Le 22 août 1914 a été le premier jour de guerre pour des dizaines de milliers de jeunes hommes âgés de moins de 23 ans. Leur épreuve du feu.
Ces jeunes Français de l’Armée active effectuaient leur service militaire quand le mois d’août 1914 a débuté. Trois classes d’âge réunies, les jeunes hommes partageaient ensemble le quotidien de leur caserne. Ceux nés en 1891 étaient présents depuis 22 mois (il ne leur restait plus que 2 mois avant la « fuite » comme ils disaient). Ceux nés en 1892 avaient été incorporés depuis 10 mois et ceux de 1893 depuis 8 mois.

Ces jeunes hommes affectés pour le service militaire dans des régiments régionaux se connaissaient presque tous dans la caserne où ils vivaient ensemble. Ils étaient du même village, du même canton et si ce n’était pas le cas, les nombreux mois passés ensemble avaient permis de nouer des liens.
Les régiments de l’Armée active ont été désignés pour lancer l’offensive en Belgique, le 22 août 1914. Une offensive destinée à repousser les troupes allemandes et les renvoyer « à Berlin ».

L’organisation administrative des décès et des disparitions n’avait pas été anticipée. En tout cas, l’Armée ne s’était absolument pas donné les moyens suffisants pour valider les informations concernant les décès et les disparitions de ses soldats. Personne au sein de l’administration militaire ne s’attendait à devoir traiter le cas de dizaines de milliers de « disparus » dès le début de la guerre. Les territoires où les Français ont combattu en août 1914 ont été ensuite occupés par les Allemands pendant 4 ans. Retrouver la trace d’un disparu, confirmer un décès devenait alors impossible.
Ceux dont les familles n’avaient plus de nouvelles et dont l’état-major semblait avoir perdu la trace le 22 août 1914 n’ont été officiellement déclarés « morts pour la France » qu’en 1919 ou 1920. Pour certains, il a même fallu attendre plus longtemps encore…
Le site du ministère des Armées « Mémoire des Hommes » recense pour la journée du 22 août 1914 21 042 morts français dont 15 424 en Belgique. Ces données ne sont pas exhaustives. Ces effroyables bilans morbides ne prennent pas en compte ceux qui ont perdu la vie des suites de leurs blessures quelques jours, quelques semaines plus tard, ceux qui sont morts de maladie en captivité. Ce bilan oublie aussi les nombreux disparus dont la date de décès n’a jamais été connue.

Nous continuons à penser que cette journée du 22 août 1914, ignorée des livres d’histoire pendant des décennies, est la plus meurtrière de l’Histoire de France. C’est en tout cas la journée du sacrifice d’une génération. En ce triste samedi du mois d’août 1914, des dizaines de milliers de jeunes hommes qui avaient moins de 23 ans ont été atteints au plus profond de leur être. Certains ont perdu la vie ou ont été blessés et tous les autres ont été profondément traumatisés.

En quelques jours, entre le 20 et le 25 août, on peut estimer que 21 000 Français ont perdu la vie en Belgique. En quelques heures, dans la journée du 22 août 1914, plus de 15 000 Français ont été tués de l’autre côté de la frontière franco-belge, dans les provinces du Hainaut, de Namur et du Luxembourg belge. Leurs corps reposent aujourd’hui dans les cimetières et les ossuaires du sud de la Belgique wallonne. Les Français ne devraient-ils pas s’en souvenir et commémorer comme il se doit cette triste journée.
Hélas, au plus haut sommet de l’Etat français, l’indifférence semble de mise. En 2018, dans le cadre de l’étape de son « itinérance mémorielle » consacrée aux combats du début de la Grande Guerre, le président de la République française a « oublié » de franchir la frontière pour rendre hommage aux dizaines de milliers de ses concitoyens tombés en Belgique en août 1914 mais également pour remercier les Belges qui veillent sur les cimetières français de leur territoire depuis un siècle.

Combien d’associations patriotiques françaises inscrivent-elles la date du 22 août dans leur planning ? Il y a pourtant, dans chacun des 2 054 cantons français, plusieurs jeunes hommes qui ont été tués en Belgique au début de la guerre 1914-1918. Ce sont les premiers morts de cette guerre !
Dans quel autre pays, la France a-t-elle perdu 21 000 hommes en quelques jours, dont 15 000 sur une seule journée ?

Dans le petit village de Bellefontaine, 600 Français ont été tués le 22 août 1914 dont près de 200 originaires du département de la Somme. Chaque année, les autorités belges de la commune de Tintigny et les bonnes volontés locales tentent de maintenir une cérémonie commémorative malgré la présence quelquefois famélique de citoyens français. En 2023, seuls 4 Français ont fait le déplacement, tous représentants de l’association « De la Somme à Bellefontaine ». Même si cette représentation est très faible, elle démontre la volonté qu’ont certains acteurs du devoir de mémoire de ne pas oublier. De maintenir la flamme du souvenir allumée.

Oublier ces jeunes hommes tombés loin de chez eux, de l’autre côté d’une frontière de leur pays, serait comme une deuxième mort pour eux. Derrière chacune de ces victimes, il y a eu une vie. Il y a eu des vies. N’abandonnons pas le souvenir des histoires humaines et continuons à faire revivre les hommes qui ont connu l’enfer de la guerre en cherchant à mieux les connaître. Dès qu’il est possible de mettre un visage, une profession, les prénoms de parents, de frères et soeurs ou un lieu de vie derrière le nom gravé sur une tombe ou sur un monument, c’est un hommage à la vie qui est rendu plutôt qu’à la mort. Tout simplement !
En août 2024, pour le 110e anniversaire des combats du début de la Grande Guerre, nous espérons que de nombreux Français, notamment les membres de famille de victimes du début de la guerre, auront envie de franchir la frontière belge pour rendre hommage à ceux qui y ont perdu la vie dès le début du conflit et découvrir les lieux où les jeunes hommes de la génération des 20-23 ans ont été massacrés. Ceux qui avaient 20 ans en 1914…

Bravo à l’Association « De la Somme à Bellefontaine » et à Xavier BECQUET pour le souvenir que vous entretenez de nos disparus du 22 août 1914 dont mon grand père Ferdinand PARSY.
Grâce à vous, il n’est plus question de les oublier !
Merci mille fois.
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Je suis tout à fait d’accord avec vous. Votre article devrait être publié dans les magazines et les revues d’histoire.
Malheureusement c’est l’indifférence qui domine, induite par le recul des heures d’enseignement d’histoire et la désaffection des profs pour la 1e GM. La non réhabilitation des fusillés pour l’exemple votée par le sénat s’est faite dans l’indifférence générale.
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