Né le 15 mai 1891, Clément POTHRON a vu le jour à Fricourt. Ce village, situé à quelques kilomètres d’Albert, dans la Somme, compte environ 600 habitants avant la Grande Guerre. Il y a une bonne dizaine de fermes, et tous les commerces pour les besoins essentiels sont réunis. Il y a, bien sûr, plusieurs débits de boissons. Comme dans tous les villages… Dans les familles, nombreux sont ceux qui travaillent comme « ouvriers boutonniers » dans l’atelier de fabrication de boutons de nacre de Madame Lotelle, rue des Mazures. Mais ce qui fait avant tout la fierté des Fricourtois, c’est leur gare !
Depuis 1899, le chemin de fer s’arrête dans le bas de la commune, sur une ligne du réseau secondaire à voie métrique. A Fricourt, deux directions s’offrent à vous en venant d’Albert. Soit aller vers Montdidier, soit aller vers Ham. La compagnie économique du chemin de fer départemental a besoin de personnel, notamment pour l’entretien des voies. Jean-Baptiste POTHRON devient donc cantonnier.

(il est décédé accidentellement sur une voie de chemin de fer au début des années 1920)
Quand l’opportunité se présente de pouvoir bénéficier d’un logement de garde-barrière, il accepte. Il faut partir à Doingt, près de Péronne. Pendant que Jean-Baptiste assure l’entretien des voies en tant que chef cantonnier, son épouse, Julia, est garde-barrière. Il n’y a pas beaucoup de trains qui empruntent la voie ferrée reliant Saint-Just-en-Chaussée (Oise) à Douai (Nord), mais la mission est d’importance. Il faut éviter qu’un accident survienne. Les voitures à cheval et les automobiles, même rares, empruntant la route vers Ham, doivent être arrêtées quand le train est en vue. Georges, le jeune frère de Clément, naît en 1898 dans la maison de garde-barrière.
Clément, qui a suivi ses parents, devient comptable chez Ledoux, à Péronne.
Mais l’heure du service militaire approche. Lors du conseil de révision en séance extraordinaire de 1912 Clément est inscrit sous le n°92 et incorporé au 120e Régiment d’Infanterie. Il n’aura pas loin à aller pour rejoindre la caserne Foy le 8 octobre 1912. Doingt est situé juste à côté de Péronne. Son niveau d’instruction lui permet d’être rapidement caporal, dès février 1913 et sergent, le 10 octobre 1913.

Etant devenu sous-officier, il va être chargé d’emmener les hommes se battre. Car la guerre vient d’être déclarée en ce début du mois d’août 1914.
Confronté aux premiers combats d’août 1914, à Mangiennes (Meuse), puis à Bellefontaine (Belgique), il se fait remarquer par l’Etat-Major et devient sergent major le 20 septembre 1914. Dix jours plus tard, au Bois de la Gruerie, à la tête d’une section de renfort, il est blessé par balle à la jambe droite. Il est évacué sur l’hôpital Lavaut – Sainte- Anne au Sud de Montluçon (Allier) puis à l’hôpital Complémentaire n° 24. C’est un hôpital construit entre 1909 et 1913 pour y accueillir des vieillards et des orphelins, vite utilisé avec ses 280 lits, pour les blessés à l’arrière du front.

Rattrapé par la gangrène, Clément est amputé de la jambe droite au 1/3 supérieur. Le 6 mars 1915, la prometteuse carrière militaire de Clément prend fin. La commission de Réforme de Montluçon lui propose une pension de retraite. Il est envoyé en congé illimité le 21 avril 1915. Une pension de 1200 francs lui est accordée.

Clément reçoit plusieurs citations pour décrire sa bravoure et la Croix de guerre avec palme lui est remise. L’argent et les médailles ne remplaceront sa jambe. Les distinctions ne lui supprimeront pas ses douleurs physiques: réactions névralgiques du moignon, palpitations cardiaques, angoisse douloureuse, vertiges, tachycardie, pouls élevé. Il se retire à Ivry-Port, un quartier d’Ivry, en Val de Marne. La guerre est bien finie pour lui.
Clément n’a jamais pu reprendre une vie normale. En 1936, sa pension d’invalidité est passée à 100%. Clément n’est pas revenu dans la Somme. Il a continué à vivre en région parisienne. La nouvelle déclaration de guerre, en septembre 1939, a dû réveiller en lui les pires cauchemars. Mais rien n’était comparable. En 1960, Clément POTHRON a été décoré de la Légion d’Honneur.

Prisonnier civil des Allemands, Georges POTHRON, le frère cadet, n’a pas été mobilisé pour la Grande Guerre. Il a été appelé le 25 octobre 1919. Le conflit était alors fini sur le front Ouest depuis près d’une année.
Après sa démobilisation, Georges, né dans la maison de garde-barrière à Doingt, est allé vivre à Fricourt où ses parents avait habité avant sa naissance. Dans les années 1930, il était ajusteur-monteur dans l’aéronautique, à l’usine Potez de Méaulte. Son épouse, Gisèle, travaillait pour les Chemins de Fer. Elle y occupait un emploi de… garde-barrière.

Clément POTHRON est décédé au début des années 1970 et son frère Georges en 1974.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
A noter que, selon les actes consultés aux Archives départementales de la Somme, le nom de famille de Clément est orthographié, POTHRON, POTRON ou POTHION.
Photos de famille mises à disposition par Pierre POTHRON, fils de Georges POTHRON. Un grand merci à lui.

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