ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914– Marceau FLORIMOND de Ham

Né le 4 mai 1893, Marceau FLORIMOND est le fils d’Auguste et d’Armeline.

Si Armeline est née dans la commune voisine de Sommette, Auguste FLORIMOND vient de beaucoup plus loin. Il est originaire d’Avranches, dans le département de la Manche. Auguste n’a pas de spécialisation particulière. En tant que manouvrier, il trouve facilement du travail dans le secteur.

Auguste et Armeline s’installent dans le Faubourg de Chauny, quartier en pleine expansion situé au Sud-Est des anciennes fortifications médiévales de la cité de Ham. La construction du canal de la Somme, à la fin du XVIIIe siècle, puis d’un deuxième canal longeant les fortifications ont dessiné une zone appelée demi-lune. La vie économique est riche dans le quartier où habitent Auguste et Armeline. Carrières, briqueteries, dépôt de charbon, plusieurs fabriques de sucre, deux distilleries, des magasins à laine et l’abattoir de la ville de Ham, offrent de l’emploi des deux côtés de la frontière départementale. La commune de Ham est située à quelques kilomètres du département de l’Aisne.

A peine âgée de dix-neuf ans, la jeune Armeline donne naissance à un petit garçon prénommé Georges, suivi deux ans plus tard par Alphonsine, puis Kléber en 1891, Marceau en 1893, Charlotte en 1895. Le couple n’est toujours pas marié malgré la présence de cinq enfants dans le foyer familial de la Rue de l’Abattoir. C’est seulement à l’arrivée des jumeaux, Paul et Virginie en 1898, que le couple officialise enfin son union devant monsieur le Maire de Ham, le docteur Constant Marie Dodeuil.

Quatre garçons, Gilbert, Robert, Roland et René viendront encore compléter cette grande fratrie.

Quand Marceau FLORIMOND a terminé sa scolarité, il sait lire et écrire. Il trouve sans difficulté du travail dans le quartier. Suivant la route de son père, il ne choisit pas de se faire embaucher dans une entreprise précise. Il est manouvrier ou journalier, allant de fabrique en fabrique, d’employeur en employeur. L’avantage dans ce territoire de l’Est du département de la Somme, c’est qu’au début du XXe siècle, l’emploi ne manque pas !

Quand Marceau fête ses vingt ans, son frère Kléber est sous les drapeaux. Il effectue depuis près de deux années son service militaire au 51e Régiment d’Infanterie de Beauvais.

A l’été 1913, malgré une forte opposition parlementaire, la loi modifiant la durée du service militaire est adoptée. Alors que depuis 1905, le service militaire durait deux ans, les jeunes hommes devront maintenant servir leur pays pendant trois années. Cette mesure entraîne des réorganisations importantes dans l’Armée française. Kléber FLORIMOND est concerné. En septembre 1913, il est muté au 2e Régiment de Zouaves et part pour l’Algérie, puis « sur les confins algéro-marocains ». Bien loin du Faubourg de Chauny et de la Rue de l’Abattoir !

Convoqué par le Conseil de Révision en octobre 1913, la maladie empêche Marceau FLORIMOND de répondre à l’appel de la classe. Marceau se présente spontanément au bureau de recrutement de Péronne le 14 janvier 1914. Le lendemain, il arrive à Saint-Quentin. Il a été jugé apte et affecté au 87e Régiment d’Infanterie. Les Hamois sont nombreux dans la caserne. Marceau retrouve entre autres  Lucien BENOITE, Marcel BERNARD, Henri FRAIN qui ont partagé avec lui les mêmes bancs d’école pendant toute leur enfance.

Quand la guerre est déclarée, le 3 août 1914, les jeunes du 87e RI sont conscients qu’ils vont être en première ligne si l’ennemi tente de franchir les frontières nationales. Le régiment est transféré immédiatement dans l’Est de la France, dans le département de la Meuse. Dans un même temps, les hommes du 2e Régiment de Zouaves se préparent à un bien plus long voyage. Eux aussi vont venir défendre les frontières de l’Est de la France.

Le 1er bataillon du 87e RI participe à un des premiers combats les plus meurtriers. Le 20 août, il vient en soutien de la cavalerie pour une mission de reconnaissance près de Neufchâteau, dans le Sud du Luxembourg belge. Les Français qui ne s’attendaient pas à rencontrer plusieurs régiments d’infanterie allemands à cet endroit subissent de terribles pertes. Les morts et les blessés sont nombreux. Marcel BERNARD, gravement blessé à la tête, est évacué et transporté en France pour y être soigné. Henri FRAIN est capturé et emmené en Allemagne. Pour l’un comme pour l’autre, la guerre des champs de bataille est terminée. Pour l’un et l’autre, c’est la lutte pour la survie qui commence, sur un lit d’hôpital ou dans des camps de prisonniers.

N’étant pas incorporé dans le 1er Bataillon du régiment, Marceau FLORIMOND échappe au massacre du 20 août. Son copain Lucien BENOITE a la chance aussi d’avoir évité ce premier affrontement. Mais d’autres épreuves se présentent rapidement pour les hommes du 87e RI. Relativement épargné par les combats du 22 août, puis pendant la Retraite de l’Armée française, c’est dans la Marne que d’importantes pertes vont être enregistrées dans ce régiment picard. Marceau FLORIMOND est blessé le 8 septembre sur le territoire du village de Favresse. La chance lui a souri. Le képi des fantassins au pantalon rouge n’assure aucune protection contre les tirs ennemis. Une balle a provoqué une plaie dans le cuir chevelu occipital gauche. A quelques millimètres près, la vie du jeune Marceau FLORIMOND aurait pu prendre fin. Evacué vers l’arrière, Marceau est soigné pendant plusieurs mois. Malgré le traumatisme, Marceau revient au front. Son régiment est maintenant positionné dans le bourbier des tranchées de Verdun.

