Né le 28 août 1893, Fernand HAREUX est le fils d’Emile HAREUX et de Malvina MONVOISIN.
Emile et Malvina se marient quelques semaines après la naissance de leur premier enfant, pour « régulariser » la situation et permettre au petit Fernand de porter le patronyme de son père. Emile et Malvina HAREUX vivent à Herleville, petit village du canton de Chaulnes dans l’Est du département de la Somme, sur le plateau du Santerre.
Fernand est leur premier enfant. Il sera le seul. Emile meurt brutalement alors que l’enfant est un bébé.
Quelques années plus tard, Malvina se remarie avec Maxime FOURMAUX. Ils ont une fille ensemble prénommée Denise, de dix ans la cadette de Fernand. Maxime meurt peu de temps après la naissance de l’enfant, laissant Malvina seule avec ses deux enfants, Fernand et Denise. La vie familiale du jeune Fernand HAREUX n’est pas un long fleuve tranquille. Et que dire de Malvina, veuve à deux reprises en quelques années seulement.

Pour aider sa mère, Fernand travaille dès le plus jeune âge. Il est domestique de ferme ou journalier pour les fermiers d’Herleville, délaissant les bancs de l’école de Monsieur COQUELLE. Fernand ne sait pas vraiment lire et sait à peine compter, mais ce n’est pas un problème quand on habite un village agricole où les bras comptent souvent plus que la tête…
Dans le petit territoire de la commune, la seule activité est liée à l’agriculture. Plus de 550 des 600 hectares du territoire communal sont des terres labourables. On y cultive essentiellement céréales et betteraves à sucre, avec des rendements importants liés à la richesse des bonnes terres du Santerre, mais aussi à l’utilisation d’engrais chimiques. Dans le village d’un peu plus de 300 habitants, il y a 40 fermes, dont la moitié il est vrai possèdent moins de 5 hectares de terres.

Hormis les vaches laitières, le seul élevage est celui des moutons dont la laine est utilisée par quelques ouvriers tisseurs du village pendant les mois d’hiver.
Herleville est un petit village du Santerre isolé de tout, ou presque. Même si la route nationale Amiens-Péronne ne passe qu’à un kilomètre des habitations, le village n’est relié aux autres communes du secteur que par des chemins pas toujours bien entretenus. Certains de ces chemins sont même difficilement praticables en période de pluie. A Herleville, une carrière de craie est exploitée presque uniquement pour l’entretien des chemins d’exploitation rurale. La gare la plus proche est à Rosières, à 5 kilomètres.
Quand on habite Herleville, on quitte rarement le territoire. Le village dispose d’une église, d’une école et du café-épicerie de Zéphirin HARLE où on trouve de tout !
A 20 ans, Fernand quitte son village. Ce n’est pas un choix de sa part mais une obligation. Il doit remplir son devoir patriotique. Le Conseil de Révision de Chaulnes l’a jugé apte au service armé. Il est affecté au 120e Régiment d’Infanterie de Péronne. Pour ce jeune ouvrier agricole, aller passer 3 années de sa vie à Péronne est certainement traumatisant. Il s’est bien rendu déjà dans la sous-préfecture de la Somme à quelques reprises mais c’était essentiellement pour participer aux foires agricoles. Pas pour y vivre… Mais le choc est encore bien plus brutal quand Fernand apprend que le 120e RI a quitté Péronne en octobre 1913 pour rejoindre son nouveau lieu de casernement à Stenay dans le département de la Meuse. Fernand quitte son village le 27 novembre 1913.

Sur le quai de la gare de Rosières, Fernand retrouve Marcel HEROT et Alcide PECHON, deux jeunes hommes d’Herleville. S’ils ont partagé les mêmes bancs d’école, leurs destins les ont séparés ensuite. Marcel HEROT est étudiant à Amiens et Alcide PECHON est ouvrier tricotier à Rosières.
Dès le début de la guerre, en août 1914, les hommes du 120e qui effectuent leur service militaire sont déclarés immédiatement prêts au combat. Caserné à quelques kilomètres de la frontière, le 120e RI est un des premiers régiments de la région militaire d’Amiens à entrer sur le sol de la Belgique le 21 août au soir. Le lendemain, c’est l’enfer ! Sur le territoire de la petite commune belge de Bellefontaine, le régiment perd plus de 1 000 hommes en quelques heures. 600 d’entre-eux ne se relèveront jamais.
Fernand HAREUX, le jeune domestique de ferme d’Herleville, aux cheveux châtains et aux yeux bleus, est mort. Ce n’est pas dans la riche terre du Santerre que son corps reposera à tout jamais mais dans celle du village de Bellefontaine, dans une plaine appelée Radan. Il avait 21 ans.

Ayant dû quitter son village occupé par les Allemands dès la fin septembre 1914, Malvina devra attendre longtemps l’annonce officielle de la mort de son unique fils. Après avoir été déclaré « disparu antérieurement au 15 juillet 1915 », Fernand est finalement déclaré « mort pour la France le 22 août 1914 à Bellefontaine ».

Alcide PECHON, le tricotier de Rosières, a survécu aux combats de Bellefontaine. Il est mort quelques semaines plus tard, dans le Bois de la Gruerie en Argonne. Il avait 21 ans.
Marcel HEROT, l’étudiant, a résisté à la mort et aux terribles combats meurtriers des premiers mois de guerre. Le 12 avril 1915, à Maizeray dans la Meuse, il a été capturé par les Allemands. Il a poursuivi la guerre dans des camps d’internement à Würsburg et à Lechfeld. Raptrié le 20 décembre 1918, Marcel HEROT a poursuivi ses études et connu ensuite une brillante carrière professionnelle à Nancy et à Lille, obtenant de hautes responsabilités à la Sécurité Sociale. Marcel HEROT est mort en 1980, à l’âge de 86 ans.

Le nom d’Alcide PECHON est inscrit sur le monument aux morts de Rosières-en-Santerre et le nom de Fernand HAREUX figure sur celui d’Herleville. Ils ont, l’un et l’autre, 21 ans pour toujours.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
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