Fin août 1914, après 4 jours de combats disséminés qui ont été particulièrement destructeurs, la stratégie peu évidente à comprendre, jusque-là, du général Joffre commence à se mettre en place.
Les 1ère et 2e armées françaises retiennent, sur la frontière des Vosges, les 6e et 7e armées allemandes.
Les 3e et 4e armées, déjà fortement éprouvées le 22 août, ont massé leurs troupes du Nord-Est de Reims à Verdun. Elles font barrage aux 3e, 4e et 5e armées allemandes. Les Français se savent en infériorité numérique, et des renforts doivent arriver pour compléter certains régiments.
Quant à la 5e armée du général Lanzerac, elle progresse plus vite que les Allemands de la 2e armée, et, arrivée dans le sud de l’Aisne, est en passe d’assurer la jonction avec les 3e et 4e armées, dans la Marne. Une forme de front reliant les 3 armées françaises est constitué pour arrêter la progression vers l’Est de Paris.
Il paraît évident que les Allemands ne cherchent plus à rejoindre les ports français. Leur objectif est de prendre la capitale le plus rapidement possible.
Seule la 1ère armée allemande est maintenant en passe de se diriger vers Paris, sans grande difficulté. Les quelques régiments territoriaux à qui Joffre avaient donné l’ordre de faire un barrage au nord d’Amiens, ont quitté la capitale picarde et se sont dirigés, au Sud, vers l’Oise. Amiens est ville ouverte.
La 6e armée de Maunoury s’est positionnée au Nord de Chantilly, soutenue par les 5 divisions britanniques du général French, pour défendre Paris face à l’arrivée imminente des troupes allemandes de la 1ère armée. Quant à la capitale elle-même, de nombreux régiments territoriaux y ont été appelés, mais le doute est bien réel sur leur capacité à pouvoir résister à l’armée allemande. Et le gouvernement sait que, comme ce fut le cas à Liège et dans toute la Belgique, l’Etat-major allemand n’hésitera pas à bombarder les civils si la ville ne lui est pas ouverte.
Joffre veut attirer toutes les forces allemandes dans la Marne, mais va-t-il sacrifier Paris ?
Pour Amiens, dernière grande ville avant Paris sur le parcours de la 1ère armée allemande, la décision a été prise. N’opposer aucune résistance.
Le 31 août à 08h00, les Allemands entrent dans la ville, malgré la destruction des ponts sur la Somme. La manifestation de puissance est réussie : 12 régiments d’infanterie, 2 régiments d’artillerie, 3 régiments de chasseurs dont 1 à cheval. Les hommes défilent dans les rues d’Amiens jusque dans l’après-midi. La population est terrorisée et les habitants se cachent chez eux. Le maire, Alphonse Fiquet, et son adjoint, sont convoqués par les Allemands qui leur réclament 40 000 kg de pain, 40 000 kg de conserves et viande séchée, 100 chevaux, 500 lampes électriques, toute l’essence disponible dans la ville, du café, du vin, et… 100 000 cigares. Pour éviter toute résistance de la population, les Allemands exigent d’emporter 12 otages parmi les membres du Conseil municipal. Les conseillers arrivent un par un et acceptent le sort qui leur est réservé. Au final, les deux derniers arrivés ne voulant pas se départager pour prendre la dernière des 12 places, il y aura finalement 13 otages retenus provisoirement à l’Hôtel de ville puis emmenés en charriot dans le nord de l’Oise, à Gannes. Les Allemands n’ont pas de temps à perdre. Le général Von Kluck, à la tête de la 1ere armée veut être le premier à entrer dans Paris, et en poursuivant sa route vers le Sud, l’objectif peut être atteint dans 3 à 4 jours.
Mais la 1ère armée n’ira pas à Paris.
Le 3 septembre, elle est arrivée à La Ferté-sous-Jouarre, à moins de 60 kilomètres de Paris. Aucune menace ne peut vraiment lui faire craindre une défaite, et Von Kluck dîne même tranquillement, à l’Hôtel de L’Epée, de potage, poulet sauté, petits pois et dessert, tout ça arrosé de champagne.
Dans la nuit, un ordre du Grand Quartier Général lui impose d’arrêter sa course vers Paris pour se diriger vers l’Est et prendre à revers la 6e armée française et les divisions britanniques toutes proches. La progression de la 2e armée allemande est en effet fortement retardée par les hommes de Maunoury et de French.
En terminant son dessert, le 3 septembre, à l’Hôtel de l’Epée, Von Kluck est loin de penser que les Allemands n’iront jamais plus loin que La Ferté-sous-Jouarre, et qu’ils ne rentreront pas dans Paris.
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