ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – la mort à petit feu ?

Né le 4 avril 1880 à Amiens, Paul GREVIN est le fils de Jacques Antoine François Paul GREVIN et de Berthe FLAMENT.

Depuis plusieurs générations, la famille GREVIN réside à Bussy-les-Daours, petit village situé entre Amiens et Corbie.

Si le père du petit Paul porte quatre prénoms pour l’état-civil, son prénom usuel est le dernier des quatre : Paul, celui qu’il a donné à son fils.

Paul, le père, est né à Bussy dans la ferme de ses parents située dans la rue du Bas. Il n’a qu’un frère, Charles, d’un an son cadet. A l’âge adulte, c’est Charles qui reprend la suite de l’exploitation familiale à Bussy alors que son frère aîné Paul devient entrepreneur de transport. Charles ne se marie pas.

Le 8 octobre 1878, Paul épouse Berthe FLAMENT, une fille d’agriculteurs de la Route d’Albert à Amiens, dans le Faubourg Saint-Pierre. Paul et Berthe ont un fils un an et demi plus tard. Ils le prénomment Paul, comme son père.

Quelques mois après sa naissance, le petit Paul est confié à ses grands-parents paternels, Xavier et Elisa, à Bussy-les-Daours, dans la ferme de la rue du Bas où vit également son oncle Charles.

En 1884, le grand-père Xavier disparaît. Charles devient alors le patron, secondé par Elisa, la grand-mère. Comme dans toutes les fermes, les enfants sont souvent sollicités. Dès qu’il est en âge d’apporter son aide, le petit Paul est aux côtés de l’oncle Charles.

C’est à Bussy, petit village de la vallée de l’Hallue, que Paul GREVIN passe sa jeunesse. L’école et l’église ne sont situés qu’à quelques dizaines de mètres de la ferme GREVIN. Paul est un bon élève mais il préfère les champs et les pâtures aux bancs de la classe et à ceux de l’église Saint-Léger. Paul souhaite devenir fermier, comme son oncle Charles.

Charles ne s’est pas marié. Il n’a pas d’enfant. C’est donc tout naturellement Paul, son neveu, qui deviendra un jour le responsable de l’exploitation.

En 1900, Paul est convoqué devant le Conseil de révision de Corbie, ville chef-lieu de canton. Il est affecté au 2e Escadron du Train à Amiens. Il débute son service militaire en novembre 1901 et en est libéré en septembre 1904. Les permissions et tout particulièrement celles dites « agricoles » offrent la possibilité à Paul de revenir assez souvent à Bussy-les-Daours. La caserne n’est distante que d’une dizaine de kilomètres de la ferme.

Le 5 novembre 1907, Paul GREVIN épouse Marie-Louise MARCHAND, fille de cultivateurs de la route d’Albert à Amiens, dans le Faubourg Saint-Pierre. Même si le père a été peu présent dans la vie du jeune homme, l’histoire paternelle semble se reproduire.

Mais il n’en est rien. Même si Marie-Louise est du Faubourg Saint-Pierre d’Amiens comme Berthe, la mère de Paul, l’était aussi, ce n’est pas dans la grande ville d’Amiens que le jeune homme veut vivre mais dans son village de Bussy. Marie-Louise le rejoint donc dans la ferme de l’oncle Charles, dans la rue du Bas, où Berthe a élu également domicile. Entouré de l’amour de sa jeune épouse, de sa mère et de son oncle, Paul peut envisager l’avenir sous les meilleurs auspices.

En 1909, naît Louis puis Germaine en 1911.

Tout en étant de retour dans la vie civile, Paul est convoqué à Amiens pour effectuer des périodes d’exercices militaires en 1907 et en 1910. Ces périodes d’entraînement sont plutôt bien vécues car elles permettent pendant 3 semaines de retrouver les copains du service militaire. Elles permettent aussi d’entretenir les connaissances militaires. Au sortir des périodes d’exercices, le jeune civil sait qu’il peut être rappelé à tout moment.

Le 1er août 1914, la Mobilisation générale est décrétée par le gouvernement français. Paul GREVIN doit répondre à l’ordre de mobilisation. Dès le 2 août, il rejoint sa caserne amiénoise où est installé le 2e Escadron du Train et des Equipages. Le rôle de cette unité est d’assurer l’approvisionnement en ravitaillement et en munitions au plus près des champs de bataille. Les transports s’effectuent en train mais aussi en chariots tirés par des chevaux.

Après moins de trois mois de guerre, la guerre de position remplace la guerre de mouvement. Les hommes s’enterrent dans des tranchées où ils passent une grande partie de leur temps à attendre. L’acheminement des denrées et du courrier devient presque aussi important que celui des munitions pour les hommes qui attendent dans une tranchée.

S’ils ne combattent pas, les hommes des Escadrons de Train évoluent souvent au plus près du front. Ils sont souvent les cibles de tirs d’artillerie. Les atteindre c’est atteindre le moral des combattants de l’autre camp qui attendent de la nourriture ou du courrier.

Le village de Bussy-les-Daours n’étant pas situé en zone occupée par les Allemands et étant suffisamment éloigné du front, Paul a la chance de pouvoir y revenir pour retrouver sa famille quand de rares permissions lui sont accordées. Tous les copains de la Somme n’ont pas cette chance, notamment ceux qui habitaient avant la guerre dans l’Est du département. En 1917, à Bussy, par suite d’une de ces permissions, un petit bébé voit le jour chez les GREVIN. Il est prénommé Paul comme son père.

Il s’agit peut-être de la dernière permission accordée au jeune homme. Paul GREVIN sait qu’il n’en aura plus. Il doit quitter le sol français. En mai 1917, Paul GREVIN est affecté à l’Armée d’Orient. Sur le front des Balkans, la guerre fait rage. Les combats contre les Bulgares, l’Autriche, l’Empire ottoman et leurs alliés sont particulièrement meurtriers.

Mais un autre ennemi est encore plus meurtrier que les membres de la Triple-Alliance, c’est la maladie. Elle touche presque tous les hommes présents en Grèce et en Serbie. La dysenterie, le scorbut, le paludisme provoquent de nombreuses victimes.

Le 13 janvier 1919, Paul GREVIN est rapatrié. Malade, il est hospitalisé pendant deux mois avant d’être définitivement démobilisé le 17 mars 1919. Il peut alors retrouver son épouse et ses enfants ainsi que l’oncle Charles qui réside toujours avec eux.

Paul reprend son activité de fermier, aidé par son épouse Marie-Louise et par l’oncle Charles. Mais diminué physiquement, Paul doit embaucher un ouvrier agricole pour l’assister. C’est Adrien COUSIN originaire de Fins, village de la Somme situé au Nord-Est de Péronne et détruit pendant la Grande Guerre.

Paul GREVIN décède le 27 juillet 1924 à Bussy-les-Daours, cinq ans après la fin de sa guerre.

Le terrible séjour dans les Balkans a-t-il laissé des traces ? La guerre l’a-t-elle tué à petit feu ?

Devenue veuve, Marie-Louise a poursuivi l’activité de fermière, aidée par l’oncle Charles et par Adrien COUSIN, l’ouvrier agricole resté fidèle à la ferme de Bussy pendant une longue période. A la fin des années 1930, Paul GREVIN, le fils de Paul et de Marie-Louise, l’enfant né pendant la guerre, a pris le relais, ajoutant une génération supplémentaire de GREVIN à la tête de la ferme de la rue du Bas de Bussy-les-Daours.

Xavier BECQUET

Publié par

Laisser un commentaire