Né le 31 mars 1891, Alphonse PETIT est le fils de Joseph PETIT et de Joséphine DOUBLET.
Joseph et Joséphine se sont mariés à Poix le 7 juin 1876.
Poix est une commune du Sud du département de la Somme, à proximité de la limite avec la Seine-Inférieure.
Joseph est cantonnier au chemin de fer. Léon, né en octobre 1876, est le premier enfant du jeune couple. Viennent ensuite Gaston en 1880, Edmond en 1883, Germaine en 1888, Alphonse en 1891, Lucienne en 1893 et enfin Louise en 1895, la dernière de cette grande fratrie de 4 garçons et 3 filles. La famille PETIT réside Rue Notre-Dame à Poix. Joseph quitte son emploi au chemin de fer pour devenir ouvrier de culture.

La différence d’âge est importante dans la fratrie. Quand la benjamine Louise vient au monde, Léon et Gaston ont déjà quitté la maison familiale. Ils sont ouvriers d’usine.
Léon PETIT, l’aîné de la fratrie, se marie avec Léontine DENIER. Ils ont trois enfants, Léonie, Léon et Lucrèce. Gaston PETIT, le deuxième de la fratrie, épouse Octavie VOITURIER en 1905. Le jeune couple réside dans un logement de l’ancienne sucrerie. Une petite fille naît de leur union et se prénomme Lucette. Edmond PETIT, le troisième garçon de la fratrie, épouse Laure BEDIER. Germaine PETIT, l’aînée des filles, à peine âgée de 18 ans, épouse un jeune Breton employé au Chemin de fer à Poix. Il s’appelle Pierre Marie COURTEL. Lucienne PETIT, l’avant-dernière de la fratrie, épouse un maçon belge, Léon HULET, qui travaille dans la commune. L’un après l’autre, les enfants quittent la maison familiale pour construire leur propre famille. Contrairement à ce qu’on constate dans de nombreuses familles modestes et malgré le peu d’industrie dans la cité, les enfants de la famille PETIT ne quittent pas leur commune de naissance. Les PETIT sont attachés à Poix.

Le 9 octobre 1912, Alphonse PETIT attend sur le quai de la gare de Poix. Il attend le train qui doit l’emmener vers le service militaire. Alphonse n’est pas seul. Plusieurs jeunes hommes de Poix ont également reçu leur affectation pour rejoindre un lieu de casernement. Poix est un bourg chef-lieu de canton qui compte environ 1 100 habitants. Les garçons du même âge se connaissent tous. Ils ont tous fréquenté les bancs de l’école de Monsieur ACLOQUE, l’instituteur. L’activité est essentiellement agricole. Beaucoup de jeunes hommes travaillent dans les fermes. D’autres parviennent à se faire embaucher dans la scierie mécanique, dans la briqueterie ou dans la brasserie.

Il y a donc, sur le quai de la gare, une douzaine de jeunes hommes originaires de Poix ou des villages les plus proches. Cinq d’entre eux ont reçu le même ordre d’incorporation. Ils doivent rejoindre le 120e Régiment d’Infanterie. Alphonse PETIT est l’un d’entre eux. Les autres se nomment Léopold NEVEU, Octave DEVISMES, Paul BUTEUX et Louis BUVRY. Léopold NEVEU habite à Poix, Octave DEVISMES à Moyencourt-les-Poix, Paul BUTEUX et Louis BUVRY à Croixrault. Les cinq garçons prennent le train en direction du Nord du département de la Meuse où vient d’être transféré le 120e RI de Péronne. Au sein des 3 000 hommes qui constituent un régiment d’infanterie, de nombreux groupes se forment. Même s’ils ne sont pas affectés dans le même bataillon ou la même compagnie, les gars qui se connaissaient avant le service militaire aiment à se retrouver régulièrement.

Les cinq gars de Poix sont souvent ensemble. Ils parlent du pays. Et quand la vie militaire pèse un peu trop, ils sont là pour se soutenir les uns les autres.
Au début de l’année 1913, Louis BUVRY, le copain de Croixrault, tombe malade. Il est rapidement transféré de l’infirmerie de la caserne Chanzy vers un hôpital militaire parisien. C’est grave ! La commission de réforme de la Seine estime qu’il ne peut poursuivre son service militaire. Il est définitivement jugé inapte. Louis BUVRY ne quittera pas son lit d’hôpital. Il meurt le 25 novembre 1913 de tuberculose.
Le choc est dur pour les quatre camarades de Poix. Ils l’aimaient bien le petit Louis, le copain de Croixrault aux tâches de rousseur… D’autres épreuves sont encore à venir. La mort, bientôt, frappera encore…

