Né le 30 mars 1888, Georges CARPENTIER est le fils d’Hector CARPENTIER et de Léonide BELLET.
Les parents d’Hector sont originaires du canton de Campagne-lès-Hesdin dans le Pas-de-Calais, secteur mitoyen du département de la Somme.
Hector a épousé Léonide, une jeune femme de la commune de Le Boisle, village de la Somme séparé du Pas-de-Calais par le pont qui enjambe l’Authie. Hector CARPENTIER est berger.

Le couple s’installe à Le Boisle où naissent leurs premiers enfants Nestor, en 1884 et Maria en 1886. Il déménage ensuite vers Crécy-en-Ponthieu. Deux autres enfants y voient le jour, Georges et Florida.

Les changements de lieu de résidence s’enchaîneront à un rythme soutenu pour le berger de Campagne-lès-Hesdin. Les lieux de naissance des enfants le prouvent : Alfrédine naît en 1895 à Us en Seine-et-Oise et Léon, le benjamin de la fratrie, à Lattainville dans l’Oise en 1900. Le périple de la famille se poursuit à Chauvincourt dans l’Eure. L’herbe est-elle plus verte ailleurs ?
Le jeune Georges vit son enfance entrecoupée de déménagements. Il n’a pas vraiment le temps de nouer de solides relations d’amitié avec les garçons de son âge.

Adolescent, Georges travaille dans la ferme des POTTIVIER à Butry près d’Auvers-sur-Oise. Il tombe amoureux de la fille des fermiers avec laquelle il quitte la région. Ils ne sont majeurs, ni l’un ni l’autre. Le couple décide de rejoindre Crécy-en-Ponthieu, commune où Georges n’est resté que trois ans à peine au début de sa vie et dont il ne se souvient pas vraiment. En juin 1905, il trouve un emploi aux mines de phosphates de M. DESTOMBES. Georges et son amoureuse résident rue de la Croix et Donjon.

En mars 1906 naît Paulette. Le 20 juillet de la même année, Georges CARPENTIER et Marthe POTTIVIER se marient. L’activité n’est pas en continu dans la mine de phosphates. Georges participe aux moissons dans la ferme de Butry. Il fait les vendanges à Chanteloup-les-Vignes. De retour à Crécy, il est employé à la râperie pour la saison de betteraves.

(coll. privée Béatrice MILLETRE)
Renée, la deuxième fille du couple, naît en avril 1908. Après cet intermède de moins de trois années à Crécy, Georges et Marthe quittent la Somme pour repartir en Seine-et-Oise. La famille s’installe dans la ferme des POTTIVIER à Butry. Georges devient carrier chez M. RENAULT puis entre à l’usine de jantes de Méry, village voisin de Butry. Il est employé au cintrage des garde-boues.
Il est convoqué devant le Conseil de révision de Pontoise le 4 mars 1909. Jugé apte au service armé, Georges CARPENTIER est affecté au 128e Régiment d’Infanterie. Il rejoint la 12e Compagnie du régiment casernée au Fort de l’Est à Saint-Denis. Il écrit un journal où il consigne textes, chansons et dessins.

Pendant la grande inondation de Paris en 1910, les hommes du 128e RI sont sollicités pour apporter leur aide aux sinistrés.

Fin septembre 1911, Georges est libéré et rejoint sa famille à Valmondois, village voisin de Butry, où vit maintenant sa famille et sa belle-mère devenue veuve.
En avril 1913, c’est à Parmain, autre village du secteur de Butry, qu’on retrouve les CARPENTIER. Ils y tiennent un café dans la Grande-Rue. Le fils du fermier voyageur va-t-il enfin s’installer définitivement quelque part ?

