ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Germain FARCY de Millencourt-en-Ponthieu

Né le 17 décembre 1893, Germain FARCY est le fils d’Epiphane FARCY et de Marie PETIT.

Epiphane est menuisier dans le village de Millencourt-en-Ponthieu, comme l’était déjà son père.

Epiphane épouse Marie, également originaire de la commune, le 4 novembre 1873. La famille s’agrandit rapidement avec 4 enfants en 4 années : Mathilde, Joachim, Denise et Emile né en 1878. Puis vient Vulfranne en 1883. Les sept membres de la famille FARCY résident dans une petite maison de la Rue de Haut à Millencourt-en-Ponthieu.

Millencourt-en-Ponthieu est un village du canton de Nouvion, dans l’Ouest du département de la Somme, voisin de la ville de Saint-Riquier. La commune, dont le nom s’écrit parfois Millancourt, compte un peu plus de 330 habitants à la fin du XIXe siècle. L’activité économique principale est agricole. Les cultures sont celles du blé, du seigle, de l’orge, de l’avoine, de la vesce, de la pomme-de-terre et de la betterave. L’élevage est assez développé. On compte beaucoup plus d’animaux de ferme que d’habitants dans le village. Aux moissons, si de nombreuses actions se réalisent encore à la main, les cultivateurs font appel à une entreprise locale de battage avec un cheval. Si les fermiers sont nombreux, les artisans le sont presque autant. Dans la commune, il y a un ferblantier,  un maréchal-ferrant, un cordonnier, un meunier, des charpentiers, des peintres, plusieurs menuisiers et de nombreux maçons. La proximité de la commune de Saint-Riquier et aussi de la grande agglomération d’Abbeville, leur permet de trouver facilement des chantiers.

A Millencourt, il n’y a que deux commerces. Ils sont situés côte à côte dans la Rue d’Hesdin. Plusieurs familles s’y succèdent pour les tenir et si la nature des produits vendus change un peu selon les occupants, entre épicerie et charcuterie, on peut toujours y boire un coup. Deux débits de boissons à Millencourt, ce n’est pas trop !

Malgré la perte de Mathilde, leur fille aînée, décédée en bas âge, la vie d’Epiphane et de Marie est plutôt agréable. Au début des années 1890, la famille habite Rue du Bas. Les enfants, devenus des adolescents, pensent à leur avenir. Denise s’occupe de sa petite soeur et aide sa mère dans les tâches de mènage, Joachim est peintre et Emile suit les traces de son père comme apprenti-menuisier.

Le 17 décembre 1893, plus de dix ans après la naissance de leur dernier enfant, Marie et Epiphane sont à nouveau  parents. Le petit garçon prénommé Germain se porte bien.

Germain ne partage pas ses jeux d’enfants avec ses frères bien trop âgés, mais avec ses copains du village. Parmi eux il y a Marcel PETIT, Bernard DEMARET et Aurèle POIX, trois garçons nés comme lui en 1893.

Bernard DEMARET le fils du bourrelier habite Rue de la Cavée. Les deux autres copains résident dans la Rue du Haut. Il y a Marcel PETIT dont le père est menuisier à Abbeville et Aurèle POIX dont le grand-père est maçon.

Quatre petits gars de la classe 1913 qui sont loin de savoir ce que l’avenir va leur réserver.

En 1898, Germain FARCY perd un de ses deux frères aînés, Emile. Il avait 20 ans. Pour le petit Germain, âgé seulement de 5 ans, le traumatisme est bien réel. Trois ans plus tard, Germain perd sa maman. A huit ans, Germain sait déjà que la mort que prendre ceux qu’on aime…

Heureusement, les copains sont toujours là. Pas tous, car Aurèle POIX a suivi son père pour s’installer à Drucat, commune voisine située entre le village et Abbeville. Aurèle POIX est, comme Germain FARCY, orphelin de mère.

Les familles FARCY, PETIT et DEMARET sont implantées à Millencourt-en-Ponthieu depuis longtemps. De nombreux mariages les ont rassemblées et Germain FARCY, Marcel PETIT et Bernard DEMARET sont un peu cousins.

Ils sont souvent ensemble, aussi bien dans les chemins et pâtures du village, qu’à l’église pour y écouter les sermons de l’abbé RECULLET ou à l’école pour bénéficier du grand savoir de Monsieur RIOLLET, l’instituteur public.

Puis, adolescent, chacun de son côté apprend le métier du père. La vie d’adulte est déjà toute tracée. Ils seront artisans et vivront à Millencourt, comme leurs pères.

Travaillant souvent pour des clients abbevillois, Epiphane décide de déménager et d’installer son entreprise de menuiserie dans la capitale du Ponthieu. La famille s’installe Faubourg du Bois. Germain à 15 ans. Il quitte son village natal et ne revoit ses copains du village que très occasionnellement.

