçons et une fille ! Huit enfants qui ont la vie devant eux…

La famille est très pieuse. Les enfants suivent un enseignement catholique et poursuivent, pour plusieurs d’entre eux, leurs études supérieures au Petit Séminaire de Saint-Riquier.

Les enfants sont tous de brillants élèves. Les plus âgés suivent la voie tracée par leur père et leur grand-père maternel. Ils travaillent dans le commerce. Deux des plus jeunes, Pierre et Emile, s’orientent vers la vie ecclésiastique. Ils rentreront au Grand Séminaire.

Après avoir effectué leur service militaire, les frères aînés de Jean ont quitté le domicile familial.

Henri est parti travailler à Lille, à Saint-Quentin dans l’Aisne puis à Paris. Il s’est marié à Abbeville en 1911 avec Marie DAMMONNEVILLE.

Joseph a choisi Caen puis Paris comme destinations, avant de revenir à Amiens, Rue Caumartin, pour y être employé de commerce.

Augustin, le 3e fils, est caissier-comptable à Amiens. C’est l’amour qui l’emmène loin du foyer familial. Il se marie en 1913 à Arras avec Fernande TAVAUX.

Le 8 octobre 1912, Jean DOUTREMEPUICH entre à la caserne Courbet d’Abbeville pour effectuer ses deux années de service militaire obligatoire au 128e Régiment d’Infanterie. Si Henri a suivi l’école des officiers pendant son service, il n’en est pas de même pour ses cadets. Jean non plus ne suit pas cette voie. Il est simplement promu caporal une année après son incorporation. En octobre 1913, Jean est transféré à la Citadelle d’Amiens où une partie du 128e RI est maintenant installée.

Le 2 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. L’ordre de mobilisation concerne les 3 fils aînés d’Augustin et de Caroline DOUTREMEPUICH. Henri rejoint le 27e Régiment d’Artillerie à Laon et Joseph le 48e Bataillon de Chasseurs. Augustin est affecté au 1er Groupe d’Aérostat.

Jean DOUTREMEPUICH n’est pas concerné par la Mobilisation générale. Il est déjà sous les drapeaux. Sa présence dans les locaux militaires à Amiens lui permet toutefois de saluer ses parents, sa sœur Marie et ses frères cadets avant de quitter la capitale picarde vers les frontières Est de la France. Pendant les journées des 3 et 4 août, de nombreux civils sont autorisés à entrer dans les enceintes militaires d’Amiens pour y embrasser leurs enfants. Personne ne sait vraiment ce qu’est une guerre. Seuls les grands-parents se souviennent encore des combats et des 9 mois d’occupation prussienne des années 1870-1871 dans la Somme. Pour les plus jeunes, partir à la guerre c’est partir dans l’inconnu. Les journalistes se veulent rassurants mais les parents et les épouses restent inquiets.

Le 5 août 1914, les hommes du 128e RI quittent Abbeville et Amiens pour se rendre dans le Nord du département de la Meuse. Après 9 heures de trajet, le train s’arrête en gare de Dun-sur-Meuse. Les Allemands ont débuté l’invasion de la Belgique. Ils seront en France d’ici quelques jours.

Jean DOUTREMEPUICH participe aux premiers combats meurtriers que livre le 128e RI. Virton en Belgique, Fontenois dans les Ardennes, Maurupt-le-Montois dans le Sud de la Marne. Le 15 septembre 1914, quand prend fin la Bataille de la Marne, plus de la moitié des effectifs de départ du 128e sont hors service. Les tués se comptent par centaines. Parmi eux, nombreux sont ceux qui étaient des copains de caserne de Jean.

Débute alors la guerre des tranchées en Argonne, dans le Bois de la Gruerie. Le 14 octobre 1914, Jean est évacué pour fièvre typhoïde. Il est transféré vers l’hôpital à Rive de Gier dans le département de la Loire. Après plusieurs mois de soins et de convalescence, Jean retourne au front. L’état-major l’a affecté au 411e Régiment d’Infanterie.

Le 1er septembre 1915, Jean DOUTREMEPUICH est à nouveau évacué. Les conditions de vie dans les tranchées tuent et font souffrir presque autant que les armes de l’ennemi. Jean est victime de gastro-entérite. Il est transporté vers l’hôpital de Nueil en Maine-et-Loire. Deux mois plus tard, c’est à nouveau le retour près des champs de bataille et c’est à nouveau un changement d’affectation. Il rejoint fin novembre 1915 le 48e Bataillon de Chasseurs à Pied.

