ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Armand CRIMET de Brucamps

Né le 16 août 1892, Armand CRIMET est le fils d’un ouvrier agricole. C’est à Brucamps, village de la Somme de 300 habitants, situé entre Ailly-le-Haut-Clocher et Domart-en-Ponthieu, qu’Armand voit le jour, à six heures du soir. Son père, Louis, va à la mairie pour en faire la déclaration, moins d’une heure après la naissance. Il est accompagné d’Adolphe Oger, le coquetier, et d’Auguste Lafosse, le menuisier.

Louis, le père, est originaire du village voisin de Domqueur, et Aglaé, la mère, de Brucamps.

C’est Rue du Rossignol que le couple s’installe. Adrien, né en 1886, est le premier enfant, suivi d’Henri, de Lucienne, et d’Armand, en 1892.

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Les parents sont ouvriers agricoles dans la ferme d’Edouard Oger. Adrien, leur fils aîné, dès qu’il est en âge de travailler, est domestique chez Alfred Oger. A Brucamps, les 1 300 parcelles du territoire se répartissent en 35 exploitations agricoles, en cette fin de XIXe siècle. Seules trois fermes, dont celles des Oger, disposent de plus de 50 hectares. C’est dans ces fermes qu’on trouve la plupart des ouvriers et domestiques agricoles du village.

A l’exception de quelques habitants utilisant des métiers pour le tissage à la main de la grosse toile de jute, et des artisans dont l’activité est liée à la présence des chevaux dans l’agriculture, maréchal-ferrant ou charron, la population de Brucamps travaille dans les fermes et dans les champs. Même les enfants.

La mortalité infantile touche fortement les familles à cette époque. Henri, le 2e de la fratrie, décède à l’âge de 10 ans seulement.

Adolescent, Armand est placé comme ouvrier de ferme chez Masse. Il bénéficie du gîte et du couvert. Armand est un grand jeune homme d’1,87m (un géant, à l’époque !) aux cheveux châtains et aux yeux bleus. Armand a fréquenté très irrégulièrement les bancs de l’école de Monsieur Delhomel, l’instituteur public. Il y avait tellement à faire dans les fermes ! Il ne sait donc ni lire, ni écrire.

Après avoir perdu Henri, les parents sont à nouveau plongés dans le deuil avec la mort du fils aîné, Adrien, en 1910. Des trois fils, seul Armand est encore en vie quand la guerre est déclarée le 3 août 1914. Armand effectue son service militaire au 3e Régiment de Génie d’Arras. Il est affecté comme sapeur à la 3e Compagnie du 2e Bataillon. Le Conseil de Révision d’Ailly-le-Haut-Clocher, réuni à l’Hôtel de ville, l’a jugé apte.

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Le 7 août 1914, la 3e Compagnie quitte Arras et débarque à Charleville. Elle entre en Belgique et est à Marcinelles le 21 août. L’issue désastreuse des combats impose une retraite de l’Armée française. Les sapeurs détruisent les ouvrages d’art et accumulent les obstacles sur les routes pour ralentir la progression des Allemands. Le 3 septembre,  les sapeurs font sauter le pont de Fismes sur la Vesle, puis ils minent celui de Verneuil, sur la Marne. Opération parfaitement inutile puisque les Allemands franchissent la Marne en radeaux…

Après la Bataille de la Marne, l’activité des sapeurs comme Armand est essentiellement de construire et de consolider des tranchées pour une guerre de position qu’on sait devoir durer longtemps. Ils sont également sollicités pour pratiquer des brèches à la cisaille dans les réseaux de barbelés ennemis, en Marne et en Argonne. Le 5 mars 1915, Armand est évacué malade vers l’hôpital de Saint-Pol-de-Léon. A son retour, après quatre mois d’hospitalisation et de convalescence, il change de Compagnie et passe à la 2e du 1er Bataillon. Mais son état de santé se dégrade. Les conditions de vie et de travail dans les tranchées sont difficiles à supporter, même pour un fort gaillard comme l’était Armand avant la guerre. Il est évacué à plusieurs reprises pour maladie. Il fréquente l’hôpital de Neufchâteau, dans les Vosges, puis celui de Saint-Omer, celui de Brest-Kervallon, celui d’Angers. Armand est gravement malade. Les problèmes gastriques sont récurrents et l’état de ses poumons ne lui permet plus de respirer normalement.

C’est pendant son dernier séjour hospitalier que la Commission de réforme d’Angers le déclare inapte, fin octobre 1917, pour « tuberculose pulmonaire aggravée aux armées »  et le renvoie chez lui, à Brucamps. En avril 1918, il perçoit une gratification de 500 francs. Il est maintenant loin du front, en sécurité, même si la présence permanente de troupes britanniques et australiennes, en repos ou en entraînement, dans le secteur montre que la guerre n’est pas si éloignée que ça. Même éloigné des champs de bataille et des tranchées, dans son village de Brucamps, en paix, la guérison ne vient pas.

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Croquis de Geoffrey K. ROSE, Oxfordshire and Buckinghamshire Light Infantry – village de Brucamps – 19 février 1917 (Imperial War Museum)

Armand CRIMET meurt le 12 avril 1919, dans la maison familiale de Brucamps. Bien que mort après l’Armistice, Armand est déclaré Mort pour la France et son nom sera inscrit sur le monument aux morts de Brucamps, en juillet 1921. Aglaé, devenue veuve pendant la guerre, n’a plus de fils. La guerre lui a pris le troisième. Sa seule consolation est d’avoir pu être présente à ses côtés jusque dans les derniers instants, « chance » que n’ont pas eu les parents d’autres jeunes qui avaient le même âge qu’Armand, comme Albert PHILIPPE ou Raoul BRAILLY. Comme Armand, ils étaient, eux aussi, ouvriers de ferme à Brucamps, avant la guerre, et eux aussi ont perdu la vie en pleine jeunesse.

Il n’y a plus de CRIMET à Brucamps.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme.  André MELET a réalisé la collecte de données pour la commune de Brucamps.

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