ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Eugène PRUVOT de Feuquières-en-Vimeu

Né le 25 octobre 1892, Eugène PRUVOT est le fils de Léon et Clotilde.

Quand Léon PRUVOT, le père d’Eugène, meurt, il n’est âgé que de 30 ans. Il laisse Clotilde, son épouse, avec leurs cinq enfants : Albertine, Georges, Lucien, Eugène et Isabelle. Albertine, l’aînée de la fratrie, a 7 ans et Isabelle, la plus jeune, n’a que six mois. Autant dire que la vie ne va pas être simple !

La famille habite rue Santoir, à Feuquières-en-Vimeu. Feuquières est une commune de la Somme qui compte plus de 1 800 habitants à la fin du XIXe siècle. Au cœur du Vimeu, territoire spécialisé dans la serrurerie depuis plus de deux siècles, Feuquières est une des villes les plus importantes du Vimeu. Même si les ateliers à domicile ont été remplacés par les usines, la spécialité de la commune de Feuquières reste la même, celle des serrures de sûreté.

La solidarité familiale permet à Clotilde de subvenir aux besoins vitaux des enfants. Ses parents sont marchands de légumes. A la mort de son mari, la mère d’Amélie vient s’installer avec sa fille.

Même s’ils sont pauvres, les enfants de Clotilde vont à l’école et en sortent en sachant lire et écrire. Dans le métier d’ouvrier d’usine qui les attend, ça pourra toujours servir.

A peine douze ans, et la vie professionnelle commence pour les enfants. Albertine est découpeuse chez Lainé. Lucien et Eugène l’y rejoignent dès qu’ils peuvent légalement travailler. Georges, le frère aîné, s’est fait embaucher chez Caron comme brosseur sur métaux, et la cadette, Isabelle, débute chez Bauche. Clotilde, la maman rentre également à l’usine, comme serrurière.

Catalogue de la Serrurerie Lacotte et Fonderie Caron

Eugène change ensuite pour partir chez Davergne, avec son frère Lucien. Il est facile de changer d’emploi et d’aller là où, la paie est meilleure. Dans le bassin industriel du Vimeu, plus de 5 000 personnes travaillent dans les usines dont les plus importantes sont à Woincourt, à Friville-Escarbotin, à Béthencourt, à Fressenneville et à Feuquières.

Les 3 garçons savent qu’ils vont devoir partir au service militaire quand l’âge des 20 ans sera atteint. Il n’y a plus de tirage au sort, maintenant, et ils vont devoir passer deux années sous les drapeaux, au service de leur pays.

Georges, l’aîné, effectue son service militaire dans un Escadron du Train. Il débute en octobre 1910, au 2e Escadron, puis, passe au 5e, partant alors mener des opérations militaires dans les confins du Nord-marocain.  Fin 1912, libéré des obligations militaires, il peut reprendre son travail en usine.

Lucien est affecté au 128e Régiment d’Infanterie. Il est incorporé en octobre 1911. La proximité de la caserne, située à Abbeville, lui permet de revenir assez souvent en permission. La commune de Feuquières dispose de deux gares sur son territoire pour permettre de prendre le train de la ligne de chemin de fer qui relie Abbeville au Tréport. Il y a la gare principale et la gare de Feuquerolles. Il est libéré du service militaire en novembre 1913, alors que son jeune frère, Eugène, vient juste de débuter le sien.

Après être passé devant le Conseil de Révision de Moyenneville, Eugène a été affecté  au 29e Régiment d’Artillerie, caserné à Sissonne. C’est avec ce régiment qu’il a débuté la guerre, quelques dix mois plus tard. Si dans les premières semaines, la guerre de mouvement utilisait essentiellement les fantassins et les cavaliers pour mener les combats, à partir de la mi-septembre 1914, l’artillerie prend un rôle déterminant. Les canons vont devenir alors la meilleure arme pour vider les tranchées de leurs défenseurs. Des deux côtés.

L’Argonne, la Meuse, la Somme, la Marne. Eugène évolue sur les différents champs de bataille du Front de l’Ouest.  En août 1916, il est cité à l’ordre du régiment comme « téléphoniste à la batterie toujours le premier pour accomplir les missions périlleuses. A assuré la liaison téléphonique avec l’infanterie de première ligne pendant trois jours sous un bombardement violent ». L’observation de l’ennemi et la communication entre l’état-major et les soldats sont primordiales dans une guerre de position où la moindre erreur se paie au prix de nombreuses vies.

En janvier 1917, Eugène quitte le sol français. Il est affecté au 1er Régiment d’Artillerie de Montagne et part avec l’Armée d’Orient. Il ne revient en France qu’en février 1919, plus de trois mois après la signature de l’Armistice. Il est définitivement démobilisé en août 1919. Si Eugène n’a subi aucune blessure externe lui ayant laissé une trace, il a été gazé. Les différentes commissions militaires qui l’examineront après la guerre mettront en évidence un « scélo-emphysème pulmonaire » et lui accorderont une pension de 30%. Son état est toutefois jugé « passable » par les médecins militaires.

Georges PRUVOT, le frère aîné, a été mobilisé début août 1914. En décembre 1915, il a été détaché pendant deux années aux établissements de serrurerie Guerville-Riquier, transformés, pour l’occasion, en usine d’armement. En janvier 1917, lui qui pensait certainement en avoir fini avec les champs de bataille, a intégré le 1er Régiment de Zouaves. Il est revenu indemne – ou presque – de la guerre, et a pu rentrer chez lui en avril 1919.

Pour Lucien PRUVOT, la guerre a été brève. Rappelé par la Mobilisation générale du 1er août 1914, il a rejoint le 128e à Abbeville, le lendemain. Le 5 août, le régiment quitte la Somme pour la Meuse. Il participe à la Bataille des Frontières, le 22 août, puis, suite à l’échec de l’offensive française, bat en retraite pour rejoindre la Marne. Lucien PRUVOT n’atteindra jamais le département de la Marne. Le 31 août 1914, alors que deux bataillons du 128e RI, dont celui d’Abbeville, sont missionnés pour retarder l’avancée de l’armée allemande, lancée à la poursuite des Français, plus de 130 jeunes hommes du 128e RI sont tués et 150 blessés gravement. Le combat se passe dans le petit hameau de Fontenois, dans les Ardennes. Lucien PRUVOT est tué sur le coup.

Pour Eugène et Georges, la vie a continué. Pas vraiment comme avant. Ils ont passé toute leur carrière professionnelle dans les usines de serrurerie du Vimeu. Ils se sont mariés et ont construit, l’un et l’autre, une belle famille. La santé d’Eugène n’était pas bonne, mais, la vie était quand même bien présente. Avait-il le droit de se plaindre, alors que son frère, Lucien, n’avait pas eu, lui, la chance de vieillir ?

Eugène et Georges PRUVOT ont survécu plus de cinquante années à la guerre, se revoyant régulièrement et évoquant certainement, quelquefois, une larme au coin de l’œil, le souvenir de Lucien, leur frère âgé de 23 ans pour toujours.

Eugène est mort le 17 août 1968, à Friville-Escarbotin, à l’âge de 76 ans, et Georges, en 1970, à Fressenneville à 82 ans.

Dans le territoire de leur Vimeu natal.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme.  Alain CAYEUX a réalisé la collecte de données pour la commune de Feuquières-en-Vimeu.

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