Victimes de la Première Guerre mondiale – une Somme de vies brisées par 14 18.
Nés le 8 août 1892, Marcel DECRESSAIN et Marcel DELAMOUR sont des enfants de la Vallée de la Haute-Somme.
Cléry-sur-Somme, leur commune de naissance, est un village situé à l’Ouest de Péronne, qui compte près de 1 000 habitants à la fin du XIXe siècle.
La commune a la chance de disposer de deux équipements majeurs pour le transport des gens et des biens. Le canal de la Somme traverse le territoire de la commune, ainsi que la ligne de chemin de fer économique, entre Albert et Péronne. Une halte permet aux habitants de rejoindre facilement les grandes villes de Péronne ou d’Albert.
A la limite du territoire, des carrières permettent l’exploitation des phosphates. Cette industrie en plein essor, depuis la découverte de la présence de riches gisements dans le département de la Somme, quelques années plus tôt, à partir du site de Beauval, donne du travail à quelques hommes de Cléry. Dans le village, l’artisanat est bien représenté. Maçon, menuisier, maréchal-ferrant, tonnelier. Quelques familles réalisent encore des paillassons et des nattes en jonc de rivière. Et, comme dans la plupart des villages de la Somme, l’agriculture permet à plus de moitié des familles du village de vivre, ou quelquefois, de survivre.
Chez les DECRESSAIN, le père, Albert, est ouvrier agricole. Il a épousé Léocadie, une fille originaire également de Cléry. La famille habite Rue Neuve. Marcel est le premier enfant du couple. Il est suivi par Fernand, Edmond et Oscar.
Chez les DELAMOUR, le père, Albert également, est charpentier, comme l’est encore son père. Son épouse s’appelle Marie. La famille habite Route d’Albert à Péronne. Marcel est le dernier enfant de la famille. Avant lui, sont nés Léon, et une sœur, Adalgis, en 1889.
Les deux familles connaissent le même drame. Alors que les enfants ne sont encore que de jeunes adolescents, le père de famille disparait, laissant la mère s’occuper seule du foyer.
Chez les DECRESSAIN, les quatre garçons doivent rapidement trouver du travail. Marcel devient domestique dans la ferme Boutet. Fernand, son frère cadet, travaille également comme domestique de ferme chez Abraham.
Chez les DELAMOUR, la mère fait le choix de chercher du travail ailleurs. Léon, le fils aîné, étant lui aussi parti, elle laisse ses deux derniers enfants chez Jules et Sidonie, leurs grands-parents. Jules est charpentier. Même s’il aide son grand-père, Marcel n’est pas charpentier. Il travaille comme phosphatier pour la famille Descourtry.
Nés le même jour, les deux Marcel sont convoqués ensemble pour passer devant le Conseil de Révision, dans la ville voisine de Péronne. Ils sont tous les deux jugés aptes au service armé et incorporés début octobre 1913. Marcel DECRESSAIN, le domestique agricole, est affecté au 120e Régiment d’Infanterie de Péronne, et Marcel DELAMOUR, le phosphatier, au 72e Régiment d’Infanterie d’Amiens.
Marcel DECRESSAIN avait été heureux d’apprendre le choix d’affectation le concernant, pensant passer les trois années de service militaire à moins de cinq kilomètres de chez lui, mais hélas, quand Marcel prend le train le 1er octobre, le 120e est sur le point de quitter la caserne Foy pour s’installer à Stenay, dans la Meuse. C’est donc dans le Nord-Est de la France, à proximité de la frontière belge, que Marcel DECRESSAIN part, en compagnie de deux jeunes hommes du village, débutant comme lui, le même jour, leur service militaire, Achille MARTINE et Marcel DOBEL.
C’est le 10 octobre 1913 que Marcel DELAMOUR prend le train, à la halte de Cléry, dans la direction opposée. Il se dirige vers Albert, puis vers Amiens. Le 72e RI regroupe des jeunes de la Somme venus de tous les villages et tous les cantons de la Somme. Deux autres jeunes du village, Albert MENNECIER et Marcel BEDET, sont affectés, le même jour que lui, au 72e RI.
6 jeunes de 20 ans qui quittent leur village pour aller au service militaire. Quoi de plus normal !
Mais la guerre est déclarée, moins de 10 mois plus tard. Et rien alors n’est plus « normal ».
Après avoir participé aux combats en Belgique, le 22 août, dans le village de Bellefontaine, et avoir vu tomber des centaines de jeunes hommes qui effectuaient, avec lui, leur service militaire, Marcel DECRESSAIN entre de plein fouet dans l’horreur de la guerre. Par miracle, il n’a pas été blessé alors que les pertes du régiment s’élèvent à près de 1 000 hommes, tombés en quelques heures.
La retraite, emmène ensuite le 120e, après de nouveaux combats près de Cesse, puis dans le Sud des Ardennes, se positionner pour préparer la Bataille de la Marne que Joffre espère décisive. Décisive, elle le sera, puisqu’elle arrête la progression des Allemands vers Paris. Décisive et définitive, elle l’est aussi, hélas, pour Marcel DECRESSAIN. Blessé gravement à la jambe par éclats d’obus, le 7 septembre 1914, à Sermaize-les-Bains, il décède à l’hôpital complémentaire N°2 de Tours, des suites de ses blessures, le 23 novembre.
Quand Marcel DECRESSAIN ferme définitivement les yeux, son copain, Marcel DELAMOUR, est déjà mort. Lui aussi a été gravement blessé, et, transporté à l’hôpital. Il y est décédé, le 18 octobre 1914.
Des 6 copains de Cléry qui ont débuté leur service militaire au 72e et au 120e, au début du mois d’octobre 1913, c’est-à-dire en temps de paix, seul Marcel BEDET est revenu.
Achille MARTINE est mort le 17 septembre 1914, Albert MENNECIER en octobre 1914 et Marcel DOBEL en avril 1917.
Trois fois blessé, Marcel BEDET a également été gazé. Pendant dix ans, il a poursuivi une autre guerre. Une guerre contre la maladie. Il a mené un combat, simplement pour arriver à respirer. Il est mort le 14 février 1929. Bien que mort, lui aussi, des causes de la guerre, il est le seul des 6 copains dont le nom ne figure pas sur le monument aux morts de Cléry-sur-Somme.
A cause des combats menés dans le secteur entre 1914 et 1918, le village de Cléry a été entièrement rasé.
L.J. et X.B.
« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme. Danièle REMY a réalisé la collecte de données pour la commune de Cléry-sur-Somme.
A noter que, selon les documents d’archives, le patronyme DECRESSAIN peut se terminer par un T.
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