Né le 10 juillet 1893, André BULLY est un fils de fermiers de Laleu.
Laleu, qui compte à peine 100 habitants à la fin du XIXe siècle, est un petit village situé au Sud de la commune d’Airaines, dans la Somme. Isolé dans le triangle des routes principales Airaines-Poix et Airaines-Sénarpont c’est un village où personne ne passe, ou presque. Un village situé dans la vallée où prend sa source, entre le territoire de la commune et celui de Métigny, la petite rivière l’Airaines, affluent du fleuve Somme. Un vrai village agricole.
Laleu c’est huit fermes et un moulin. Les habitants de Laleu sont, soit fermiers, soit ouvriers agricoles. On trouve aussi un cordonnier, un maréchal-ferrant, un charpentier, et c’est tout !
On ne vient pas vivre à Laleu. On y naît. Les rares étrangers de naissance à la commune viennent des villages voisins de Métigny, de Warlus ou d’Etrejust, et souvent, arrivent dans le village en se mariant avec un ou une autochtone.
La famille BULLY possède une ferme. Hector, le père, et Olympe, la mère sont nés à Laleu. Ils ont six enfants. André est le 5e. Avant lui, sont arrivés Edmond, le frère aîné, puis Gabrielle, Laurent, né en 1889, Lucie, et après lui, le dernier de la fratrie, Maurice, né en 1899.
Les copains du même âge sont peu nombreux dans le petit village. Quand les travaux des champs leur en laissent la possibilité, ils se rendent ensemble à l’école, dans la commune voisine de Métigny, pour suivre les cours de Monsieur Sinoquet. La commune de Métigny est beaucoup plus animée que celle de Laleu, car elle est traversée par la route d’Airaines à Sénarpont.
Les copains d’André sont tous enfants de cultivateurs ou d’ouvriers agricoles, à l’exception d’Hilaire MICHAUT, le fils du cordonnier. Dans ce petit groupe, il y a aussi Laurent MACRET et Marius CATEL.
André BULLY et Laurent MACRET passent devant le Conseil de Révision, le même jour, à Airaines. André est affecté au 18e Bataillon de Chasseurs à Pied et Laurent, au 72e Régiment d’Infanterie. Comme toujours, c’est la déception pour des copains d’enfance d’être séparés au moment de l’incorporation. Le 27 novembre, ils prennent ensemble le train en gare d’Airaines, en direction d’Amiens. C’est le terminus pour Laurent. Pour André, il va lui falloir continuer le trajet vers l’Est de la France. Le 18e BCP est caserné à Stenay, dans la Meuse.
Leur copain, Hilaire MICHAUT, le fils du cordonnier, au service militaire depuis deux ans, a déjà fait un beau parcours. Il a réussi les examens d’élève-officier et a été nommé sous-lieutenant au 9e Bataillon de Chasseurs à Pied. Le 9e et le 18e BCP étant affectés dans la même brigade d’infanterie, André se dit qu’il aura certainement l’occasion de revoir son copain prochainement. Quant à Marius CATEL, il a été affecté dans un Régiment de Zouaves. Pourquoi ? Les voies de l’administration militaire sont quelquefois impénétrables.
La guerre déclarée le 3 août 1914, tout va alors très vite pour André. Son bataillon est chargé d’effectuer des missions de reconnaissance, au-delà de la frontière belge, pour localiser les troupes allemandes qui, dès la mi-août, sont régulièrement en Luxembourg belge. Le 21 août, veille de la grande offensive lancée par le général Joffre, le 18e BCP effectue une dernière mission de reconnaissance, pour s’assurer que les Allemands ne sont pas déjà arrivés à la frontière franco-belge.
C’est en sortie de Torgny, premier village côté belge, qu’André tombe dans une embuscade. Il est tué. Le lendemain, ils seront des centaines de jeunes de la Somme à tomber ensemble, dans les secteurs de Bellefontaine et de Virton, en Belgique. André BULLY, lui, est tombé seul. La seule victime française dans le village belge de Torgny.
Quelques semaines plus tard, ce sera le tour d’Hilaire MICHAUT. Son grade de sous-lieutenant ne le préserve pas des balles. Il est tué, le 19 octobre 1914, en Argonne. Laurent MACRET, parti en guerre avec le 72e RI d’Amiens, a été gravement blessé au pied droit. Un soldat qui n’a plus qu’une jambe valide n’est plus utile sur les champs de bataille. Il a été réformé en avril 1916.
Que Marius CATEL soit revenu vivant de la guerre tient du miracle. Blessé par balle à la main gauche en 1914, blessé par baïonnette à la jambe droite en 1915, victime d’éclats d’obus sur son côté droit en 1916, puis blessé à l’œil. En décembre 1917, il a été envoyé, avec son régiment, rejoindre l’Armée d’Orient. Victime du paludisme, il a été hospitalisé au Maroc, à Sidi-Abdallah, de novembre 1918 à avril 1919.
Dans la famille BULLY, durement frappée par la mort d’André, le drame ne s’arrête pas là. Laurent BULLY, de 4 ans l’aîné d’André, rappelé le 2 août 1914 par la mobilisation générale, est aussi parti faire la guerre. Laurent est tué, le 25 septembre 1915, au Bois en Hache en Artois.
Le 8 décembre 1918, Hector, le père d’André BULLY, a reçu un courrier écrit de la main du bourgmestre de Torgny. Après avoir expliqué les circonstances de la mort d’André, à 500 mètres sur les hauteurs au Nord-Est de Torgny, il indique que le corps a été déposé dans la Chapelle de Notre-Dame de Luxembourg, avant d’être inhumé, en présence d’une partie importante de la population locale, dans le cimetière communal. « Quoi que le brave soldat Bully n’était pas connu à Torgny, vous pouvez croire que mes administrés et moi personnellement ont pris part à la douloureuse peine que vous a causé sa mort ».
André BULLY repose toujours, aujourd’hui, dans le cimetière communal de Torgny, en Belgique.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
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