Début 1914, Georges est convoqué à Abbeville dans la Somme pour une période d’instruction militaire de trois semaines.
« Tout passe, même vite, voilà plus de deux ans que j’ai quitté le 128ème, assurément c’est deux années-là m’ont semblé moins longues que le temps que j’ai passé là-bas mais en somme cela n’a pas été bien terrible, je n’ai jamais été malade, jamais puni et je suis parti avec les bons souvenirs de mes camarades.
Cette année, j’ai accompli une période d’instruction de 23 jours et j’ai eu le plaisir de revoir les petits patelins que nous avions traversés pendant les manœuvres de Picardie. J’étais affecté à la même compagnie que pendant mon service ce qui fait que j’ai retrouvé à Abbeville tous les camarades que j’avais au Fort de l’est à St Denis. » écrit-il dans le journal qu’il tient.

Georges ne s’attendait pas à revoir ses copains aussi rapidement. Le 2 août 1914, répondant à l’ordre de Mobilisation générale, il arrive en train à Abbeville et se dirige avec plusieurs centaines de jeunes hommes de son âge, vers la caserne Courbet du 128e Régiment d’Infanterie.
Le 5 août, les hommes mobilisés, dotés de leurs uniformes, de leur armement et de leur matériel, quittent la Somme pour les frontières de l’Est de la France. Ils arrivent neuf heures plus tard en gare de Dun-sur-Meuse.
Le 22 août, le 128e RI participe aux combats près de Virton en Belgique, puis le 31 août, deux bataillons, dont celui dans lequel est affecté Georges, combattent à Fontenois dans les Ardennes. Les victimes se comptent par centaines. Quand le régiment arrive dans le sud de la Marne début septembre, les rangs sont clairsemés. Les renforts arrivent en nombre pour remplacer les morts, les blessés et les prisonniers.

Le 128e est positionné dans la vallée de la Saulx, près de Maurupt-le-Montois. L’ordre est donné d’empêcher les troupes allemandes de progresser vers le sud. Du 6 au 10 septembre, plusieurs centaines d’hommes du 128e sont mis hors de combat. Le régiment est décimé. Georges CARPENTIER est au nombre des victimes. Il meurt de ses blessures. Il avait 26 ans. Paulette et Renée sont orphelines. Leurs vies seront marquées à jamais par le drame qui vient de toucher la famille CARPENTIER.

Et d’autres drames sont à déplorer pour les deux petites orphelines …
Leur oncle Jean-Baptiste DELBECQ, le mari de Florida CARPENTIER, la soeur de leur père, n’est jamais revenu. Blessé à plusieurs reprises pendant le conflit, il a été porté disparu en août 1918. Il avait 30 ans.
Leur oncle Gabriel POTTIVIER, le frère de Marthe, leur mère, a lui aussi été tué pendant la Grande Guerre à l’âge de 25 ans.

(coll. privée Béatrice MILLETRE)
Mais, pour les vivants, il faut continuer… Après la guerre, Marthe, jeune veuve de guerre, s’est remariée avec Auguste CLEMENT, un rescapé de la Grande Guerre. Un garçon prénommé Jacques est né de leur union.
A l’âge adulte, Paulette CARPENTIER, l’une des deux orphelines de guerre, s’est mariée avec Georges MERCIER, un représentant en grains de qui elle a divorcé en 1940. Il a fondé ensuite l’entreprise des « Housses Carpentier ». Paulette est décédée à Paris en 1981.

Renée, la deuxième orpheline de guerre, a épousé Emile DURAND. Une nouvelle rude étape de vie l’attendait quelques années plus tard…
En août 1944, Renée DURAND née CARPENTIER a été déportée au camp de Ravensbrück avant d’être transférée à Gartenfeld. Elle a été libérée en avril 1946. Même si elle n’a pas combattu et que son nom n’est inscrit sur aucun monument aux morts, marquée au plus profond d’elle-même par les épreuves subies, Renée est une victime des deux guerres. Elle s’est éteinte au Val-de-Grace le 28 novembre 1989 d’une rupture d’anévrisme.
Le nom de Georges CARPENTIER n’est pas inscrit sur le monument aux morts de Crécy-en-Ponthieu, village de la Somme où il est né mais il n’est pas pour autant oublié. Son nom est gravé sur le monument de Parmain, une des nombreuses communes où il a vécu.

Didier BOURRY, Danièle REMY et Xavier BECQUET, avec l’aide précieuse de Béatrice MILLETRE
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