Le 3 août 1914 quand l’Allemagne déclare la guerre à la France, les appelés du 120e RI savent qu’ils seront parmi les premiers à combattre. Le 120e RI est caserné à Stenay à quelques kilomètres de la frontière belge et nul n’ignore, comme l’indique le Plan Schlieffen élaboré par l’Armée allemande en 1905, que les troupes du Kaiser Guillaume II vont passer par la Belgique pour tenter l’invasion en France.
Les quatre copains échappent, presque par miracle, aux terribles hécatombes de la Bataille des Frontières du 22 août et de la Bataille de la Marne du 6 au 10 septembre 1914. Mi-septembre, le 120e RI a perdu près des deux tiers de ses hommes. Les combats à Bellefontaine en Belgique et à Sermaize-les-Bains dans le Sud de la Marne ont été particulièrement meurtriers.
A partir du 15 septembre 1914, les survivants du 120e RI prennent position en Argonne près de Vienne-le-Château. La guerre de tranchées débute pour eux dans le Bois de la Gruerie.
Le 24 septembre 1914, Julien NEVEU de Poix est déclaré disparu. Son corps ne sera jamais retrouvé.
Le 22 novembre 1914, Octave DEVISMES de Moyencourt-les-Poix est aussi déclaré disparu. Par chance, il n’est pas mort. Il a été capturé par l’ennemi. Interné en Allemagne, Octave n’est rapatrié que le 23 janvier 1919.

Le 17 décembre 1914, Paul BUTEUX de Croixrault est gravement blessé à la main droite par éclat d’obus. Transféré vers l’hôpital de Castres dans le Tarn puis sur celui de Saint-Pons dans les Basses-Alpes avant de revenir dans le Tarn, à Albi, pour plusieurs semaines de convalescence. Il retourne au front en mars 1915. En août 1916, pendant la Bataille de la Somme, il est à nouveau évacué. Paul est malade. D’Elbeuf à Nantes, en passant par Bar-le-Duc et Albi, Paul passe une grande partie de la guerre dans un lit d’hôpital pour bronchite chronique et emphysème.
A la fin de l’année 1914, Alphonse PETIT est le seul rescapé. Il va connaître tous les champs de bataille du 120e RI jusqu’à l’automne 1918. Il est blessé à la jambe droite en novembre 1915 « alors qu’il défendait un barrage sur lequel l’ennemi jetait des liquides enflammés » au Ravin de la Goutte. Après des séjours hospitaliers à Bergerac puis à Mirande, Alphonse retourne au front en mai 1916. Il ne sera plus évacué. Alphonse qui savait à peine lire et écrire est devenu un brillant sous-officier. Il a été cité plusieurs fois à l’ordre du régiment pour « s’être acquitté parfaitement de sa mission de nettoyage de tranchée », pour « s’être dépensé sans compter en ayant pris le commandement de son unité suite à l’absence du chef de section » et en avril 1918 pour « s’être conduit avec le plus grand courage en entraînant sa demi-section à l’assaut ».

Quand l’Armistice est signé, les hommes qui, comme Alphonse PETIT, ont vécu toute la guerre au 120e RI sont très rares. Il a vu tomber tant de copains. Tant de jeunes hommes avec lesquels il avait vécu la riche expérience humaine du service militaire dans la caserne Chanzy de Stenay d’octobre 1912 à juillet 1914. Comme lui, ses copains Octave DEVISMES et Paul BUTEUX ont survécu à la guerre. Vivants mais profondément meurtris pour toujours dans leur chair et dans leur coeur.
Si Alphonse a sauvé sa peau, la mort n’a pas épargné sa fratrie. Gaston, le deuxième garçon, est mort de maladie – la tuberculose – imputable à la guerre. Octavie est veuve, Lucette est orpheline et Joseph et Joséphine pleurent leur fils.
Marié avec Suzanne LANGLOIS puis après le décès de celle-ci avec Geneviève LEROY, Alphonse PETIT a vécu une grande partie de sa vie d’adulte en Seine-Inférieure puis dans le Pas-de-Calais.

Alphonse PETIT est mort le 6 juillet 1955 à l’âge de 64 ans, à Waben dans le Pas-de-Calais. Les noms de son frère Gaston et du copain Julien NEVEU sont inscrits sur le monument aux morts de Poix-de-Picardie.
Xavier BECQUET

Un viaduc a été construit en 1866 sur le territoire de la commune de Poix pour assurer le passage de la ligne de chemin de fer Amiens-Rouen. Le 31 août 1914 il a été en partie détruit par le Génie français pour arrêter la progression des troupes allemandes vers Rouen et Le Havre. Il a été reconstruit en 1915. En juin 1940, le viaduc a de nouveau été mis hors service par le Génie français pour empêcher les Allemands d’utiliser la ligne de chemin de fer vers Rouen. Réparé provisoirement, il a été bombardé en janvier 1944 par un avion bombardier de la Royal Air Force. L’objectif était, une fois encore, d’empêcher les Allemands d’utiliser la seule voie ferrée permettant de relier le Nord de la France à la Normandie.
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