ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – les meuniers d’Oust-Marest

Né le 5 mai 1891, Maurice FOURNIER est le fils de Félix FOURNIER et de Léocadie FIQUET.

Les FOURNIER sont meuniers dans le Pas-de-Calais. Philémon, le grand-père paternel exploitait le moulin de Toutendal, un moulin à vent, situé à Alette dans le Pas-de-Calais. Ses fils deviennent eux aussi meuniers. Après une courte expérience au moulin de Grigny, Félix, le cadet de la fratrie, s’installe avec son épouse Léocadie et leur premier enfant, Alfred, à Huby-Saint-Leu dans le canton d’Hesdin. D’autres enfants suivront bientôt : Jules naît en 1882, Olive en 1884, Alphonse en 1886, Isidore en 1890 et Maurice en 1891. Félix devient le meunier du moulin d’Huby-Saint-Leu situé sur les eaux de la Ternoise.

Dans la grande fratrie de 5 garçons et 1 fille, seul Jules a choisi une autre voie professionnelle que celle tracée par son père. Il devient instituteur. Formé à l’Ecole Normale d’Arras, il est affecté dans des écoles du Pas-de-Calais.

En 1905 la famille FOURNIER quitte le département du Pas-de-Calais pour celui de la Somme. Les FOURNIER s’installent près de la Côte Picarde, dans la Vallée de la Bresle, à la limite avec le département de Seine-Inférieure. Omer LHOMME, le meunier d’Oust-Marest, a quitté la commune. Une place est à prendre ! Avec l’aide de ses fils, Félix reprend l’exploitation du moulin d’Oust-Marest, un moulin à eau situé sur le fleuve côtier, La Bresle.

Oust-Marest est un petit village de la Somme qui s’est bâti dans la Vallée de la Bresle entre Gamaches et la Ville d’Eu. Quand la famille FOURNIER arrive, la commune ne compte guère plus de 200 habitants. L’activité y est essentiellement agricole. La population est répartie entre le chef-lieu de la commune nommé Oust et les hameaux de Marest et de Gros-Jacques.  

Avec le développement de l’usine de serrurerie FICHET dirigée par Edouard PINOT et la construction d’une cité ouvrière, le nombre d’habitants d’Oust-Marest est quasiment multiplié par deux entre 1906 et 1911. Les fariniers d’Oust-Marest ne manquent pas d’ouvrage.

A la suite du décès de son mari Félix, Léocadie reprend la direction du moulin à farine aidé par sa fille Olive et ses fils Alfred, Alphonse, Isidore et Maurice.

A l’âge de 20 ans, Maurice FOURNIER, le benjamin de la fratrie, est convoqué devant le Conseil de Révision du bourg d’Ault, le chef-lieu de canton. Jugé apte au service armé, il quitte la Vallée de la Bresle pour la grande ville d’Amiens. Le 8 octobre 1913, il est incorporé à la 2e Section de Commis et d’Ouvriers de la Région militaire d’Amiens pour y effectuer ses deux années de service militaire obligatoire.

A l’exception du fils aîné Alfred exempté pour insuffisance cardiaque, les fils de Félix ont rempli leur devoir patriotique. Jules a effectué son service militaire au 8e Régiment d’Infanterie de Saint-Omer, Alphonse au 128e RI d’Abbeville et Isidore au 8e Bataillon de Chasseurs d’Amiens.

Quand la guerre éclate début août 1914, les fils de Léocadie sont mobilisables. Pour Maurice, la question est déjà réglée. Transféré en juin 1914 au 128e Régiment d’Infanterie pour y terminer son service militaire, il sait qu’il va participer aux premiers combats.

Alfred, l’aîné, n’est pas concerné par l’ordre de Mobilisation générale. Pendant toute la durée du conflit, des commissions de réforme réunies à Ault et à Abbeville viennent confirmer son incapacité d’être appelé pour insuffisance mitrale.

Jules, recruté dans le Pas-de-Calais, est mobilisé au 8e RI à Saint-Omer.

Quand Alphonse et Isidore reçoivent leur affectation pour le 128e RI, le bonheur de retrouver leur petit frère atténue la peine de quitter leur mère, leur frère Alfred et leur sœur Olive. Les 3 plus jeunes fils de la famille FOURNIER d’Oust-Marest débutent la guerre au sein du 128e Régiment d’Infanterie de la Somme. Le régiment quitte la Somme le 5 août 1914 pour rejoindre les frontières de l’Est de la France.

