Né le 11 juillet 1891, Sadi Joseph LECOINTE est le fils de Séraphin LECOINTE et de Noémie LEMIRE.
Séraphin est originaire de Gourchelles dans l’Oise et Noémie de Beaucamps-le-Jeune dans la Somme. Situées dans deux départements distincts, les deux communes ne sont pourtant éloignées que d’une dizaine de kilomètres. Entre elles, se trouve la ville d’Aumale, grand bourg industriel et commercial de la Vallée de la Bresle, en Seine-Inférieure.
Quand ils s’unissent devant le maire de Beaucamps-le-Jeune en 1890, Séraphin a 24 ans et Noémie 18. L’amour est présent. Le bonheur est assuré.

Séraphin et Noémie s’installent à Saint-Germain-sur-Bresle, au lieu-dit « Le Moulin bleu », où résident les parents LECOINTE, prénommés Théodore et Adelphine. Séraphin est charpentier comme l’est son père.
C’est donc à Saint-Germain-sur-Bresle que naît Sadi Joseph LECOINTE, premier enfant du couple.
La petite famille déménage rapidement pour le village voisin de Beaucamps-le-Jeune. Noémie, la jeune maman, est heureuse de pouvoir se rapprocher de ses parents, Emile et Argentine.

Au début de l’année 1893, Guillaume vient au monde suivi, en septembre 1894 de Gaston. Les deux nourrissons perdent la vie à quelques semaines d’intervalle à la fin de l’année 1894. Noémie est dévastée par la douleur.
Séraphin, Noémie et le petit Sadi quittent la commune de Beaucamps-le-Jeune pour s’installer sur la rive gauche de la Vallée de la Bresle, dans le département de l’Oise. Ils habitent « Le Village » à Gourchelles, commune d’origine de la famille LECOINTE.

Le 11 septembre 1896 naît un garçon prénommé Juste puis le 29 mars 1898, vient Marcel. La vie n’est pas toujours heureuse pour Noémie. Séraphin a l’alcool mauvais. Après une scène de violence de trop, Noémie quitte le domicile conjugal. Séraphin l’a frappée alors que le terme d’une nouvelle grossesse est presque arrivé. Noémie se réfugie chez ses parents à Beaucamps-le-Jeune avec ses trois fils. Philogène, le bébé, né au domicile des grands-parents maternels, Emile et Argentine LEMIRE, meurt quelques semaines plus tard.
Noémie porte plainte contre Séraphin. La nature des faits et les témoignages recueillis amènent le tribunal d’Amiens à prononcer le divorce. En outre, Séraphin est condamné à huit jours de prison.
Noémie confie ses deux plus jeunes garçons à ses parents. Elle quitte la région en emmenant Sadi, son fils aîné pour s’installer à Nogent-sur-Oise, puis Rue de la République à Creil. Si ses frères Juste et Marcel grandissent à la campagne, Sadi découvre l’univers de la ville. Tout le passionne. En ce début du XXe siècle, l’innovation technologique est omniprésente. Après des débuts professionnels comme couvreur-zingueur, Sadi choisit la voie du progrès. Si son enfance n’a pas été heureuse, Sadi veut réussir sa vie d’adulte.

Il se fait embaucher en qualité de mécanicien-soudeur par une usine d’aviation en région parisienne, non loin du Sud de l’Oise. Alors qu’il n’a jamais pris la moindre leçon de pilotage, il se propose pour essayer un appareil. Le 30 janvier 1910, à peine âgé de 18 ans, il décolle du terrain d’Issy-les-Moulineaux et se pose tant bien que mal un peu plus loin. Par cette courte expérience de pilote, le monde de l’aviation vient de s’ouvrir à lui. Il suit alors une formation et devient pilote breveté le 10 février 1911. Il est alors engagé par le motoriste Anzani, fabricant du moteur qui a été utilisé par Louis Blériot pour traverser la Manche en 1909.

