Né le 2 mars 1891, Edmond est le fils d’Hector LEGRAS et de Valentine TRANNOY.
Hector et Valentine LEGRAS se marient le 27 juillet 1881. Peu de temps après, ils décident d’ouvrir une épicerie au cœur du village de Wavignies, face à l’église, Rue du Tour de l’Eglise. Wavignies est un village du canton de Saint-Just-en-Chaussée dans le département de l’Oise.
C’est dans le logement de cette petite épicerie que naît dix ans plus tard le dernier enfant du couple. Il est prénommé Georges Jean Baptiste Edmond mais son prénom usuel est Edmond.

Pauline, de neuf ans l’aînée d’Edmond, est le seul autre enfant du couple. Si Hector et Valentine n’ont que deux enfants, la petite fratrie de l’épicerie compte un troisième membre. Alcide a 12 ans. Il est le fils d’Hector LEGRAS et d’Octavie DREUE. Octavie est morte alors qu’elle avait à peine 21 ans. Quand Hector est devenu brutalement veuf, son bébé n’avait que 6 mois. Alcide, le petit orphelin, a été confié pendant plusieurs mois à la garde de ses grands-parents, Pierre et Véronique LEGRAS.
Quelques mois plus tard, Hector a épousé Valentine TRANNOY, une fille de cultivateurs du village. Valentine a élevé Alcide comme son fils. Pauline est arrivée une année plus tard et Edmond une décennie plus tard.

Alcide et Pauline aident leurs parents dans l’épicerie. Ils effectuent également des petites livraisons en cas de besoin. Le commerce d’épicerie, même s’il est associé à celui de débit de boissons, n’est pas suffisant pour faire vivre la famille. Hector LEGRAS est également cultivateur. Quelques ares de terrain cultivables et quelques animaux d’élevage permettent de subvenir aux besoins de base. Il y a également la basse-cour. Les enfants LEGRAS ne manquent donc pas d’activité et leur assiduité à l’école n’est pas toujours garantie.
Quand Edmond quitte l’école, il reste le plus souvent à travailler à l’épicerie alors qu’Alcide, son frère aîné, est à la ferme.

En 1903, Pauline quitte la maison familiale pour épouser Georges PILLON, un cultivateur qui réside dans la Ruelle Poulain à Wavignies. Georges et Pauline ont plusieurs enfants, Georgette, Gabriel, Gilbert.
Puis vient le tour pour Alcide de rencontrer l’amour. En 1911, Alcide, âgé de 31 ans, épouse Marie RACHON, une jeune veuve venue de Bretagne. Comme il avait accepté le petit frère né d’une autre mère que la sienne, il accepte sans difficulté de devenir le père de la petite Andrée, petite orpheline de 4 ans. Alcide, Marie et Andrée s’installent dans la Rue du Tour de l’Eglise à quelques dizaines de mètres de l’épicerie familiale. Alcide est fermier. Le 9 janvier 1912, naît Madeleine, la fille d’Alcide et de Marie.
Edmond, le dernier de la fratrie LEGRAS, loge toujours chez ses parents, alternant son temps entre la ferme et le commerce. La boutique du Tour de l’Eglise, tenue essentiellement par sa mère, reste une épicerie-débit de boissons. On y trouve toutefois dans les années 1910 de nombreuses « Nouveautés ».

Le 8 octobre 1912, Edmond LEGRAS quitte son village pour aller effectuer ses deux années de service militaire obligatoire. Jugé apte, il est affecté au 128e Régiment d’Infanterie. Tout d’abord affecté dans les locaux de Sevran près de Paris, il rejoint la Citadelle d’Amiens en octobre 1913.
Quand est décrétée la Mobilisation générale, le 1er août 1914, Edmond ne peut revenir embrasser ses parents dans l’Oise. Les jeunes hommes du 128e RI qui sont déjà dans les casernes d’Abbeville et d’Amiens quittent la Somme le 5 août 1914 pour rejoindre en train la ville de Dun-sur-Meuse, près de la frontière belge.
Alcide, le frère aîné d’Edmond, n’est pas mobilisé. Exempté de service militaire pour « déformation thoracique », il doit attendre une convocation de la commission médicale pour examiner son état et sa capacité à partir combattre. La commission médicale spéciale réunie le 11 novembre 1914 à Beauvais le déclare apte au service armé. Le 2 décembre, Alcide LEGRAS rejoint le 14e Régiment d’Infanterie Territoriale pour y suivre l’instruction militaire obligatoire avant d’être envoyé au combat.

