ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Georges et Georgette

Né le 1er janvier 1892, Georges est le fils d’Alfred PORET et d’Alix CHABAILLE.

Georges est le premier enfant du couple. Il naît à Saint-Sauflieu dans la ferme de ses parents, située au bord de la route nationale qui relie Paris à Dunkerque.

Alix est originaire de la commune. Ses grands-parents maternels, qui l’ont élevée, étaient cultivateurs dans la même rue. C’est ici que se sont installés Alix et Alfred après leur mariage.

Alfred, lui, est originaire des hauts de Prouzel, petit village situé à moins de trois kilomètres de Saint-Sauflieu. Ses parents sont également cultivateurs. Quand la petite fille de cultivateurs de Saint-Sauflieu rencontre le fils de cultivateur de Prouzel, la suite de l’histoire est évidente.

Alfred et Alix sont donc devenus fermiers. Georges et Georgette, leurs enfants, vont certainement suivre la même voie. Il faut dire qu’à Saint-Sauflieu, commune du canton de Boves située à 14 km au Sud d’Amiens, l’activité est maintenant presque uniquement liée à l’agriculture. La petite industrie qui occupait encore une vingtaine de cordonniers et plus de 25 couturières a disparu. L’exode rural a durement frappé la commune qui a perdu en cinquante ans plus de la moitié de ses habitants. Le développement industriel de l’agglomération amiénoise a attiré de nombreuses familles. Au début du XXe siècle, Saint-Sauflieu est donc avant tout un village agricole.

Georges est né le 1er jour de l’année 1892 et son unique sœur, Georgette, est née le 30 juin 1894. Le frère et la soeur sont très proches.

C’est avec la ville d’Amiens que se font tous les échanges. La capitale régionale est le centre des relations commerciales pour les céréales, le bétail et les produits de la basse-cour. Le lait produit à Saint-Sauflieu est quotidiennement exporté à Amiens. Dans la ferme des PORET il y a un cheval et quelques bêtes. La basse-cour et la laiterie donnent d’excellents rapports grâce aux relations journalières avec Amiens. Les habitants réclament un tramway électrique pour faciliter les déplacements vers Amiens mais aussi vers Breteuil. Les haltes du chemin de fer les plus proches sont situées à Flers-sur-Noye et à Prouzel ce qui ne facilite pas l’utilisation du train pour la population de Saint-Sauflieu. Il est donc souvent plus rapide de gagner la ville d’Amiens en voiture à cheval ou même à pied. Les voitures à moteur, on en voit passer quelques unes mais personne n’en possède à Saint-Sauflieu.

Georges et Georgette aident leurs parents dès leur plus jeune âge. Et quand ils ne sont plus obligés de fréquenter l’école du village, travailler à la ferme devient leur activité principale.

A l’adolescence, les deux enfants de la fratrie PORET perdent leur mère. Leur présence dans la petite ferme de la Route Nationale devient encore plus indispensable.

Mais un garçon sait qu’il doit consacrer une partie de sa vie pour défendre son pays. Il doit effectuer deux années de service actif à l’issue desquelles il restera à la disposition de l’Armée pendant plus de vingt années. De plus, à tout moment, un homme adulte peut être rappelé.

A 20 ans, Georges est convoqué pour passer devant le Conseil de Révision de Boves. Il est jugé apte au service armé. Affecté au 51e Régiment d’Infanterie de Beauvais, il rejoint la Caserne Watrin le 8 octobre 1913.

Plusieurs jeunes hommes du secteur l’accompagnent : Albert GUENARD de Fossemanant, François MAGNIEZ de Rumaisnil, Georges MILLE de Taisnil, Albert LONGCHAMP de Dury, Jules PETIT de Velennes. Les deux années à venir seront moins difficiles. Ils pourront parler du pays. Ces jeunes hommes savent aussi qu’ils ont de la chance car la loi des 3 ans qui vient d’être votée à l’été 1913 ne les concerne pas. Ceux de la Classe 1912 n’effectueront que deux ans de service actif. Les conscrits de la Classe 1913 devront trois années de leur vie à l’Armée…

Qu’importe la classe d’âge, la Mobilisation générale du 1er août 1914 concerne tous les hommes adultes, ou presque.

