ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – René DAMAY de Péronne

Né le 24 mai 1893, René DAMAY est le fils d’un meunier de Péronne.

Le lien entre la fabrication de la farine et la famille DAMAY est bien présent depuis plusieurs générations. A la fin du XVIIIe siècle, Firmin DAMAY, boulanger à Méharicourt décide de changer de vie et de devenir meunier. Il part à Ham pour y exploiter un moulin. Son fils, Jean-Marie, poursuivant l’activité du père décide d’acheter en 1847 le plus grand moulin à farine de Ham, propriété de la commune.

Cet édifice est appelé « Moulins supérieurs de la ville de Ham ». Après avoir été meunier lui-même à Noyon, c’est Alphonse, à la mort de son père Jean-Marie, qui prend possession en 1870 du grand moulin à eau situé Rue Saint-Fursy à l’intérieur des fortifications médiévales, sur un bras de la Somme, à l’entrée Sud de Péronne, près de la Porte de Paris.

Alphonse DAMAY est le grand-père du petit garçon qui naît au printemps 1893 et qui se prénomme René.

René est le fils de Paul DAMAY, également meunier ou minotier comme Alphonse, et de Louise SCHYTTE. René est le deuxième enfant de la fratrie après Jean, l’aîné, né une année plus tôt. En 1894 naît Jacques, puis Pierre en 1896 et Marie en 1899. Avec quatre garçons dans la famille, Paul DAMAY sait que l’entreprise lui survivra d’une manière certaine et que le moulin gardera le nom que lui donnent déjà les Péronnais, « Le Moulin Damay ». Ce moulin, présent au même endroit depuis le XIIIe siècle au moins, fait partie intégrante de la vie de la cité péronnaise et de ses habitants.

L’entreprise familiale est prospère à la fin du XIXe siècle. Paul DAMAY souhaite que ses enfants aient la meilleure éducation possible. Ils connaissent le pensionnat avant de poursuivre des études supérieures à Amiens.

A 20 ans, René DAMAY est convoqué devant le Conseil de révision à Péronne. Déclaré bon pour le service armé, il est incorporé au 17e Régiment d’Artillerie de La Fère dans l’Aisne, qu’il rejoint le 27 novembre 1913. Son frère aîné, Jean, est parti quelques semaines plus tôt à Vincennes pour effectuer son service militaire au 12e R.A. Les deux frères deviennent tous les deux, assez rapidement, sous-officiers dans l’Artillerie.

Au printemps 1914, René revient dans la Somme. Le 17e R.A. caserne à Amiens, alors que dans un même temps son frère Jean part vers les Vosges avec le 12e R.A. L’Armée française se réorganise dans l’éventualité d’une guerre. Les journaux la disent inéluctable et les officiers préparent peu à peu les esprits des jeunes hommes dans les casernes.

Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Tous les régiments de la région militaire d’Amiens sont envoyés dans le Nord du département de la Meuse. Les batteries de tir d’artillerie sont chargées d’aider les fantassins dans leurs offensives.

Le 25 août 1914 près de Baccarat en Meurthe-et-Moselle, Jean DAMAY, le frère aîné, est blessé gravement. Un éclat d’obus lui transperce la cuisse droite. Jean est hospitalisé à Clermont-Ferrand pour y être soigné pendant sept mois avant une période de convalescence de trois mois. Jean ne retrouve pas l’usage de sa jambe, la raideur au genou empêchant tout mouvement de flexion. Il ne peut repartir au front. Jugé inapte à plusieurs reprises, c’est la Commission d’Amiens qui le réforme en septembre 1916 avec un taux de pension évalué à 60%, preuve d’un réel handicap. C’est à Saint-Valery-sur-Somme, dans la Rue de la Ferté où se sont réfugiés ses grands-parents maternels, que Jean vit la fin de la guerre.

Le 7 septembre 1914, Jacques, le troisième frère, intègre le 17e R.A. Mais il n’a pas l’occasion de partager le quotidien de son frère. Les régiments d’artillerie sont éclatés géographiquement au gré des combats menés par l’Infanterie. A l’automne 1914, les frères se croisent à plusieurs reprises en Argonne pendant les jours de repos attribués après chaque période de tranchées. Ces moments de détente ne permettent pas d’aller bien loin. Installés dans un calme relatif que leur offrent les villages de l’arrière du front, les hommes en profitent souvent pour dormir. Tout simplement.

