En Gaume, les villageois voient passer presque chaque jour des Allemands, mais aussi des Français. Les missions de reconnaissance sont en effet très actives. Et si les Français cherchent surtout à savoir où est l’ennemi, les Allemands semblent chercher à réunir les conditions pour pouvoir faire passer, dans quelques jours, le gros des troupes en direction de la France. Il faut préparer le terrain et enlever tout esprit de résistance à la population locale.
Les Allemands occupent les hauteurs boisées et les carrières entre Tintigny et Bellefontaine. Ils creusent des tranchées de 50 mètres qu’ils recouvrent de paille.
Dans l’après-midi, une patrouille de 13 uhlans vient piller la boulangerie Lavigne et la Caisse d’Epargne de Tintigny. Ils se rendent ensuite chez le bourgmestre, lui demandant s’il parle français. Il leur répond : « votre langue est très difficile à comprendre ». Un des uhlans, tout en lui plaçant un browning sous le nez du maire, lui dit « Voici un dictionnaire qui vous fera comprendre que nous avons faim et qu’il nous faut manger de suite ! ». Le maire les emmène chez le boucher et fait couper un morceau de lard en 13.
Une villageoise d’Ansart (village situé à quelques kilomètres de Bellefontaine) explique : « le 14 août, un uhlan descend le village. Chacun s’empresse de rentrer chez soi en l’apercevant. Le lendemain, il en arrive toute une bande. Ils ressemblent à des loups affamés et forcent les gens à leur donner du lard, du jambon, du vin, du pain. Les patrouilles allemandes circulent en tous sens et traversent les champs. »
Le 14 au soir, une patrouille française qui est à proximité de Bellefontaine apprend qu’une quinzaine de cavaliers ennemis sont à l’entrée du village. On les dit à cheval. Le lieutenant Delcours, avec ses dix hommes, met le sabre à la main et se précipite pour les charger. Les Allemands ne sont pas à cheval, mais à pied, et ils sont abrités derrière une haie ? Les cavaliers français sont reçus par un feu nourri presque à bout portant. Quatre hommes sont blessés, dont trois seront soignés sur place par les civils.
Une escouade française s’arrête au centre de Saint-Vincent (à côté de Bellefontaine) avec des prisonniers allemands. Ceux-ci deviennent vite l’objet de la curiosité agressive des villageois et l’on voit un vieillard brandir sous le nez des Prussiens un petit sabre en bois de l’école en criant, en patois gaumais : « Si tu avais affaire à moi, je ne te donnerais pas une minute à vivre ! ». L’escouade poursuit ensuite son chemin vers la France.
Le lendemain, à Saint-Vincent, ce sont les Allemands qui arrivent. Quinze otages du village sont enfermés dans une grange. Des Allemands se rendent chez le bourgmestre et lui donne l’ordre d’enlever le drapeau national qui flotte sur le clocher de l’église. Il est signifié au bourgmestre que le moindre acte d’hostilité sera sévèrement puni. Des enfants, porteurs de petits drapeaux belges, veulent courir derrière les soldats allemands. Ces derniers n’apprécient pas du tout et en prennent douze en otages qu’ils enferment jusqu’au soir dans la chapelle Notre-Dame de Luxembourg.
Des cavaliers allemands envahissent la gare de Saint-Vincent-Bellefontaine où ils coupent les fils télégraphiques et brisent les appareils. A Bellefontaine, un des trois officiers allemands présents dans le village déclare au bourgmestre qu’il sait que les quatre blessés allemands y sont bien soignés mais il tient à l’informer que le village voisin de Saint-Vincent sera brûlé « parce qu’un habitant a tiré sur des patrouilles allemandes ».
Pendant ce temps, d’autres Allemands se livrent encore à des scènes de pillage, à Tintigny et dans les villages aux alentours de la Gaume.
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