UN JOUR, UN PARCOURS – Gaston POIX d’Yzengremer

Victimes de la Première Guerre mondiale – une Somme de vies brisées par 14 18.

Né le 31 août 1893, Gaston POIX est originaire d’Yzengremer, dans le Vimeu maritime.

En picard, on dit Zinguermeu, et à Yzengremer, en cette fin du XIXe siècle, c’est bien le picard qui est parlé dans la commune. Un picard qui intègre aussi quelques mots ou sonorités du normand parlé de l’autre côté du fleuve côtier, la Bresle, qui sépare la Somme de la Seine-Inférieure.

Gaston est le fils d’Ernest Constand  POIX, employé de commerce domicilié à Abbeville, la capitale du Ponthieu. La mère se prénomme Zoé et habite encore chez son père, Augustin, cultivateur à Yzengremer. Augustin avait son petit atelier de serrurerie à domicile, dans le passé, puis il a repris une ferme, dans son village natal.

Même s’ils ne sont pas mariés, Gaston a un père et une mère. Cette situation ne dure, hélas, que peu de temps. Le père disparaît, et la mère, part à Bouttencourt, près de Blangy, dans la vallée de la Bresle. C’est dans la ferme du grand-père Augustin, Rue de Woincourt, qu’est élevé le tout jeune Gaston. La ferme, les animaux, les champs deviennent rapidement l’univers du garçon. Il est fils unique. Ses copains habitent aux quatre coins du village. Ils se retrouvent quelquefois sur les bancs de l’école, mais bien plus souvent dans les pâtures et les talus de la commune.

Il y a Savinien THERON, dont le père est fondeur, chez Dehedin ; Léon DEGUERVILLE, le fils du coquetier ; Edmond BERGER dont le père est ouvrier agricole ; Fernand WATTRE, fils d’un ouvrier mécanicien chez Duquesnoy. Les habitants travaillent, soit dans les fermes, soit dans les usines assez nombreuses dans cette partie du plateau du Vimeu maritime.

Léon et Fernand habitent Grande Rue ; Savinien, Rue d’Ault et Edmond, Rue de Meneslies. Gaston POIX réside Rue de Woincourt. L’originalité n’est pas le plus important dans le nom des rues. Le but est de savoir surtout où elles mènent.

Mais la vie d’enfant de Gaston s’arrête très rapidement. Il est envoyé à dix ans à peine chez sa tante, Marie, la sœur de sa mère, à Friaucourt. Moyennant le gîte et le couvert, il aide son oncle Octave dans son activité de bûcheron.

Adolescent, il est ensuite employé chez Gignon, un fermier de Saint-Quentin-la-Motte, où il est domestique et valet de charrue. C’est dans ce village, près de Ault, qu’il rencontre Madeleine, de deux ans sa cadette.

A ses 20 ans, Gaston POIX est convoqué à l’hôtel de ville d’Ault pour le Conseil de Révision. Un solide gaillard comme lui fera les affaires de l’infanterie. C’est au 72e RI d’Amiens qu’il va devoir se présenter le 27 novembre 1913.

Quand il prend le train, dans la gare de Friaucourt/Saint-Quentin-la-Motte, pour rejoindre Amiens, Gaston sait qu’il retrouvera Madeleine, à la fin du service militaire. Trois années, ça va être long, mais l’avenir sera ensuite dégagé. Il a déjà en projet de devenir patron fermier.

Un petit garçon, Marcel, est déjà né de leur union. Gaston se dit qu’il va épouser Madeleine et qu’ils auront beaucoup d’autres enfants. Après le service militaire…

Moins de 9 mois plus tard, la guerre est déclarée. Le 72e RI quitte sa caserne amiénoise pour se rendre dans le département de la Meuse, près des frontières d’Alsace-Moselle, et de Belgique.

Le régiment est relativement épargné pendant les premiers combats, fin août, dans le secteur de Virton. Positionné en soutien, il subit surtout les tirs lointains de l’artillerie allemande. Le repli s’opère, suite à la débâcle de la Bataille des Frontières, pour le 72e comme pour tous les régiments ayant combattu les 22 et 23 août en Belgique. L’objectif devient de positionner toutes les forces possibles dans le secteur de la Marne pour bloquer l’avancée des Allemands et préserver la Capitale.

Gaston POIX est blessé le 10 septembre 1914, à Maurupt-le-Montois, dans la Marne. La vilaine blessure par balle, au coude gauche, entraîne son évacuation vers les hôpitaux du Sud-Ouest. C’est à Bordeaux que la commission de réforme lui signifie, en mars 1915, qu’il est définitivement réformé pour « ankylose osseuse du coude gauche avec convalescence illimitée ». En résumé, son état le rend inutile dans l’Armée, même en service auxiliaire.

Si Gaston est heureux de quitter l’enfer des combats, il sait aussi que son bras est perdu. Il se retire à Saint-Quentin-la-Motte où il épouse Madeleine, en février 1916.

Gaston, malgré son handicap, devient ensuite fermier, Rue de Lamotte. Une fille, Andrée, vient compléter la famille. La guerre n’a pas tout gâché…

A la loterie de la vie, il a gagné. Comme ses copains d’Yzengremer, Savinien THERON et Léon DEGUERVILLE. Savinien est tombé malade dans le bourbier des tranchées. Evacué pour emphysème, son état est jugé suffisamment grave, en 1923, pour que l’Etat le pensionne à 100%. Léon, lui, a eu la « chance » d’être fait prisonnier en novembre 1914, au Bois de la Gruerie, et malgré la rudesse de la vie dans les camps allemands, il en est revenu.  Edmond BERGER et Fernand WATTRE eux, ont perdu ! Edmond est mort en septembre 1914 dans la Marne. Fernand, qui s’était fait embaucher comme employé de commerce chez Decayeux, une des plus renommées usines du secteur, et pouvait prétendre à une belle carrière, Fernand est mort, en juin 1915, des suites de maladies attrapées sur les champs de bataille.

Des familles en pleurs, des familles heureuses, telle est le sort des familles d’agriculteurs et d’ouvriers, dans le Vimeu comme ailleurs, après ces cinq années d’une telle inhumanité.

En 1929, quand une commission militaire a examiné, pour la dernière fois, Gaston POIX, elle a proposé l’attribution d’une pension de 30% pour « limitation des mouvements du coude gauche, névrite du cubital, névralgie et fourmillement de la main » des suites de blessures de guerre.

L.J. et X.B.

« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme.  Jean DELHAYE a réalisé la collecte de données pour la commune d’ Yzengremer.

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