Même si René se prépare à devenir officier, ça ne l’empêche pas de souffrir, comme tous les autres hommes, du froid et de l’humidité. L’hiver 1914-1915 est terrible dans les tranchées. Les périodes d’immobilité s’accompagnent de souffrance physique et nombreux sont ceux qui en viennent à souhaiter un assaut pour pouvoir se dégourdir les jambes. A la fin du mois de janvier 1915, l’aspirant-officier René DAMAY est évacué pour « pieds gelés ». Après une période de convalescence, il est détaché comme élève-officier de réserve à l’Ecole militaire de Fontainebleau. Il est promu sous-lieutenant et repart au front avec le 17e Régiment d’Artillerie de Campagne. La guerre se poursuit alors en Champagne et dans la Meuse.

En octobre 1917, quelques jours avant d’être promu lieutenant, René DAMAY, intoxiqué par les gaz, est évacué. Remis sur pied, il continue la guerre dans l’Artillerie, participant activement à l’offensive française dans la Somme au printemps 1918, puis aux derniers combats en Champagne-Ardenne à l’automne 1918.

Jacques, le troisième frère DAMAY, évite toute blessure jusqu’au début de l’année 1918. En janvier, près de Douaumont, il est victime d’ypérite. Evacué sur l’hôpital de Saint-Etienne, il est alors jugé définitivement inapte au service armé en raison d’une bronchite du sommet droit du poumon qui ne se guérit pas. Démobilisé en avril 1919, il rejoint ses grands-parents à Saint-Valery-sur-Somme où René, son frère, les rejoint quelques semaines plus tard.

Pierre, le cadet des frères, a été mobilisé en février 1915. Gravement blessé à l’abdomen et à la main par éclats d’obus en mars 1916, il a poursuivi la guerre après son retour d’hospitalisation. Il s’est comporté brillamment, étant cité plusieurs fois à l’ordre de son régiment pour son courage. Il a terminé la guerre avec le grade de lieutenant, comme son frère René.

A Péronne, la guerre a frappé durement les habitants et leurs habitations. La ville a été occupée par les Allemands de septembre 1914 à mars 1917. Les exactions vis-à-vis des civils ont été nombreuses. Puis la cité a été presque entièrement détruite, comme elle l’avait déjà été pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871. Le moulin de la famille DAMAY a été totalement incendié le 20 juillet 1916.

Même si le moulin a été endommagé et que les terres exploitées avant la guerre par les DAMAY ne sont plus cultivables, Paul DAMAY relance rapidement l’activité de minoterie avec l’aide de ses fils, Jean et Jacques. A partir de 1920, les deux frères font reconstruire les Grands Moulins d’une façon originale, avec des bâtiments en terrasse, des passerelles et des balcons. Appuyés sur les anciennes fondations, les moulins sont reconstruits en béton.

Pierre, le plus jeune des frères, ne rejoint pas l’entreprise familiale mais il reste à Péronne pour y devenir banquier et quelques années plus tard, directeur régional du Crédit agricole mutuel du Santerre.

Paul DAMAY, le père des quatre fils, avait conscience de la chance qui était la sienne d’avoir récupéré vivants ses quatre fils à la fin de la Grande Guerre. Ce n’était hélas pas le cas dans de nombreuses familles autour de lui.

Après avoir épousé Madeleine SAGUIER, le lieutenant de réserve René DAMAY quitte Péronne  pour reprendre l’exploitation d’un moulin à Picquigny, à l’Ouest d’Amiens. C’est dans ce village que naissent leurs trois filles, Françoise, Jacqueline et Alix. Au début des années 1930, René travaille aux Contributions Directes à Amiens avant de repartir avec sa famille vers l’Est du département. Il s’installe propriétaire-exploitant à Vraignes-en-Vermandois, devenant un des fournisseurs privilégiés en céréales de la minoterie familiale, encore dirigée par son père, puis par ses frères Jean et Jacques. Peu à peu, Paul, chef d’une entreprise florissante, passe la main à ses fils pour remplir une nouvelle mission, celle de Président de la Chambre de commerce de Péronne.