Les premiers combats entraînent les hommes du 128e RI en Belgique, près de Virton, puis dans les Ardennes et dans la Marne. A la mi-septembre 1914, le régiment a perdu plus de la moitié de ses hommes. Les 3 frères ont survécu. Mais tant de jeunes hommes de leur secteur y ont laissé la vie.

Joseph FRÉTÉ de Bourseville et Marcel THERON de Saint-Quentin-la-Motte sont morts à Fontenois dans les Ardennes le 31 août. Etienne VACOSSAINT et Séraphin CAUCHOIS de Gamaches, tout comme Louis HURTEL d’Ault ont disparu début septembre dans le secteur de Maurupt-le-Montois dans la Marne.

Le 12 septembre, le 128e RI se dirige vers la forêt d’Argonne pour y débuter une nouvelle guerre, celle des tranchées. Les Allemands se sont repliés à la suite de la défaite subie pendant la Bataille de la Marne. Installés quelques kilomètres plus au Nord, ils creusent des tranchées et attendent les troupes françaises. C’est le début de la guerre de position. Une guerre qui va durer quatre années. Pour le 128e RI, c’est le Bois de la Gruerie qui est le cadre de cette guerre absurde et meurtrière.

Dès les premiers jours de combat, Maurice FOURNIER est gravement blessé. Transporté vers l’hôpital de Sainte-Menehould, il meurt de ses blessures le 21 septembre 1914.

La pauvre Léocadie reçoit, quelques jours plus tard, la visite de Monsieur LUGAND, le maire d’Oust-Marest venant lui annoncer la triste nouvelle. Le plus jeune de ses fils est mort. En plus de la tristesse insoutenable, c’est l’interminable attente qui débute pour Léocadie Veuve FOURNIER. Quand reviendront ses trois autres fils ? Reviendront-ils ?…

Jules FOURNIER, l’instituteur, disparaît le 12 juin 1918.

Isidore FOURNIER est tué le 20 juillet 1918 dans le Sud de l’Aisne.

La mort a frôlé plusieurs fois Alphonse FOURNIER. Mais Alphonse survit à la guerre étant même cité à l’ordre du régiment notamment pour « son activité et son intelligence ayant montré un dévouement pendant la Bataille de la Somme les 4, 5 et 6 septembre 1916 ». Alphonse est démobilisé le 10 mars 1919.

Jules n’est pas mort. Capturé par l’ennemi et interné en Allemagne, il est rapatrié en France le 16 janvier 1919. Dès lors, Jules retrouve son métier d’instituteur, dans le Pas-de-Calais.

Alphonse s’installe avec son épouse Marthe dans une petite maison de la Route de Dieppe à la Ville d’Eu. Il est grainetier.

Après la guerre, Léocadie a, quant à elle, continué à exploiter le moulin avec l’aide de son fils aîné Alfred et de sa fille Olive. Peu à peu, la vieille dame a laissé la place à son fils aîné qui est devenu le meunier d’Oust-Marest assisté par la fidèle Olive. Alfred s’est marié à l’automne de sa vie.  A l’âge de 76 ans, il a épousé, à Oust-Marest, Hélène DECAYEUX.

Les 4 membres de la fratrie FOURNIER sont toujours restés très proches. En retraite de l’Education nationale, Jules est revenu vivre dans le village de son frère aîné et de sa sœur. Le village où la famille FOURNIER avait vécu tant de bonheurs et où la solidarité lui avait permis d’affronter les terribles pertes d’Isidore et de Maurice.

Les survivants de la fratrie FOURNIER ont tous les quatre dépassé l’âge de 80 ans.

C’est à Oust-Marest qu’Alfred et Jules sont morts en 1965. Olive s’est éteinte en 1967 et Alphonse en 1969 à l’âge de 84 ans.  

Les benjamins de la fratrie, tués à cause de la Grande Guerre, n’ont jamais vieilli. Ils ont 22 et 28 ans pour toujours.

Les noms des deux jeunes frères Isidore et Maurice FOURNIER sont inscrits sur le monument aux morts du village. Ils sont les représentants d’une famille si éprouvée par la Grande Guerre, une famille venue du Pas-de-Calais exploiter pendant plusieurs décennies le moulin à eau d’Oust-Marest.

Xavier BECQUET

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