Le 51e Régiment d’Infanterie quitte Beauvais le 5 août et débarque en gare de Stenay, dans le département de la Meuse, dans la nuit du 5 au 6 août. Dès le lendemain, le 3e Bataillon du régiment est envoyé en Belgique près de Tintigny et Rossignol comme soutien de la 4e Division de cavalerie qui effectue des missions de reconnaissance. Georges PORET a encore un peu de répit. Il est affecté au 2e Bataillon. Pour lui, le baptême du feu a lieu le 22 août. Après avoir franchi la frontière belge dans la nuit, son bataillon reçoit l’ordre d’attaquer l’ennemi qui garnit les crêtes dominant Villers-la-Loue près de Virton. Les pertes du régiment sont importantes avec plusieurs dizaines de morts et plusieurs centaines de blessés. La guerre a vraiment débuté le 22 août pour Georges PORET et les rescapés du 51e RI, n’épargnant personne, pas même les officiers. Le commandant de la Compagnie à laquelle appartient Georges PORET a, lui-même, été gravement blessé.

Pendant la Retraite de l’Armée française, le 51e RI livre des combats dans la Meuse, à Cesse. Les morts sont nombreux. Georges voit tomber son copain de Velennes, Jules PETIT.

Le 31 août, à Fontenois dans les Ardennes, son copain de Fossemanant, Albert GUENARD, est blessé à la cuisse gauche par shrapnel.

Dans les semaines qui suivent, les pertes sont encore plus importantes. Pendant l’automne, le 51e RI est bloqué dans la Forêt d’Argonne, près de Servon. Le copain de Rumaisnil, François MAGNIEZ, blessé aux jambes par éclats d’obus, est évacué en novembre. La guerre des tranchées s’installe durablement et les organismes commencent à souffrir de l’humidité et du froid.

Quand le 51e RI est envoyé dans le secteur de Beauséjour, dans la Marne, au début de l’année 1915, les pertes du régiment s’élèvent déjà à plus de la moitié des effectifs du départ. Au printemps, les rescapés, renforcés par des recrues venant de toute la France, sont dirigés vers les tranchées de la Woëvre au Sud-Est de Verdun. Puis, le 31 mai, ils relèvent les hommes du 128e RI de la Somme sur la crête des Eparges. Les combats y sont particulièrement violents.

Georges PORET ne reviendra pas à Saint-Sauflieu. Le 8 juin 1915, il meurt dans l’ambulance aux Carrières d’Haudiomont, dans la Meuse, des suites de ses blessures.  

Quelques jours plus tard, son copain de Dury, Albert LONGCHAMP perd également la vie dans le même secteur.

Sur les six copains qui ont débuté leur service militaire ensemble, à Beauvais, quatre sont morts pendant la guerre. Jules PETIT en 1914, Georges PORET et Albert LONGCHAMP en 1915 et Georges MILLE le 23 juillet 1918 au combat de Sauvillers dans la Somme. Les deux rescapés ont été blessés à de multiples reprises. Albert GUENARD a été touché aux jambes et au dos et François MAGNIEZ, de Rumaisnil, aux jambes, au bras gauche et surtout au poumon gauche par un éclat d’obus. Albert et François ont survécu, mais leur guerre personnelle contre la maladie n’a jamais pris fin.

A Saint-Sauflieu, on a versé beaucoup de larmes. Le fils unique d’Alfred a disparu. Georgette a perdu son seul frère. Et pourtant, comme dans toutes les familles endeuillées, la vie reprend peu à peu son cours. Il faut s’occuper de la ferme.

Le 20 mai 1919, Georgette PORET épouse Alexandre DESSENNE, un jeune homme originaire du département du Nord. Le jeune couple s’installe dans la ferme familiale à Saint-Sauflieu puis reprend seul l’exploitation au départ d’Alfred. En effet, à 56 ans, Alfred PORET a décidé de se remarier. Il quitte Saint-Sauflieu.  

En 1923, Georgette et Alexandre ont un fils, né dans la ferme de la Route Nationale. Ils l’ont appelé tout naturellement Georges, prénom de celui que la guerre a emporté, laissant dans la petite ferme un vide qui n’a jamais pu être comblé.

Georgette PORET épouse DESSENNE, la sœur du regretté jeune homme disparu à l’âge de 23 ans, est morte le 30 avril 1965 à Saint-Sauflieu. Elle avait 70 ans.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

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