Né le 11 mai 1892, Henri VASSEUR n’a pas habité dans le village de Licourt très longtemps.

Licourt était un petit village qui comptait un peu moins de 500 habitants à la fin du XIXe siècle. Un village comme beaucoup d’autres dans la Somme. On y trouve une majorité de cultivateurs, d’ouvriers agricoles, de domestiques de ferme. Il y a des bouviers, des bergers. L’activité forestière est également importante. Dans la commune, on compte plusieurs bucherons, ouvriers de scierie, scieurs de long, charpentiers, menuisiers, sabotiers… Quelques habitants vont travailler dans les sucreries ou râperies voisines. C’est un village où les commerces ne manquent pas. Cafés, hôtel, boulangerie, cordonnier, tailleur d’habits, couturière. Il y a même un marchand forain. Pourtant comme beaucoup d’hommes et de femmes de ces villages traditionnels, Edouard et Louise, les parents d’Henri, espèrent trouver une vie un peu meilleure ailleurs. Ceux qui travaillent, de ferme en ferme, dans les grandes exploitations semblent bien gagner leur vie…

C’est vers le village de Bernes qu’ils se dirigent, à une vingtaine de kilomètres de Licourt. Bernes est situé près de Roisel, à la limite de département avec l’Aisne. L’activité agricole y est florissante et les besoins en mains d’œuvre très importants. Ne dit-on pas que le sol de la commune peut être classé parmi les meilleurs du département au niveau agricole ! L’instituteur dit que la plupart des cultivateurs s’inspirent, avec succès, des nouvelles méthodes de culture. Les principales cultures sont le froment, le seigle, l’orge, l’avoine, la pomme-de-terre et la betterave à sucre. Il y a d’ailleurs une sucrerie dans la commune.
Henri est triste de quitter son cousin Daniel, d’un an son aîné. A Licourt, les deux cousins étaient inséparables.
Henri VASSEUR devient journalier agricole, travaillant dans les fermes autour de Bernes au gré des besoins des agriculteurs et des saisons. Son cousin Daniel VASSEUR, qui réside avec sa mère à Licourt dans la Rue de l’Enfer, est aussi ouvrier agricole. Il travaille à la ferme DIOT dans le village voisin d’Epénancourt.

A 20 ans, Henri est jugé apte au service militaire. Il est incorporé le 9 octobre 1913 au 42e Régiment d’Artillerie, classé dans un premier temps dans le service auxiliaire en raison de son état de santé. Il a de nombreuses varices proéminentes aux mollets. Son cousin Daniel a déjà effectué une année de service militaire au 154e Régiment d’Infanterie de Bar-le-Duc. Il lui en reste encore une à subir avant « la fuite » !
Le régiment d’Henri, le 42e RA, basé à La Fère dans l’Aisne, a été transféré vers une caserne du centre-ville de Stenay dès le 1er octobre 1913. Henri ne part donc pas dans le département de l’Aisne mais dans celui de la Meuse, à quelques kilomètres de la frontière belge.

Le 2e classe VASSEUR participe à la réquisition de chevaux fin juillet 1914. La guerre est imminente. Le 31 juillet, le 42e R.A. se positionne derrière le 120e R.I. en se rapprochant de la frontière. Le 10 août, c’est le premier contact avec l’ennemi, à Mangiennes, puis le 22 août, la montée vers Bellefontaine (Belgique) en appui du 120e régiment d’infanterie de Péronne. Henri ne participe pas à ces combats. Il n’a pas été envoyé au combat pour raison médicale. C’est de la caserne de Stenay qu’il apprend à quel point les combats du 22 août ont été meurtriers. Un copain d’enfance, Gaston DEBRAY de Bernes, a été tué. Gaston avait 22 ans. Comme lui.
Le 23 août 1914, la commission déclare Henri « bon pour le service armé ». Il reste ensuite à l’arrière de la zone des combats jusqu’au 20 mars 1915 et passe au 17e R.A. en position au Nord d’Arras.

L’hiver est particulièrement froid et les conditions de vie sont difficiles. La nouvelle lui parvient de la grave blessure subie par son cousin, Daniel VASSEUR, qu’il a laissé à Licourt lors du départ de la famille. Une plaie à la jambe droite, au cours d’un combat au Bois de la Gruerie, en Argonne, qui lui vaut plus de 6 mois de soins. Henri, lui, n’a pas encore été blessé…
Le 3 mars 1916, le régiment rejoint Verdun et relève les positions de 1ère ligne devant Douaumont. Blessé, Henri est évacué le 10 août pour être soigné pendant de longs mois. Il ne revient que le 1er avril 1917, date à laquelle il change encore de régiment, tout en restant dans l’artillerie. Son séjour en Macédoine, avec le 242e R.A. sera de courte durée puisqu’il est évacué, le 4 juin, pour cause de paludisme. A son retour, son régiment ayant été dissous, il rejoint le 229e R.A., devenant en 1918 le 41e Régiment d’Artillerie de Campagne. Henri participe à l’arrêt de l’avancée ennemie au printemps 1918 vers Montmirail, entre Meaux et Chalons, avant de poursuivre le combat de nouveau au Nord de Verdun.
Le 11 novembre 1916, le cousin Daniel est à nouveau gravement blessé. Après la jambe, c’est le bras gauche qui a été touché par un éclat d’obus. La plaie s’infecte. Il faut amputer.

Henri VASSEUR est évacué, malade, le 27 septembre 1918 vers l’hôpital militaire N°6 de Vadelaincourt au Sud-Est de Verdun où il succombe le 7 octobre 1918. Il a 26 ans.
Son cousin Daniel VASSEUR, n’a pas, non plus, terminé cette satanée guerre. Mais lui est encore vivant quand l’Armistice est signé. Transporté vers l’arrière suite à la blessure subie le 12 octobre 1916, à Sailly-Saillissel, à la fin de la Bataille de la Somme, Daniel n’est jamais retourné au combat. Il a boité toute sa vie et a vécu avec un seul bras. Daniel avait 24 ans quand il a été amputé du bras gauche.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
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