Son brevet de pilote en poche, Sadi LECOINTE part pour Carmaux près d’Albi dans le Tarn. Il est chargé d’effectuer les essais des avions et des nouveaux moteurs et n’hésite pas à repousser toujours plus loin ses limites. Il participe également à des meetings, en réalisant des voltiges de plus en plus risquées. Il se fracture d’ailleurs le bras lors d’un atterrissage malencontreux.

Avant de partir pour le Sud-Ouest de la France, Sadi avait été convoqué devant le Conseil de Révision de Creil, commune de résidence de sa mère. Affecté, sans surprise, au Groupe aéronautique de Versailles, il rejoint son unité le 9 octobre 1912. Il est ensuite muté à l’Ecole Blériot d’Etampes où il décroche son brevet militaire d’aviateur le 23 septembre 1913. Il rejoint ensuite l’Escadrille BL.10 de Belfort fin 1913. C’est seulement le 6 mars 1914, après dix-huit mois de service militaire, que le jeune picard devient caporal.
Dès les premiers jours de la guerre, Sadi Lecointe participe avec l’escadrille BL.10 aux missions d’observation dans l’Est de la France et en Belgique. Les reconnaissances s’effectuent à portée de tir des troupes au sol. Son appareil est un des premiers touchés. Le 8 août, Sadi LECOINTE doit ramener son observateur gravement blessé, faisant preuve de « sang-froid » malgré une « violente fusillade ». L’escadrille effectue des missions de reconnaissance dans l’Est, en août et en septembre 1914, toujours plus périlleuses les unes que les autres. A l’automne 1914, elle s’installe en région parisienne.
Le 15 mars 1915, il intègre l’Escadrille de combat MS.48. A la fin de l’année 1915, l’Armée fait le choix d’utiliser certains de ses « As » pour la formation. Sadi LECOINTE est choisi. Il devient instructeur à l’Ecole de Pilotage d’Avord. Avec la guerre de tranchées, le rôle de l’aviation, autant pour les combats que pour l’observation, devient prépondérant.
Instructeur reconnu, Sadi LECOINTE est promu sous-lieutenant en novembre 1916.
Démobilisé le 27 août 1919, il reprend immédiatement son métier de pilote civil. Enchaînant les records de vitesse et d’altitude essentiellement avec des modèles d’avions Nieuport-Delage. Il bat de nombreux records de vitesse et décroche à sept reprises, le record du monde d’altitude. Le 30 octobre 1923, il atteint 11 145 mètres de hauteur. Sadi LECOINTE devient sans nul doute un des meilleurs pilotes français.

En 1925, il s’engage dans l’Armée française et est envoyé combattre au Maroc de 1925 à 1927. Il effectue une quarantaine de missions et obtient trois citations.

Les deux frères de Sadi LECOINTE n’ont pas suivi le même chemin prestigieux que leur frère aîné. Marcel et Juste ont passé toute leur enfance à Beaucamps-le-Jeune, chez leurs grands-parents maternels, puis ils ont rejoint leur mère à Creil. En 1914, ils étaient trop jeunes pour être mobilisés.
En 1915, Marcel doit partir à la guerre mais la commission médicale le juge trop faible. En août 1916, c’est enfin le départ. Frère cadet de celui qui est maintenant considéré comme un « As de l’aviation », Marcel est affecté au 1er groupe d’aviation. En 1917, mécanicien à l’escadrille 510, il rejoint l’Armée d’Orient.
Juste LECOINTE le frère cadet, aurait dû combattre. Réformé en 1917 puis en 1918, il ne partira jamais faire la guerre. La commission qui examine Juste, le juge inapte pour faiblesse générale et « acuité auditive inférieure à un quart ». Les premières années de vie des deux cadets de la fratrie ont laissé de terribles traces.
Entre les deux guerres, Marcel et Juste font une belle carrière, chacun dans leur domaine. Marcel reste mécanicien dans l’aviation civile comme il l’était sous les drapeaux et Juste devient ouvrier spécialisé chez André Citroën, Quai de Javel à Paris.
En 1927, Sadi LECOINTE crée l’association des Professionnels Navigants de l’Aviation. Cette structure mutualiste est destinée à offrir une assurance et un fonds de prévoyance au personnel concerné. D’autre part, Sadi LECOINTE contribue également à l’élaboration du statut du personnel navigant. A partir de juin 1936, il organise les écoles de l’Aviation Populaire en tant qu’inspecteur général de l’Aéronautique civile et de l’Aviation populaire.