Photo et commentaires extraits de « Péronne et ses environs » de Joëlle et Didier Arisio

René DAMAY, le propriétaire-exploitant de Vraignes, capitaine dans l’Armée de réserve, a été promu Chevalier de la Légion d’honneur en 1934. Quelques mois plus tard, il remettait lui-même cette même décoration à son jeune frère Pierre.

René DAMAY est décédé en avril 1948 à l’âge de 54 ans.

Ses frères lui ont survécu plus de vingt ans. Pierre DAMAY est mort en 1970 à Amiens où il a fini sa vie et Jacques DAMAY en 1971 à Péronne.

Les cousins DAMAY, Jean-Robert le fils de Jean et Guy le fils de Jacques ont repris le flambeau jusqu’à la vente du moulin en 1969.

Jean, l’aîné de la fratrie DAMAY est mort le dernier. Décédé en mai 1985 à Péronne, il était à quelques jours de fêter ses 93 printemps.  Quand Jean DAMAY a fermé les yeux définitivement, la minoterie familiale avait arrêté son activité depuis longtemps. La production de la farine qui alimentait une bonne partie des boulangeries du Nord de la France a définitivement cessé, avec la vente du moulin, en avril 1969.

Le personnel devant le moulin DAMAY (« Péronne et ses environs » de Joëlle et Didier Arisio)

Le « Moulin Damay », grand bâtiment en entrée de ville, près de l’ancienne Porte de Paris, est un témoignage du riche passé familial et industriel des lieux. Les bâtiments sont aujourd’hui désaffectés depuis plus de cinquante ans.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

Le moulin DAMAY en 2021

Tous nos remerciements à Gérard et Catherine FRANÇOIS

« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme.  André MELET a réalisé la collecte de données pour la commune de Péronne.

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14 commentaires sur « ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – René DAMAY de Péronne »

  1. Merci beaucoup pour ce bel article. Permettez-moi d’apporter petites précisions : après Jean er Jacques, ce sont leurs fils respectifs Jean-Robert (mon père) et Guy son cousin germain qui ont repris le flambeau jusqu’à la vente du moulin en 1969…😔
    Que de souvenirs remontent en moi et j’espère que le moulin ne sera pas détruit !!! Il fait vraiment partie de Peronne, ma ville natale 😉

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    1. Bonjour et merci pour votre commentaire. L’article a été modifié. Merci encore. L’histoire du moulin est très étroitement liée à celle de la ville de Péronne et de ses habitants. Souhaitons qu’il ne disparaisse pas complètement.

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  2. Votre article m’intéresse d’autant plus que je suis l’aînée des petites filles de Jean Damay époux de Marie Magdeleine SANSON, et que je me demandais sur quel champ de bataille, mon grand père avait été blessé…Jacques avait épousé Suzanne SANSON, la soeur de M. Magdeleine. ( René avait épousé Madeleine SAGUIER et non SAGNIER). Pour l’anecdote le moulin avait été acheté à la famille FERNET de BIACHES (dont je suis aussi issue) propriétaire depuis le 1er pluviose an 6 (janvier 1798). Mon père, lui-même généalogiste a longtemps habité Péronne où nous avons vécu… Votre recherche nous est très précieuse, et nous avons des souvenirs du moulins, de certaines personnes qui y travaillaient, de l’odeur de la farine du bruit des machines etc…
    MERCI. brf

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  3. Bonjour. Après lecture de ce passionnant document j’aimerais savoir de quelle année date l’avant dernière photo [le moulin et sur sa droite le début de la rue St Fursy]. Merci pour votre réponse. Mon adresse mail vienotfrancoise1@gmail.com. Cordialement

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    1. Bonjour et merci pour votre message. Nous ne disposons pas de l’année exacte de la photo figurant sur cette carte postale, mais après recoupements d’informations auprès de nos correspondants locaux, nous pouvons penser que la vue aérienne a été prise entre 1955 et 1965. Bien cordialement.

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