ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Maurice SENECHAL de Le Hamel

Né le 10 juillet 1897, Maurice SENECHAL est le fils de Gustave SENECHAL et d’Amélia GERARD

Gustave et Amélia sont originaires du village de Le Hamel.

Cette commune du canton de Corbie compte environ 850 habitants à la fin du XIXe siècle. Entouré des territoires de Sailly-le-Sec, Warfusée-Abancourt, Villers-Bretonneux et Vaire-sous-Corbie, le village du Hamel bénéficie de la présence d’une usine de textile qui emploie environ 120 ouvriers. On y fabrique du velours de coton et du linge de table. Il existe également trois ateliers de bonneterie de laine. De nombreux habitants exercent encore cette activité à domicile.

La famille SENECHAL réside Rue des Vaches et la famille GERARD dans la Grande-Rue. Le père de Gustave est ouvrier cordonnier et celui d’Amélia est menuisier.

Gustave et Amélia se marient le 1er octobre 1892. Gustave travaille comme journalier filateur ou manouvrier pour l’usine et les ateliers du village en fonction de leurs besoins. Amélia est couseuse de bas à domicile.

Leur premier enfant est un garçon prénommé Léon. Sa santé est fragile. Il meurt à l’âge de 5 mois. Deux années plus tard, en 1895 naît Léo. La joie s’installe dans le petit foyer des SENECHAL. L’enfant est bien portant.

Un nouveau garçon vient agrandir la fratrie. Maurice naît en juillet 1897 dans la petite maison familiale de la Grande-Rue.

Hélas, la mortalité infantile touche à nouveau le foyer de Gustave et d’Amélia. A l’âge de 4 ans, Léo leur fils aîné meurt de maladie. Maurice devient l’unique enfant de Gustave et Amélia. Il le restera.

Les copains ne manquent pas au Hamel. Marcel DEVAUX, Henri KNOCKAERT, Victor LECAT, André PERDU, nés en 1897 comme Maurice, passent toute leur enfance au Hamel. Marcel réside dans la Ruelle, Henri dans la Rue de Villers, Victor, Rue de Corbie et André dans la Rue Michel. Ils fréquentent l’école du village dirigée par Théotime BOURBIER, l’instituteur de la classe des garçons. C’est son épouse qui prend en charge la classe des filles.

Les garçons se retrouvent également régulièrement à l’église pour assister aux offices de l’abbé VAQUETTE.

Maurice est un bon élève. Même s’il sait parfaitement lire et écrire, son avenir est tout tracé. Ce n’est pas celui des études supérieures. Comme la plupart de ses copains du Hamel, il devient ouvrier bonnetier.

Le 1er août 1914, l’ordre de Mobilisation générale est décrété. Une affiche est placardée sur le mur de la mairie. Les cloches de l’église sonnent le tocsin. La guerre est imminente.

Tous les hommes âgés de moins de 45 ans ayant effectué leur service militaire sont mobilisés. Gustave SENECHAL vient d’avoir 50 ans et Maurice, son fils unique, n’en a que 17. La famille SENECHAL est donc provisoirement à l’abri.

Les jeunes hommes qui viennent de terminer leur service militaire sont les premiers à quitter la commune. Ayant suivi récemment l’instruction militaire, l’armée les juge immédiatement opérationnels pour mener les premiers combats. Le dimanche 2 août, de nombreux habitants du Hamel accompagnent ces jeunes hommes jusqu’à la gare de Corbie. Parmi les appelés du 1er jour, il y a Joseph LENGLET, Eugène DETOISIEN, Juarez PARIS. Ils ont 24 ans. Ils partent à la guerre. Les plus âgés suivront dans les jours prochains.

Pendant le mois d’août 1914, la vie s’organise peu à peu dans le village. En l’absence d’une part importante de la population masculine, l’activité textile vit au ralenti. Priorité est donnée à l’agriculture. La main d’œuvre est essentiellement destinée à la moisson. Début septembre, le village continue à se vider. La classe 1914 est appelée.

Mi-septembre, le front se stabilise. La guerre de tranchées s’installe. Le Hamel n’est qu’à 20 kilomètres des lieux de combat.