L’année de ses vingt ans, Germain passe devant le Conseil de Révision. Il y retrouve ses copains de Millencourt convoqués, comme lui, au bureau d’Abbeville Nord.

Germain FARCY est affecté au 17e Régiment d’Artillerie à La Fère, dans l’Aisne qu’il doit rejoindre le 27 novembre 1913. Les trois copains sont séparés mais qu’à celà ne tienne, dans trois ans, après la fin du service militaire, ils se retrouveront à Millencourt ou dans le secteur. Et promis, ils ne se perdront plus de vue…

En avril 1914, dans le cadre d’une réorganisation de l’armée, le 17e Régiment d’Artillerie où est affecté Germain FARCY s’installe provisoirement dans des casernes d’Abbeville et d’Amiens. A la déclaration de guerre, le 3 août 1914, le régiment d’artillerie quitte alors la Somme pour le département de la Meuse. Les premiers combats ont lieu dans l’Est de la France. S’il n’évite pas les maladies consécutives aux mauvaises conditions de vie sur le front, Germain FARCY évite les blessures pendant plus de deux années. Fin 1916, il est cité à l’ordre du régiment pour s’être « distingué à maintes reprises par son courage, notamment le 20 décembre 1916 en secourant sous le feu de l’ennemi ses camarades blessés ». Cette citation est accompagnée de la mention « grièvement blessé ». Germain FARCY est gazé.

Après deux mois de traitement, il revient au front. L’Armée a besoin d’hommes pour livrer ce qui doit être une grande offensive victorieuse, dans le Sud de l’Aisne, autour du Chemin des Dames. Après l’Aisne et la Marne, le 17e RA repart vers l’Est de la France. Le 18 août 1917, à proximité de la ferme La Clair dans la Meuse, Germain FARCY est à nouveau intoxiqué par les gaz. L’hospitalisation est plus longue que la première fois mais le 13 octobre, le courageux Germain revient une nouvelle fois pour participer aux combats en première ligne.

Quand Germain FARCY est définitivement démobilisé le 9 août 1919, son organisme montre déjà de nombreux signes de faiblesse. La méningite cérébro-spinale le frappe le rendant en partie paralysé. L’armée n’a aucun doute sur le lien de causalité entre l’état de Germain et la guerre. La première commission militaire qui l’examine, en 1920, le réforme temporairement et lui attribue une pension. L’année suivante, la réforme est devenue définitive et le niveau de la pension est très largement augmenté atteignant 65% ce qui correspond à un très lourd handicap. Si les médecins ne savent pas dire combien de temps Germain va survivre, chacun sait qu’il ne pourra plus reprendre comme avant son métier de menuisier. La guerre lui a brisé le corps. La guerre lui a cassé ses rêves. Mais Germain est vivant.

Son copain, Marcel PETIT,  n’a pas cette « chance ». Marcel a été tué dès le début de la guerre, pendant la Bataille de la Marne, le 8 septembre 1914. Il avait 20 ans.

Aurèle POIX, le copain qui avait quitté la commune de Millencourt pour s’installer avec son père dans le village voisin de Drucat, a lui aussi été tué. En août 1917, dans le secteur de Verdun, la vie s’est arrêtée pour lui à l’âge de 24 ans.

Après la fin de la guerre, Germain FARCY est revenu vivre chez ses parents, Faubourg du Bois à Abbeville. Fortement diminué, il tente d’apporter une aide à son père dans l’entreprise familiale. Germain a épousé Jeanne et une petite Yvette est née. Mais les séquelles de guerre sont bien trop importantes pour que le bonheur soit au rendez-vous. Germain est régulièrement convoqué par les commissions médicales de l’Armée, à Abbeville ou à Amiens. Son état de santé se détériore. Le 13 mars 1931, l’Armée prend enfin la décision de lui attribuer une pension à 100%. Le lendemain, Germain FARCY meurt. S’il n’est pas mort pendant la guerre, c’est pourtant bien la guerre qui l’a tué.

Bernard DEMARET, le troisième copain de Millencourt-en-Ponthieu, a survécu. Marié dans les premiers mois de la guerre, il a eu trois enfants, Marcelle, Marie-Louise et Pierre. Bernard est toujours resté près de son village natal. Il a vécu à Canchy puis à Drucat. Bernard a exercé la profession de bourrelier comme son père.

Le nom de Marcel PETIT figure sur le monument aux morts de Millencourt-en-Ponthieu et le nom d’Aurèle POIX est inscrit sur celui de Drucat. Celui de Germain FARCY mort à 37 ans à cause de la guerre n’a été gravé sur aucun monument.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

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