ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – André LEMAIRE de Vaux-en-Amiénois

Né le 26 mai 1894, André est le fils d’Alfred LEMAIRE et d’Albertine GAMBIER.

La ferme d’Alfred et d’Albertine est située dans la Rue du Bout de Magniez à Vaux-les-Amiens.

André est fils unique.

Vaux-les-Amiens est un village de 550 habitants situé dans le canton de Villers-Bocage, au Nord d’Amiens. Les hommes de la commune sont cultivateurs ou ouvriers agricoles ou tisseurs. On trouve plusieurs métiers à tisser les velours dans les maisons de Vaux. Les artisans à domicile travaillent essentiellement pour les grandes fabriques de velours dont les plus importantes sont celles de la famille Cosserat à Amiens et Saleux.

André LEMAIRE aide ses parents pour les travaux de la ferme. Sur le territoire de la commune, les terres cultivables sont utilisées essentiellement pour y récolter avoine, blé, seigle et orge. L’élevage y est aussi important. Le lait et les produits de la basse-cour s’écoulent facilement sur les marchés d’Amiens.  La capitale régionale est située à moins de 10 kilomètres de Vaux.

Les principaux copains d’André LEMAIRE sont les garçons du village avec lesquels ils partagent les mêmes bancs d’école. Au début du XXe siècle, à Vaux-les-Amiens, on trouve en moyenne deux à trois garçons par année de naissance.

Marcel DUPUIS, Raoul DELHOMEL et Raoul DIRSON ont quelques mois de plus qu’André LEMAIRE.

Bernard MAURICE et Jules HERICOURT sont nés en 1894, comme André.

Amédée GORLIER, Alexandre FERON sont nés en 1895. Maurice CANDILLON et Kléber DARRAS l’année suivante.

Tous ces garçons se connaissent très bien. Certains sont fils de cultivateurs comme André LEMAIRE, Jules HERICOURT, Alexandre FERON. D’autres sont fils de tisseurs comme Amédée GORLIER, Maurice CANDILLON, Bernard MAURICE. Et les pères des autres sont journaliers ou ouvriers agricoles. Raoul DIRSON est le fils de l’instituteur du village.

Les jeunes hommes savent qu’ils seront convoqués l’année de leurs 20 ans devant le Conseil de Révision de Villers-Bocage. Depuis la fin de la guerre de 1872, le service militaire est devenu obligatoire. Dans un premier temps, c’était par tirage au sort. Les plus riches pouvaient acheter les bons numéros et les plus pauvres quittaient leur famille pour cinq années. Les exemptions étaient nombreuses dans certaines catégories professionnelles.

Les lois ont progressivement modifié le système profondément inégalitaire. En 1905, le service militaire devient obligatoire pour tous, y compris pour les ecclésiastiques. La durée de service actif passe à deux années.

Les jeunes de Vaux s’attendent donc à aller servir leur pays pendant deux années. Les régiments sont nombreux dans la Somme et dans les départements voisins. Il n’y aura certainement pas besoin d’aller bien loin et les permissions leur permettront de revoir souvent leurs familles.

Le service militaire n’est pas attendu avec une appréhension particulière. Quand on est un jeune homme en bonne santé, on sait qu’il faut le faire. C’est comme ça…

Le 1er août 1914, quand les gendarmes placardent l’affiche de Mobilisation générale sur le mur de la mairie de Vaux, c’est la consternation. Bien sûr que la situation internationale de ces dernières années dans les Balkans pouvait laisser présager une guerre entre les principales nations européennes, mais dans le village personne ne croyait qu’elle allait vider les villages de ses hommes.

Marcel DUPUIS, Raoul DELHOMEL, Raoul DIRSON et Bernard MAURICE sont déjà sous les drapeaux quand la guerre est déclarée. Les hommes qui ont plus de 23 ans doivent préparer leurs affaires. Les moins de trente ans rejoignent, dès le lendemain, la gare de Flesselles. Ceux qui ont entre trente et quarante ans partiront quelques jours plus tard. D’autres, encore plus âgés, sont rappelés pour assurer des tâches d’intendance.