Edmond LEGRAS a vécu l’horreur des combats des deux premiers mois de la guerre au sein des hommes du 128e RI. Le 22 août à Virton en Belgique, le 31 août à Fontenois dans les Ardennes, du 6 au 10 septembre dans le secteur de Maurupt-le-Montois dans le Sud de la Marne puis à partir du 15 septembre 1914, dans les tranchées du Bois de la Gruerie en Argonne. Edmond a vu tomber des centaines d’hommes autour de lui. Ce ne sont pas des victimes inconnues. Plusieurs gars du canton de Saint-Just-en-Chaussée ont été tués. Elie CUVILLIER et Julien LECTEZ du Plessier-Saint-Just ont été tués à Fontenois, comme Paul THILLOLOYE du chef-lieu de canton. Cyrille CARPENTIER, du village voisin d’ANSAUVILLERS, Léon CLEMENT de Saint-Germer-de-Fly. Il a vu s’écrouler à ses côtés des copains d’autres communes de l’Oise qui ont vécu le même quotidien que lui, à la caserne de Sevran puis à Amiens, pendant 22 mois. A Maurupt-le-Montois, André PEZAUT de Senlis et Marius LECOMTE de Fontaine-Bonneleau sont morts sur place. André BOUTILLIER de Saint-Just-des-Marais a succombé à ses blessures.

Edmond LEGRAS est évacué vers l’arrière, loin du front, dans la région de Lyon. Son état nerveux ne lui permet plus de continuer le combat. Il passe de nombreux mois dans les hôpitaux avant que la Commission de Réforme du Rhône le déclare inapte au service armé, le 16 septembre 1915, pour « neurasthénie somnambulisme » et propose une affectation au Service Auxiliaire. Edmond part en Bretagne pour rejoindre la caserne du 87e Régiment d’Infanterie territoriale. Mais son état est préoccupant. Une nouvelle commission médicale l’examine et le réforme définitivement pour « dégénérescence physique et mentale » le 18 janvier 1916. Edmond LEGRAS peut enfin regagner son village.
Hector et Valentine sont heureux du retour de leur fils même si son état général n’est pas bon. Le temps fera son œuvre. Le temps, la paix et l’amour. Edmond est amoureux de Jeanne CARLIER. Le mariage prévu pour l’automne apportera un peu de bonheur dans la famille.
Hélas, début juin, une triste dépêche vient annoncer à Hector et Valentine la mort de leur fils aîné. Alcide LEGRAS, le grand frère d’Edmond, a été tué au Bois des Caurettes dans la Meuse le 12 avril 1916. Il laisse Marie, sa jeune épouse, avec deux petites orphelines.

Le 24 octobre 1916, Edmond LEGRAS a épousé Jeanne CARLIER. Edmond et Jeanne ont repris l’épicerie familiale. Le 28 août 1919, est né leur premier enfant. Il a reçu le prénom d’Alcide, le prénom de l’oncle tué à la guerre. Presque comme une évidence.
L’épicerie créée à Wavignies par Hector et Valentine LEGRAS en 1882 est restée dans la famille LEGRAS pendant plus d’un siècle. Edmond, toujours fortement marqué par ses années de guerre, a poursuivi l’activité d’épicier, puis son fils, Alcide, lui a succédé. Le jeune Alcide tenait l’épicerie avec son épouse Anicette. Après la mort d’Alcide en 1999, Anicette a continué de servir les clients pendant de nombreuses années. Anicette est décédée en 2017. S’il a changé de propriétaire, l’immeuble a aujourd’hui encore un usage commercial.

Beaucoup d’adultes du village de Wavignies se souviennent encore aujourd’hui de l’épicerie d’Alcide et d’Anicette, face à l’église, dans laquelle on trouvait de tout « de la botte de radis à une paire de chaussures et des boulets de charbon ».
Alcide LEGRAS, mort pour la France, est inhumé au cimetière de Wavignies. Son nom est inscrit sur le monument aux morts du village.

Michèle STOCKLIN et Xavier BECQUET
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