En décembre 1914, les jeunes de la Classe 1915 sont mobilisés puis en avril 1915 c’est au tour de ceux nés en 1896 de partir à la guerre… L’étau se resserre. Cette guerre que les journalistes annonçaient courte s’éternise. Du village du Hamel on entend parfois le grondement des tirs d’artillerie. La guerre est bien présente dans la tête des jeunes hommes de la Classe 1917.

Les nouvelles ne sont pas optimistes. Plusieurs familles du Hamel vivent déjà avec le poids de la perte ou de la disparition d’un être cher. Juarez PARIS est mort de ses blessures à l’ambulance de Sainte-Menehould dans la Marne en janvier 1915. On n’a plus de nouvelle de ses deux copains Joseph LENGLET et Eugène DETOISIEN. L’Armée les considère comme disparus. Leurs familles vivent dans l’espoir d’une captivité en Allemagne.

André PERDU n’attend pas d’être mobilisé. Il s’engage à l’âge de 18 ans et rejoint en janvier 1915 le 51e Régiment d’Infanterie de Beauvais.

Maurice SENECHAL et Victor LECAT sont appelés en janvier 1916. Maurice est affecté au 28e Régiment de Dragons et Victor au 51e Régiment d’Infanterie.

Maurice SENECHAL rejoint le centre d’instruction du régiment à Angers. Le 28e Régiment de Dragons qui était caserné à Sedan et à Donchery dans les Ardennes avant la guerre a été contraint, comme toutes les unités du Nord et de l’Est de la France, de replier son dépôt loin du front.

En raison d’un problème de vue, Maurice est dans un premier temps classé dans le service auxiliaire. Il est détaché à la Poudrerie Nationale de Bergerac où il reste plusieurs mois. Le 14 décembre 1916, la Commission de Réforme de Toulouse le juge apte au service armé. Après plusieurs changements d’affectation, il rejoint le 65e Régiment d’Infanterie avec lequel il connaît le front du Chemin des Dames à l’Ouest du village de Craonne au printemps 1917.

Maurice SENECHAL est tué d’une balle dans la tête le 24 août 1917 à Moulin-sous-Touvent, commune de l’Oise située en bordure du département de l’Aisne près de Blérancourt. Maurice avait 20 ans.

Son copain Victor LECAT est mort le 5 mai 1917 dans le secteur de Braye-en-Laonnois dans l’Aisne.

Marcel DEVAUX, mobilisé en septembre 1917 a été tué à l’ennemi en octobre 1918 en Belgique. Victor avait 19 ans et Marcel en avait 20.

Henri KNOCKAERT a échappé à la guerre. Convoqué en août 1916, les Commissions de Réforme l’ont jugé à plusieurs reprises inapte pour « communication interventriculaire, malformation congénitale ». La maladie de cœur lui a sauvé la vie…

André PERDU a survécu. Les examens médicaux subis à plusieurs reprises dans les années d’après-guerre sont éloquents :« Parésie cubitale et radiale gauche, otite sèche bilatérale avec absence d’écoulement nasal, éclats multiples au crâne et au maxillaire supérieur, névralgies faciales, cicatrice à l’hémithorax gauche, troubles subjectifs, perte de vision à l’œil droit…. ». André a survécu. Il s’est éteint en 1969 à l’âge de 72 ans ayant porté pendant toute sa vie, sur son corps et dans sa tête, les traces d’une guerre tellement dévastatrice.

Quant aux deux « disparus » Joseph LENGLET et Eugène DETOISIEN, ils n’étaient pas prisonniers des Allemands. Ils ont perdu la vie sur les lieux de combat. Leurs corps n’ont jamais été retrouvés.

Gustave et Amélia SENECHAL n’ont pas quitté Le Hamel. Ils sont restés dans leur petite maison de la Grande-Rue. Une maison tellement vide après le départ de leur fils unique. La maladie avait pris leurs deux premiers enfants et la guerre leur a volé leur troisième et dernier garçon.

Quel sens pouvait donc encore avoir leur vie, sinon celui d’assurer simplement leur survie.

Amélia s’est éteinte quelques années après la guerre et Gustave est resté seul. Désespérément seul. 

Xavier BECQUET

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