ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Octave DARGAISSE de Guillemont

Né le 11 juin 1893, Octave DARGAISSE a vu le jour à Guillemont, dans la Somme. Village qui ne compte guère plus de 400 habitants, Guillemont est un village agricole comme on en trouve beaucoup sur le plateau du Santerre. La terre est suffisamment riche pour y faire pousser, avec des rendements importants, les céréales et la betterave à sucre.

Octave perd son père alors qu’il n’est encore qu’un jeune enfant. Le petit orphelin vit avec sa mère, Zelmyre et sa sœur aînée, Lucienne. Ils habitent dans la rue du Sac à Guillemont.

Octave n’attend pas l’âge légal de douze ans pour travailler. Il est employé comme journalier dans de nombreuses fermes du village ou des alentours. Il travaille le plus souvent dans la ferme BULTEL à Guillemont mais selon les besoins, il n’hésite pas à aller voir ailleurs. Il n’a pas vraiment le choix, il est le seul homme à la maison.

En 1911, Zelmyre épouse Louis LETEMPLE. Il habite dans la rue du Fond avec ses quatre enfants qu’il élève seul. Louis est veuf. Il exerce le métier de coquetier. Une nouvelle famille se recompose, mais pour Octave il est trop tard. Même si Henri LETEMPLE, le fils de Louis, a toujours été un copain, il ne pourra jamais devenir un vrai frère.

Quand arrive l’heure du service militaire d’Octave DARGAISSE, ils sont 6 jeunes du village à quitter Guillemont. Ils auraient dû être 7 mais Alzire COTEAU, le fils du cabaretier, a été réformé pour « faiblesse, suite appendicite et éventration ».

Octave est accompagné d’Henri LETEMPLE, son nouveau « demi-frère ». Avec eux, il y a René BONAVENTURE, orphelin de père et de mère, qui élève ses trois frères. Bien que déclaré « soutien indispensable de famille », l’Armée l’envoie quand même faire son service militaire. On trouve aussi Emile DHENIN et Alexis LEDEZ, journaliers agricoles comme Octave et enfin Georges DOLLE, le maçon.

A l’automne 1913, ils sont donc 6 à quitter le village pour rejoindre une caserne. S’ils prennent tous le train à la gare de Guillemont-Longueval, ils n’atteignent pas tous la même destination. L’Armée les a séparés.

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Octave est incorporé au 8e Bataillon de Chasseurs à Pied. Il aurait dû s’arrêter à Amiens où casernait son régiment, mais il lui faut poursuivre pour le retrouver dans la Meuse près de Verdun. Le 8e BCP a quitté Amiens le 5 mai.

Quand la guerre est déclarée, le 3 août 1914, Octave DARGAISSE est déjà près des frontières de l’Est de la France. Comme tous ceux qui effectuaient leur service militaire, il a été entraîné pour empêcher l’ennemi d’entrer sur le territoire français. Après la meurtrière Bataille des frontières fin août 1914, l’Armée française se replie en Champagne. Octave a déjà vu tomber plusieurs copains de la Somme à ses côtés, notamment dans les combats du 23 août à Arrancy dans la Meuse. Début septembre 1914 dans la Marne, Octave est blessé au bras gauche par balle.

Après plusieurs semaines de soins et de convalescence, il rejoint son régiment. Bon élément, il devient rapidement caporal puis sergent en juin 1915. Quelques jours après cette promotion, il est plus gravement blessé. Le cou et le dos ont été touchés par des éclats d’obus, le 30 juin à La Harazée, en Argonne. La convalescence est longue et les séquelles suffisamment importantes pour qu’Octave ne revienne au front qu’en octobre 1916. Il subit plusieurs changements d’hôpitaux. Eloigné du front pendant plus d’une année, Octave doit repartir.

La destination est alors celle de Verdun puis le Chemin des Dames, l’Oise et l’Aisne, au moment du repli définitif de l’Armée allemande à l’été 1918. Octave DARGAISSE est un sous-officier courageux. Il reçoit deux citations à l’ordre du régiment.

Après sa démobilisation à l’automne 1919, Octave ne revient pas à Guillemont. Le village n’existe plus. Les combats, largement décrits par l’allemand Ernst Junger, y ont été dévastateurs. Guillemont va mettre plusieurs années à se reconstruire.

Octave DARGAISSE revient à Combles en 1920 et s’installe à Longueval, village également en pleine reconstruction. Il est employé comme mécanicien à la râperie de la commune. Octave épouse Julienne qui lui donnera une petite fille, Ginette, en 1922.

Que sont devenus les jeunes hommes partis au service militaire le même jour que lui à l’automne 1913.

Georges DOLLE a été tué le 22 octobre 1914 et Emile DHENIN est mort le 1er juin 1918.

Alexis LEDEZ et Henri LETEMPLE, le « beau-frère », sont revenus indemnes. Porteurs de nombreuses séquelles physiques et morales mais vivants.

René BONAVENTURE, le « soutien indispensable de famille », ne pourra plus jamais s’occuper de ses trois petits frères. Il est mort le 11 août 1920, dans d’atroces souffrances, des suites d’ « éclats d’obus dans la région vésicale, bronchite suspecte et fistule anale ».

Et qu’est devenu le 7e jeune homme du même âge, celui qui était exempté du service militaire pour éventration et qui avait vu ses copains quitter le village à l’automne 1913 ? Alzire COTEAU, le fils du cabaretier, a finalement été mobilisé. L’Armée l’a appelé en mai 1917, juste après l’hécatombe du Chemin des Dames. Il a été incorporé dans l’Artillerie puis, en raison de son état de santé, a été rapidement placé dans les dépôts d’artillerie. La mobilisation d’un malade comme Alzire a-t-elle été très utile à l’armée française ? Peut-être. Dans tous les cas, sa santé s’est dégradée. Démobilisé définitivement en août 1919, il est décédé le 2 janvier 1921.

Les noms de René BONAVENTURE et d’Alzire COTEAU n’ont pas été inscrits sur le monuments aux morts de Guillemont. Ils sont bien morts pour la France, mais … trop tard !

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

   

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