ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Maurice BOULANGER de Oisemont

Né le 15 septembre 1891, Maurice BOULANGER est le fils d’Alexis BOULANGER et de Zélie NANTOIS.

Alexis BOULANGER, dont le père était cantonnier, a opté pour la culture. Il a sa propre exploitation, dans la commune de Oisemont, dans la « rue de la Ville au Marché ». On ne compte aucune grande ferme dans le secteur, mais une multitude de petites fermes. Comme le dit l’instituteur, Monsieur LEFEBVRE : « les méthodes et l’outillage agricoles font peu de progrès ».

Alexis a épousé Zélie, originaire du village Citernes, situé à quelques kilomètres de Oisemont.

Oisemont est un chef-lieu de canton dans l’Ouest de l’arrondissement d’Amiens. C’est le territoire historique du plateau du Vimeu. Sa population est de 1200 habitants en cette fin de XIXe siècle.

Paul, le premier fils, naît en 1886, suivi par Emile et Maurice. Puis Blanche, Pierre, Nelly, Louis et Alice viennent compléter la fratrie.

Dès qu’ils ont sept ou huit ans, les garçons, Paul, Emile et Maurice, aident leur père.

La terre du plateau du Vimeu offre un bon rendement des récoltes. La moitié des terres cultivables est utilisée pour les céréales, blé, seigle, avoine, orge de printemps. Oisemont est aussi un pays d’élevage. On y trouve beaucoup de chevaux boulonnais, et bien sûr, de nombreuses vaches laitières. Oisemont a un important marché mensuel de chevaux, de porcs et de moutons. On y vient de tout le Vimeu, et même quelquefois de bien plus loin. Et ce n’est rien en comparaison de la grande foire aux bestiaux, dite des « Engelés », le 3e mercredi de décembre. Toute la Somme débarque à Oisemont par la route ou par le train !

La ville dispose de nombreux commerces, pour les locaux mais aussi les personnes de passage. La route départementale d’Amiens à la Ville d’Eu, très fréquentée, traverse la commune apportant son lot de visiteurs provisoires. Il y a aussi une gare. Oisemont est relié aux grandes lignes Paris-Le Tréport et Paris-Amiens-Boulogne, grâce à la voie du chemin de fer économique de Gamaches à Longpré-les-Corps-Saints.

Maurice BOULANGER choisit d’exercer le même métier que son père. Ni commerçant, ni tisserand ou serrurier à domicile, ni employé de la grande distillerie d’Oisemont, Maurice préfère, comme ses frères, travailler à la ferme. Il veut devenir fermier.

Tous les garçons de la famille travaillent dans la ferme familiale jusqu’au service militaire.

Paul, l’aîné, en est exempté, tout comme Emile. Ce dernier est réformé pour oedèmes chroniques des membres inférieurs. C’est donc finalement Maurice, le 3e garçon, qui est le premier à quitter la ferme.

Jugé apte au service armé pour le Conseil de révision d’Oisemont, il est incorporé au 151e Régiment d’Infanterie, caserné à Verdun. Cette affectation est difficile à accepter pour Maurice. Lui qui n’a jamais quitté le canton, doit partir vers l’Est de la France. Trois de ses copains, Paul CARVILLE et les cousins DEFECQUES ont été affectés au 19e Régiment de Chasseurs à Cheval. Ils ont la chance de pouvoir rester dans la Somme, à Abbeville. Maurice doit partir dans la Meuse, bien loin des siens. Pourtant, lui aussi sait s’occuper des chevaux…

La seule consolation pour Maurice, quand vient l’heure de prendre le train vers Verdun, c’est que son petit-cousin, Marius BOULANGER, du village voisin de Villeroy, fils de fermier comme l’est Maurice, est incorporé, lui aussi, au 151e RI. Ils prennent le train ensemble. Plus d’une cinquantaine de jeunes hommes de la Somme sont intégrés ce 8 octobre 1912 au 151e RI. Mais Maurice et Antoine BOULANGER sont les seuls du canton d’Oisemont.

La guerre est déclarée le 3 août 1914. Le 151e RI est déjà aux premières loges, à proximité des frontières belge et alsacienne. Le régiment est envoyé dans le secteur de Longwy. Il est chargé de défendre la frontière française et de lancer l’offensive, le 22 août 1914, pour repousser les Allemands qui veulent entrer sur le territoire français. Contrairement aux régiments de la région militaire d’Amiens qui mènent l’attaque dans le sud du Luxembourg belge, le 151e RI ne passera jamais la frontière. Les combats se mènent dans le Nord de la Meurthe-et-Moselle. La 5e Armée allemande, dirigée par le Kronprinz, le fils héritier du Kaiser Guillaume II, s’est positionnée beaucoup plus au Sud que le reste des troupes allemandes. Le matin du 22 août, les Allemands ont franchi les frontières belge et luxembourgeoise et livrent combat sur le territoire français.

Comme dans le Sud de la Belgique, le sang coule à flot en France en ce 22 août 1914.

Pour Maurice BOULANGER, la guerre n’aura pas duré longtemps. Il meurt dans les premières heures des combats. Il est tué à Longuyon, près de la frontière belge, le 22 août 1914. Il a 22 ans.

Son petit-cousin, Marius BOULANGER, survit à ces combats. Il connaît les champs de bataille de la Marne et de la Meuse et vit l’horreur de la guerre des tranchées pendant de longs mois. Le 26 septembre 1915, dans la Marne, il est considéré comme disparu. Il ne reviendra jamais.

Les 3 copains d’Oisemont incorporés au 19e Régiment de Chasseurs à Cheval d’Abbeville sont revenus vivants. La chance les a accompagnés…

Emile BOULANGER, le frère aîné de Maurice, n’a été mobilisé qu’en mars 1917. Exempté à plusieurs reprises par les commissions médicales, il est finalement jugé apte. La régénération de l’Armée française pour préparer l’offensive du Chemin des Dames nécessite des effectifs supplémentaires, y compris parmi les malades ou les handicapés. Après une période d’instruction, Emile rejoint, par le hasard des affectations, le régiment qui était celui de son jeune frère quand il a perdu la vie, le 151e RI. Mais ils ne sont pas nombreux à se souvenir de lui. Les pertes ont été tellement nombreuses depuis 3 ans et les effectifs renouvelés en permanence. Le 14 juin 1918, Emile est blessé au bras gauche par éclat d’obus. Evacué, il ne revient que quelques semaines plus tard. Emile BOULANGER est intoxiqué par le gaz en octobre 1918 au cours de combats menés dans les Ardennes. Blessé et malade, il survivra et peut revenir à Oisemont après sa démobilisation.

Pierre BOULANGER, le frère cadet, trop jeune pour être mobilisé au début de la guerre, n’est parti qu’en septembre 1917. De santé fragile, il a été jugé inapte à l’infanterie mais pas à l’artillerie. Affecté au 219e régiment d’artillerie de campagne, il a survécu sans trop de dommages physiques. Quant aux traumatismes, il en a été de lui comme de tous ceux qui sont revenus. Les nuits n’ont pas toujours été très calmes…

Après la fin de la guerre, Emile et Pierre BOULANGER, les frères de Maurice, sont revenus aider leur père dans la ferme de la « rue de la Ville au Marché » à Oisemont.

En 1925, quand un premier petit-fils est né dans la famille BOULANGER de Oisemont, il a été prénommé Maurice, tout naturellement, en hommage à l’oncle tué pendant la Grande guerre.

Le nom de Maurice BOULANGER est inscrit sur le monument aux morts de Oisemont.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

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