Si Sadi est un homme qui aime à se mettre au service des autres, il reste un pilote confirmé souvent sollicité pour tester de nouvelles machines. En 1929, l’hydravion qu’il essayait se retourne en arrivant sur l’étang d’Hourtin, entraînant son pilote à dix mètres sous l’eau. Une autre fois, le 26 avril 1934, aux commandes d’un prototype monoplace Nieuport-Canon qu’il doit essayer en vol, il se jette dans le vide quand l’avion prend feu brutalement. Sadi LECOINTE était un miraculé et il le savait, n’hésitant pas à dire souvent : « C’est si beau la vie ! ».
Quand la Seconde Guerre mondiale est déclarée, Sadi et Marcel LECOINTE, les deux aînés de la fratrie, sont mobilisés.
Sadi, affecté à l’Inspection Générale des Ecoles de Pilotage, est révoqué par Vichy en 1940 en raison de ses opinions politiques. Il avait aidé de nombreux jeunes pilotes à rejoindre l’Angleterre ou Gibraltar.
Marcel LECOINTE, le frère de Sadi, est rappelé à l’activité le 11 mars 1940. Il est fait prisonnier à Vannes fin juin. Il n’est libéré que le 25 mars 1941.
Sadi LECOINTE était un ami de Jean MOULIN. L’homme engagé qu’est Sadi ne peut rester inactif face à l’occupation de son pays. Il entre dans la Résistance et rejoint le réseau « Rafale Andromède ». Emprisonné à la prison de Fresnes au printemps 1944 pour ses activités de résistance, il en sort quelques semaines plus tard. Mais les tortures infligées et les conditions de captivité ont dégradé fortement sa santé. Transporté mourant à l’hôpital du Val de Grâce par les Allemands, Sadi LECOINTE y ferme définitivement les yeux le 15 juillet 1944.
Inhumé initialement au cimetière du Père Lachaise alors que les Allemands occupent encore la Capitale, le corps de Sadi Lecointe est finalement ré-inhumé, cinq années plus tard, dans le cimetière communal de Beaucamps-le-Jeune.
Même si tous les souvenirs de jeunesse n’étaient pas agréables, Sadi a toujours été très attaché au territoire de son enfance. Un pays près de la Vallée de la Bresle où vivait celle sans qui l’aventure extraordinaire de ce fils de charpentier n’aurait pas été possible. Sa maman protectrice. C’est dans la Somme à Beaucamps-le-Jeune, village natal de Noémie, village de ses grands-parents Emile et Argentine, que Sadi LECOINTE repose pour toujours.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET

Sources : AD80, AD60, AD76, Aéro-club Sadi Lecointe de Lognes (77185) ; Serge MAUNY, « Les Vieilles Tiges » ; Jean DINGREMONT « Petit Patrimoine Picard » ; Patrick LECOINTE -Musée Sadi Lecointe de Beaucamps-le-Jeune (80430)
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en consultant le registre matricule de Sadi Lecointe on remarque que parmi les nombreuses décorations qu’il a reçues figure celle du « mérite militaire espagnol »que l’on ne retrouve pas ailleurs Pourquoi ?
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La guerre du Rif à laquelle a participé Sadi Lecointe s’est déroulée, en partie, dans des territoires placés sous protectorat espagnol.
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