Si Jean survit à la Grande Guerre, cette épreuve est un long chemin de croix pour lui : gazé en novembre 1917 au Chemin des Dames ; blessé par éclats d’obus à la jambe à Monchy dans l’Oise en juin 1918 ; fracture du bras par balle le 15 octobre 1918 à Liesse dans l’Aisne… Jean vit la dernière année de guerre entre les champs de bataille et les hôpitaux de Parthenay, Royaumont et Rennes.

Démobilisé le 1er août 1919, Jean peut revenir chez lui. Abîmé physiquement, malade, mais vivant.

La guerre a profondément atteint la famille DOUTREMEPUICH. Si les 7 garçons ont été mobilisés, seul le dernier, Emile, appelé seulement en avril 1918 par l’Armée, s’en est sorti indemne.

Joseph est mort dans l’Aisne le 12 janvier 1918 des suites de blessures de guerre à l’âge de 34 ans. Augustin a été tué le 25 avril 1918 au Mont Kemmel. Il avait 31 ans.

Henri, l’aîné de la fratrie, a été évacué à plusieurs reprises pour de graves blessures. Son organisme n’a pu résister longtemps aux épreuves endurées. Il s’est éteint à Amiens le 2 février 1923 laissant quatre orphelins.

Pierre, mobilisé le 1er septembre 1914, a été évacué à plusieurs reprises pour maladie et blessures. Une trace indélébile d’une de ces blessures l’a fait boiter toute sa vie. Pierre s’est éteint en décembre 1950 à Bacouel-sur-Selle.

Jacques, mobilisé le 9 avril 1915, a lui aussi été blessé pendant la guerre. Comme son frère Pierre, il a été volontaire pour rejoindre l’Armée d’Orient dans les derniers mois de la guerre. Jacques est devenu quincailler à Arras après la guerre. La blessure au bras subie à Bouchavesnes dans la Somme le 26 septembre 1916 l’a toujours handicapé. Jacques était le dernier survivant de la fratrie. Il est mort le 12 août 1982 à Arras. Il avait 86 ans.

Emile, le plus jeune des frères DOUTREMEPUICH, est devenu prêtre. C’est au Sénégal que celui qui était appelé affectueusement le « Père Doutre » a passé la plus grande partie de sa vie, au service des plus faibles. Atteint par la maladie, Emile est mort le 1er juillet 1957

Quelques jours après sa démobilisation, en août 1919, Jean DOUTREMEPUICH a épousé Odette BOILLE. Jean et Odette se sont installés à Beauval près de Doullens au Nord de la Somme. Ils y ont exploité une ferme, Route Nationale, pendant de nombreuses années. Les parents d’Odette vivaient avec le jeune couple. Rien ne prédestinait Jean, le fils et petit-fils de négociants amiénois, à devenir cultivateur. Mais l’amour a changé son destin. Jean n’a pas eu d’enfant. Peut-être la guerre y était-elle pour quelque chose ? Jean DOUTREMEPUICH est décédé en 1977 à l’âge de 85 ans.

Alors que la famille amiénoise comptait sept garçons, dans la force de l’âge, avant la Grande Guerre, le nom des DOUTREMEPUICH a complètement disparu à Amiens.

Amiens, la place René Goblet et la Rue de Noyon dans les années 1990

En 1997, un commerce d’habits situé au N° 11 de la Rue de Noyon à Amiens a définitivement fermé ses portes. Cette fermeture marqua la fin de l’histoire amiénoise des DOUTREMEPUICH, une famille de commerçants du début du XXe siècle. Cette boutique appartenait à Marguerite DOUTREMEPUICH, une des filles d’Henri, l’aîné de la fratrie des 7 garçons. L’aîné d’une fratrie ô combien meurtrie par la Grande Guerre.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

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Un commentaire sur « ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Jean DOUTREMEPUICH d’Amiens »

  1. Bonjour Je suis une descendante Sauty de la somme. Je découvre grâce à vous beaucoup de choses que ma généalogie a du vivre et dans quelles conditions. Je vais venir dans une bonne semaine visiter les villages. Pont Rémy, ailly le haut clocher et fontaine sur somme. Merci beaucoup pour tout ce que vous faites. Excellent dimanche Laurence Moutier

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