Dans ce contexte si particulier, la situation des jeunes hommes de 20 ans ou moins est bien difficile à vivre. Ils ne doivent pas répondre à l’ordre de mobilisation générale. Ils restent dans leur village avec les femmes, les enfants et les vieillards. Pendant quelques semaines, ils deviennent « les hommes du village ». Alors que les journaux annonçaient un conflit court, il n’en est rien. Avant fin août, il faut songer à effectuer les moissons. Ce sont les jeunes comme André LEMAIRE et ses copains qui sont à la manœuvre.

André LEMAIRE est appelé le 5 septembre 1914. Il rejoint le 128e Régiment d’Infanterie qui était caserné à Abbeville avant la guerre. Début septembre 1914, les jeunes hommes du 128e RI sont dans la Marne, près de Pargny-sur-Saulx. Déjà fortement éprouvés par les premiers combats meurtriers en Belgique et dans les Ardennes, ils s’apprêtent à livrer leur Bataille de la Marne. En quelques semaines, les pertes sont déjà nombreuses.

André LEMAIRE ne part pas immédiatement combattre. Il doit être formé au préalable. Il rejoint le dépôt du 128e RI à Landerneau en Bretagne où il suit une instruction militaire de plusieurs semaines. Le 10 décembre 1914, il est jugé apte au conflit armé et rejoint les rescapés du 128e RI en Argonne. Il découvre l’enfer des tranchées du Bois de la Gruerie, une vision d’apocalypse emplie de mort, de sang, de froid, de boue…

C’est à quelques kilomètres à l’ouest de ce secteur, à la ferme de Beauséjour, qu’André LEMAIRE est tué moins de trois mois après être arrivé au front.

Alfred et Albertine LEMAIRE ont perdu leur seul enfant, leur fils unique. Il n’avait pas encore 21 ans.

Les copains de Vaux, plus jeunes qu’André LEMAIRE, sont partis aussi faire la guerre. Rappelés en décembre 1914 ou dans les mois suivants, ils ont tous connu l’enfer de la guerre.

Jules HERICOURT a été tué en septembre 1915, à l’âge de 20 ans, dans les Vosges. Amédée GORLIER est mort en 1916 à la Tranchée de Calonne. Il avait 21 ans.

Bernard MAURICE, blessé par balle en 1915, a perdu l’œil droit. Alexandre FERON a été blessé à plusieurs reprises. Des éclats de grenade lui ont arraché une partie de la main droite. En avril 1918, il a été évacué pour intoxication au gaz. Kléber DARRAS a reçu une balle qui lui a traversé les deux joues. Maurice CANDILLON, blessé et évacué à plusieurs reprises, a été fait prisonnier en mars 1918. Il a fini la guerre dans un camp de prisonniers en Allemagne.

Quant aux plus âgés, leur sort n’est guère plus enviable. Marcel DUPUIS a été blessé à la main gauche. Raoul DELHOMEL gazé et blessé n’a jamais pu retrouver une vie normale. Et Raoul DIRSON, le fils de l’instituteur, ne s’est jamais vraiment remis de la fièvre typhoïde contractée en juin 1915.

Aucun des dix garçons du village qui avaient entre 17 et 22 ans quand la guerre a été déclarée n’est revenu indemne ! Mais même blessés ou malades, sept d’entre eux sont revenus vivants, pour le plus grand bonheur de leurs parents.

Dans la ferme LEMAIRE, la perte du fils unique a détruit la vie des parents, victimes eux aussi de cette terrible guerre.

Rendre le plus grand hommage possible à leur fils, mort à 20 ans, était indispensable. Cet hommage ne leur ramènerait pas le fruit de leur amour mais ça mettrait en évidence la grandeur du sacrifice.

Dans le cimetière du village de Vaux-les-Amiens (devenu Vaux-en-Amiénois), une statue se dresse fièrement dominant toutes les autres tombes. Elle représente un soldat du 128e Régiment d’Infanterie. Sur le socle où repose la statue est gravé le nom d’André LEMAIRE. Jeune paysan d’un village de la Somme, mort pour la France. A l’âge de 20 ans.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

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