Le 25 avril 1915, Marceau FLORIMOND est blessé à la jambe gauche par des éclats d’obus. A son retour de convalescence, en juillet, Marceau est affecté au 51e Régiment d’Infanterie. Comme pour Marcel BERNARD et Henri FRAIN, la guerre est terminée également pour Lucien BENOITE, le 3e copain du 87e RI. Gravement blessé le 31 mars 1915, Lucien a été dirigé vers l’hôpital temporaire de Poitiers. Les blessures occasionnées par l’éclatement d’un obus sont multiples. Ses jambes sont en lambeaux. Un bras est également touché. Le transport lui a ôté les dernières forces. Lucien BENOITE meurt de ses blessures trois jours plus tard.

Dans les tranchées, l’hiver 1916, on meurt presque autant du froid et de l’humidité que par les éclats d’obus de l’artillerie allemande. Marceau FLORIMOND est évacué du secteur de Calonne le 14 janvier 1916 pour « contracture fébrile contractée au cours des opérations militaires ». Après quelques jours de repos, l’enfer continue pour lui. Après avoir quitté Verdun, le 51e Régiment d’Infanterie entre en action dans la Somme. Le 16 septembre, Marceau est cité à l’ordre du régiment pour une « très belle conduite au feu, grenadier émérite, a donné à ses camarades un très bon exemple de courage et de sang-froid ».

A l’automne 1916, les hommes sont fatigués. Dans les deux camps, les troupes sont campées sur des positions qui n’évoluent pratiquement plus. La pluie ininterrompue emplit les tranchées devenues, par endroit, de véritables torrents. Alliés et Allemands quittent parfois leurs tranchées au même moment pour éviter la noyade, se retrouvant à découvert à quelques dizaines de mètres les uns des autres unis dans un même instinct de survie.

Marceau n’en peut plus. Embourbé dans cet enfer, à quelques kilomètres seulement du territoire de sa jeunesse, il part quelques jours. Le Conseil de Guerre réuni le 19 décembre 1916 à Proyart le condamne à un an de prison pour « abandon de poste sur un territoire en état de guerre ». Le courageux comportement du soldat Marceau FLORIMOND ces deux dernières années lui permet d’obtenir des circonstances atténuantes. Le jugement est suspendu pendant la durée des hostilités. Marceau retrouve sa place au sein du 51e RI. D’autres combats difficiles sont encore à mener et l’Armée a besoin d’hommes comme lui.

Le courageux Hamois ne purgera jamais sa peine de prison. Marceau FLORIMOND est tué le 24 juillet 1917 à Béthelainville, dans la Meuse. Il avait 23 ans.

Henri FRAIN a quitté les camps de prisonniers allemands pour être hospitalisé en Suisse avant d’être rapatrié au début de l’année 1919.

Marcel BERNARD a reçu la Légion d’honneur en 1959.  Paralysé du côté droit, la « brèche osseuse crânienne dans la région occipitale gauche » lui avait provoqué des séquelles irréversibles « nécessitant l’assistance constante d’une tierce personne ».

Kléber FLORIMOND, le frère aîné de Marceau, a également survécu à la guerre. Mais à quel prix ! Il a été blessé le 12 décembre 1914 à Saint-Eloi, dans le Pas-de-Calais. Une balle lui a atteint la tête. La trépanation a provoqué une hémiplégie du côté gauche. Evacué vers Lyon pour y être soigné, Kléber n’a plus jamais quitté cette ville, même après la guerre. Profondément handicapé, il est mort le 5 septembre 1930.

Georges, l’aîné de la fratrie FLORIMOND né en 1887, a été mobilisé le 1er août 1914. Il a combattu sur tous les champs de bataille du front de l’Ouest. Evacué vers l’hôpital auxiliaire N°2 de Marseille, c’est la maladie qui l’a emporté. Le 23 août 1917, Georges est mort sur son lit d’hôpital.

Le sort a cruellement frappé la famille d’Auguste et d’Armeline. Leurs trois premiers fils ont été victimes de la guerre. Les fils en âge d’être mobilisés n’ont pas survécu à la guerre ou à ses conséquences. Quand les Hamois ont pu rentrer chez eux, Auguste et Armeline ont retrouvé une maison dans leur quartier en ruines. Ils ont logé, avec les plus jeunes de leurs enfants, dans la Cité de la Demi-Lune, des garçons trop jeunes pour avoir été mobilisés .Trop jeunes pour partir mourir à la guerre.

Ils sont restés dans le quartier. Le travail ne manquait pas avec la reconstruction nécessaire de la commune et des manouvriers comme Auguste étaient toujours recherchés.

Les noms de Georges et de Marceau FLORIMOND sont inscrits sur le monument aux morts de Ham. Ceux de leur frère Kléber FLORIMOND et du copain Marcel BERNARD ne sont inscrits sur aucun monument.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme.  Didier BOURRY a réalisé la collecte de données pour la commune de Ham.

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