Né le 30 août 1892, Désiré TETU porte le même prénom que son père.
Elevé par sa grand-mère, le jeune Désiré a peu connu sa mère, prénommée Julie. Ayant quitté le village, elle en a laissé la garde à Chrétienne, la grand-mère paternelle. Le grand-père étant mort, Chrétienne vit avec son fils, Désiré et son petit-fils, Désiré, dans le Petit Chemin de la Rue de la Houssoye à Argoules. La petite maison de grand-mère Chrétienne et le territoire de la commune d’Argoules deviennent l’univers du jeune Désiré.

Argoules est un charmant petit village du Ponthieu, de 650 habitants, situé à l’extrémité du canton de Rue, près des communes de Vron, de Vironchaux et de Dominois.
Pas de route importante, pas de voie ferrée, les communications sont difficiles pour rejoindre les plus grandes communes de l’Ouest du département de la Somme. Si l’Authie était une voie navigable, des échanges commerciaux pourraient être envisagés, mais ce n’est pas le cas. En cette fin du XIXe siècle, Argoules est un village agricole, très tranquille, et plutôt replié sur lui-même.
Tranquille comme l’était le secteur, au XIIe siècle, quand Guy de Ponthieu y fit construire l’abbaye de Valloires, pour que les Cisterciens y trouvent une paisible retraite.

Aucune industrie, presque aucun commerce, il est difficile de trouver du travail à Argoules. Désiré, le père, est domestique agricole. Il va de ferme en ferme, obligé souvent de sortir du territoire de la commune. Il est employé à Vironchaux, puis, quelques années plus tard, trouve une place plus intéressante chez un cousin à Buire-le-Sec, dans le Pas-de-Calais. Les deux départements sont séparés, au Nord-Ouest, par le fleuve côtier Authie, et les échanges entre les communes situées sur les deux rives sont nombreux.
Le jeune Désiré a suivi avec une certaine assiduité les cours de l’instituteur public. Il sait assez bien lire et écrire. Pourtant, comme son père, c’est dans les fermes qu’il trouve à être embauché, alors qu’il n’est pas encore adolescent. Lui-aussi n’hésite pas à quitter le village. Un patron qui héberge et offre le couvert, ça ne se refuse pas. Il est amené à travailler dans différentes communes du secteur. Il est ouvrier agricole à Vron, quand arrive l’heure du Conseil de Révision.

Il se rend à Crécy-en-Ponthieu. Le Conseil le déclare apte au service armé et il reçoit une affectation pour le 128e Régiment d’Infanterie. Une chance pour lui ! Il va rester dans le Ponthieu et pourra régulièrement venir revoir sa grand-mère. De plus, Abel LORGE, son copain du village, ouvrier agricole comme lui, est également affecté au 128e. Les deux copains rejoignent la caserne Courbet d’Abbeville le 9 octobre 1913.
Désiré vient de perdre son père. Sa seule famille est constituée uniquement maintenant de sa vieille grand-mère. Chrétienne est âgée de 77 ans quand son petit-fils chéri part au service militaire. Sa nouvelle famille, c’est aussi celle des copains du service militaire.
Moins de dix mois plus tard, la guerre est déclarée. Le 128e RI quitte alors ses locaux d’Abbeville et d’Amiens pour aller caserner à Dun-sur-Meuse, près des frontières belge et luxembourgeoise.
Le 22 août 1914, le 128e RI participe aux combats pour tenter de reprendre aux Allemands le site de Bellevue, situé sur les hauteurs de Virton, en Belgique.
Désiré découvre alors l’horreur de la guerre. Il voit tomber certains de ses copains. Emile DOVERGNE, de Crécy-en-Ponthieu, ne se relève pas.
L’échec de la Bataille des Frontières, étant manifeste sur tous les lieux de combats, de Mons à l’Alsace, le général Joffre donne l’ordre de retraite.

En traversant le département français des Ardennes, en direction de la Marne, le 128e est missionné pour ralentir la progression des Allemands, dans la commune de Saint-Pierremont, plus exactement dans le petit hameau de Fontenois. C’est le 31 août. Abel LORGE est tué.
En quelques heures, au moins 130 jeunes hommes du 128e sont massacrés par les tirs d’artillerie allemande et des centaines sont blessés, essentiellement par éclats d’obus. Désiré s’en sort indemne, mais il sait qu’à Fontenois, avec la mort d’Abel, il laisse un peu de lui-même.
Les rescapés du 128e se rendent ensuite dans la Marne. L’état-major français a décidé d’y rassembler toutes ses forces pour empêcher les troupes allemandes de progresser vers Paris.
Le 128e est positionné à proximité de Maurupt-le-Montois. Les six jours de combat sont dévastateurs, aussi bien pour les Français que pour les Allemands. Mais c’est du côté français qu’est la victoire. L’envahisseur ne pourra rallier Paris et se doit de faire demi-tour.

Au 128e, on compte les pertes. Des centaines d’hommes manquent à l’appel. Tués, blessés, disparus, prisonniers… Désiré est mort.
Agé d’à peine 22 ans, le petit ouvrier agricole d’Argoules n’ira pas plus loin. La guerre est déclarée depuis un peu plus d’un mois, et le nombre de morts français a déjà largement dépassé les cinq chiffres. A la fin septembre 1914, on peut estimer les pertes françaises à près de 200 000.
Quand l’avis officiel de décès est envoyé, en mai 1917, Chrétienne n’est plus là. Le courrier est adressé à Vron où Désiré a occupé son dernier emploi.
Abel LORGE et Désiré TETU sont les deux premières victimes d’Argoules pendant la Grande Guerre. Leurs noms sont inscrits sur le monument aux morts du village. Ils ont 22 ans pour toujours.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET

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